Amis de Montagnac Hérault

Amis de Montagnac Hérault

lundi 24 janvier 2022

LES CONFERENCES


2024
Janvier                                                                                             
                   Le monument mégalithique des Tourals
                               et son contexte environnemental                                                                                              par Amélie Diaz
          Service archéologique-Communauté Agglomération Hérault Méditerranée

      
                    
          La découverte du monument en pierre sèche

C’est dans le cadre d’un projet de prospections-inventaires lancé en 2015 par le GREPAM, afin d’établir un état des lieux du potentiel archéologique du causse et des terrasses alluviales du volcanisme des baumes, qu’ont été découvertes de nombreuses structures en pierres sèches sur les communes de Nizas, de Caux et de Pézenas.
Le secteur de prospection couvre un territoire délimité au sud par le fleuve Hérault, à l’est son affluent la Boyne, à l’ouest son autre affluent la Peyne et au nord l’édifice volcanique des Baumes. Ce projet a été initié par l’équipe du site de Bois-de-Riquet, situé dans la carrière de basalte de Lézignan-la-Cèbe. L’objectif était de préciser les origines des matières premières minérales utilisés dans la réalisation des outils découverts sur le site.

Section de prospection,
carte géologique de Pézenas
1/50 000 BRGM


        Les problématiques d'étude

De très nombreux éléments en pierres sèches, exclusivement en basalte, de diverses périodes, ont été recensés sur le plateau du volcanisme des Baumes dont la structure mégalithique des Tourals : Pierres dressées, gravées, tombes, outillage en pierre taillé, capitelle et autres structures en pierre sèche comme des murs, des enclos. L’étude de ce monument s’inscrit donc dans une étude plus large, celle de l’occupation du plateau basaltique du causse des Baumes depuis les temps préhistoriques jusqu’aux périodes récentes.

                                 

Localisation des éléments mégalithiques identifiés
sur le plateau des Baumes suite aux prospections-inventaires


   L'environnement mégalithique local                                                                          
Le sud de la France est un territoire riche en dolmens et en pierres levées. Leur apparition dans notre région ne semble pas antérieure à la fin du 4ème millénaire. 
Ils sont habituellement présents sur les reliefs, quasi absents des zones basses, en particulier côtières, et de la vallée du fleuve Hérault. 
Il faut aller vers le Nord (zone du Salagou), au Nord- Ouest (zone de Cabrières-Bédarieux) ou vers l’Est (le Causse de l’Aumelas) pour trouver des monuments mégalithiques type dolmens, souvent en calcaire ou en grès, plus rarement en basalte. Ils se situent à 12/15 kms à vol d’oiseau par rapport au monument des Tourals pour les plus proches.



Principaux monuments mégalithiques
 dans le proche environnement des Tourals (DAO J.P Cros)

  Le contexte géomorphologique                                                                                     
Le monument mégalithique des Tourals est implanté sur le plateau basaltique qui est            communément  attribué au volcanisme des baumes, un édifice effusif daté entre - 1.49 et 
- 1.55 Ma.                                                                                                          
          
Carte géologique BRGM
source Géoportail 2020

Le plateau basaltique présente une irrégularité topographique dans le secteur des Tourals.

Les affleurements à proximité ont tous les caractères d’ancienne exploitation carrière et peuvent être directement en lien avec l’édification du monument.

 

Front d'exploitation sur les pentes de la bordure Est
J. Ivorra

     L'implantation du site dans le paysage                                                                                                        
C’est donc dans le cadre d’un projet d’évaluation du potentiel archéologique des structures en pierres sèches découvertes sur le causse des Baumes, que le site des Tourals a été étudié. Le site des Tourals est inclus dans un mur de plus de 500m de long, lui-même noyé dans un ensemble monumental constitué d’enclos, de portions de murs dont certaines sections sont monumentales, et des tumuli qui pour l’instant, en l’absence de sondage sont considérés comme des zones d’accumulation de blocs issus de l’épierrement des parcelles agricoles adjacentes. Cet ensemble de structures en pierres sèches était non référencé avant les prospections de Mr J. Ivorra et semble s’être seulement conservé dans un espace boisé. C’est éventuellement grâce à cette végétation que ces structures empierrées se sont conservées durant ces derniers siècles.

      Les opérations menées sur le site 

La première approche du site a consisté au nettoyage de la zone d’implantation de ces vestiges. Un débroussaillage intense fut nécessaire afin de révéler les structures enfouies sous une dense végétation. En effet, cette zone est actuellement conquise par une végétation buissonnante qui envahit les espaces et ferme les paysages, rendant difficile la prospection pédestre de terrain. Un mur, à première vue d’époque plus récente, s’est dévoilé sous la végétation à proximité immédiate du monument d’époque préhistorique.                                                                  

Plan général du site et mise en évidence 
des vestiges de la phase la plus ancienne
A. Diaz

Après une première phase de nettoyage de surface autour du site, puis sur le site nous avons pu faire le relevé pierre à pierre. À première vue, cette structure archéologique a partiellement été démantelée par l’enlèvement de blocs de basalte réemployés dans des structures plus récentes, notamment le parcellaire agricole historique. Il s’agit d’une structure mégalithique ayant perdu sa couverture de pierre et/ou de terre qui constituait un tumulus et ne laisse apparaître aujourd’hui que les monolithes – les pierres dressées.

 

Monument après nettoyage, vue depuis le nord
A. Diaz

    Les vestiges découverts sur le site                                                                               

Actuellement deux grosses pierres sont encore en élévation :

-  Une verticale à l’Ouest,

- Une inclinée à l’Est qui s’appuie sur la précédente, il s’agit peut-être de la dalle de couverture,

- Et une située à plat au fond de la « chambre » cette dernière est soit une dalle implantée à l’Est, soit une dalle de sol de chambre

Monument nettoyé, vue depuis le Nord
A. Diaz

Localisation des différents sondages 2022                                                         

L’opération effectuée en 2022 sur ce monument avait pour but de répondre aux questions soulevées lors de la mise en évidence des différentes structures : à savoir la typologie du monument, dolmen ou coffre, ainsi que le lien existant entre le monument et les zones de concentration d’outils en pierre taillé néolithiques qui supposent des habitats pas loin. Plusieurs zones de fouilles ont été choisies en fonction de leur possible état de préservation. La fouille a permis de mettre en évidence des alignements de blocs.

     Les vestiges découverts sur le site des Tourals. 1                                                      



Voici un premier essai de restitution des différents blocs dans la mesure où les blocs identifiés participent tous à l’aménagement du monument mégalithique de type « coffre ».

Les orthostates du coffre (blocs rouge), seraient soutenus, en partie ouest, par de petites dalles de calage (blocs orange), un pavement équilibrant la surface de circulation autour du monument serait représenté par ces grandes dalles plates (blocs jaune) et enfin une série de gros blocs (blocs vert) pourraient manifester la présence d’un parement externe presque circulaire. 

L’étude du mobilier céramique découvert à la fouille 2022, révèle une appartenance au début de la protohistoire, probablement entre 2200 et 1500 ans avant notre ère.

Plan général du site et mise en évidence des vestiges de
la phase la plus récente (DAO A. Diaz).                            
     En beige apparaissent les pierres formant le mur d'époque  
   récente, en orangé une zone de possible remaniement, la 
    ligne noire matérialise l'emplacement de la coupe relevée  
Est-Ouest.                                                                        

Un mur se situe à environ quatre mètres au nord de la structure mégalithique des Tourals 1, et semble constituer l'objet de son épierrement. Ce mur se poursuit de part et d'autre di site. Son épaisseur est variable et encore mal déterminée sur l'ensemble, il est conservé sur trois voire quatre assises de pierres d'une hauteur moyenne de 60 cm. Il est constitué de blocs de basalte brut. Le parement extérieur du mur est constitué de gros blocs et de remplissage de cailloutis.

Coupe est-ouest du mur (DAO C. Gomez)

Au vu des différents sondages réalisés dans le mur, on peut faire plusieurs observations Il s’agit d’un mur à simple parement, édifié en pierre sèche, postérieurement à la structure mégalithique. Le mur semble posséder plusieurs phases et modes de construction, dont la première s’appuie sur le monument et réemploi des blocs de la partie supérieure de ce dernier.

Ces observations apportent une meilleure connaissance de la constitution du mur, cependant la limite avec la structure mégalithique n’a toujours pas été identifiée. Celle-ci pourra probablement être déterminée au cours des opérations futures.

          Les perspectives

D’après les deux premières opérations menées sur ce site, il nous semble que le monument, et le pourtour du monument ne soient pas totalement érodés et que des éléments d’aménagement, de structuration de l’espace puisse être reconnue par la poursuite de la fouille manuelle. Le mobilier archéologique, essentiellement céramique pour les premiers décapages, apparait déjà comme un corpus caractéristique d’une période et pourrait être plus abondante à l’avenir. L’industrie lithique est pour le moment pas assez riche pour constituer une série caractéristique, ni d’un point de vue technologique, ni typologique.

Suites aux études réalisées à partir du mobilier, il apparait que la structure a bien été fréquentée durant le tout début de la protohistoire, plus précisément entre la fin du Campaniforme et le Bronze moyen. Concernant la chambre funéraire du monument, nous avons bon espoir de découvrir des restes inhumés, si la chambre n’a pas été pillée antérieurement. Nous ne connaissons pas encore son état de préservation. Le monument dans son bouleversement actuel peut être le résultat d’un pillage ou celui d’un effondrement lié au prélèvement des pierres qui constituaient le tumulus.

A ce jour, il est difficile de trancher. Les campagnes futures permettront de préciser ces questions.

Equipe 2022

Ces opérations se sont déroulées en grande majorité en partenariat avec les membres des associations locales, le Groupe de recherches archéologiques d’Agde, le Groupe de recherche et d’étude du patrimoine méditerranéen, la société de protection de la nature du piscénois, le laboratoire ASM, le laboratoire Traces pour les relevés photogrammétriques des structures, L’Inrap pour la topo et l’étude de mobilier. Et avec le soutien financier de l’état, du département et de la collectivité Hérault Méditerranée.

 



Retrouvez les actualités des recherches sur les Tourals sur le site Archéodyssée :                                    
 https://www.archeodyssee-heraultmediterranee.com/                                           


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Mars                                                        
                                          Les expériences du front populaire 1936-1938


Jean-Michel Abbès notre conférencier 

 

1936 une date que tout le monde a en mémoire, les uns pour évoquer une période idéale, les autres pour la condamner sans appel, il n'était pas inutile, quatre-vingt-dix ans après, de revenir sur ce moment à la fois gai et douloureux de notre histoire, c’est le thème qu'avaient choisi les Amis de Montagnac pour leur conférence du 11 mars.

Le choix du conférencier avait aussi beaucoup d'importance et la présentation qu'a faite de cette expérience Jean Michel Abbes, professeur agrégé, a été à la hauteur de ce qu'attendait le public. Sous des dehors de chose connue la question était difficile, il ne s'agissait pas d'ouvrir une polémique ou de donner au sujet une couleur rose ou noire mais de juger objectivement ce qui s'était passé.

Le conférencier a donc commencé par analyser la situation sociale et politique avant 36 non seulement en France mais dans le monde entier avec les conséquences de la Guerre de 14 ou  la crise de 1930, une crise économique qui amenait un bouillonnement de tous les bords politiques.

Plus classique était le chemin parcouru pour atteindre le programme commun et les difficultés du gouvernement qui a suivi.

Pourquoi ces grèves spontanées, suivies de  discussions avec le patronat ? La marche était difficile pour un mouvement qui allait d'une certaine bourgeoisie aux communistes alors que la situation économique était dramatique, que  la Guerre d'Espagne servait de terrain d'essai à Hitler et Mussolini et que les banques anglaises faisaient pression sur la France pour la non intervention en Espagne.
On sentait le danger du côté de l'Allemagne, il fallait vite réagir et se réarmer rapidement, développer la défense, construire des avions en nombre, préparer la ligne Maginot, cet effort militaire a été fait mais Hitler a été plus rapide.

Après coup on a cherché des coupables, on a simplement oublié qu'après 1919 la France s'est endormie normalement sur sa victoire, les mots d'ordre « C'est la der des der » et « plus jamais ça » étaient la règle réconfortante.

On pouvait enfin souffler un peu.

Mais 36 a représenté une grande expérience dans tous les domaines aussi bien social qu'économique, que culturel.

Est-ce une coïncidence, mais la cave Coopérative de Montagnac est née en  1937 et était prête  pour les vendanges de la même année après trente ans d'hésitations et de tergiversations.

Merci à Jean Michel Abbes pour ce moment passionnant qu'il nous a fait vivre.


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2023                          
Janvier  

  

Céline Gomez Pardies et Amélie Diaz nos conférencières


Après le vote des rapports, moral et financier qui a clôturé notre Assemblée générale (voir rubrique Assemblées générales), les invitées Céline Gomez Pardies, responsable du Service archéologique de la Communauté d’Agglomération Hérault-Méditerranée et Amélie Diaz, chargée de Médiation et préhistoire ont présenté le projet Archéodyssée. Le territoire de la Communauté d’Agglomération Hérault Méditerranée connaît en effet une occupation du sol extrêmement riche couvrant une large période qui s’étend de la préhistoire à nos jours. La valorisation numérique a été choisie pour porter ces données à la connaissance du grand public, ainsi est né le projet Archéodyssée, portail web dédié à l’archéologie. Les intervenantes à tour de rôle ont présenté la genèse du projet et, à l'aide d’une série d'entretiens d'archéologues et scientifiques intervenant dans la région, quelques sites remarquables parmi les nombreux répertoriés sur le territoire ont été mis en valeur dans un film remarquable par la beauté des images et l'exhibition des dynamiques de peuplement au cours des siècles. 


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2022      
mars

LES ARCHITECTURES DE TERRE DU BASSIN OCCIDENTAL DE LA MEDITERRANNEE 



Claire-Anne de Chazelles notre conférencière




INTRODUCTION   
Problématique
Depuis quelques décennies la construction en terre crue fait l’objet de tant de publications dans les champs de l’ethnographie, la photographie, l’archéologie, l’architecture contemporaine et la construction écologique, ces sujets sont tellement médiatisés, que plus personne n’ignore en quoi cela consiste, ni quels sont les avantages de la terre pour la construction actuelle. On ne peut que s’en féliciter, tout comme du regain d’intérêt pour le bois, autre matériau disponible et renouvelable assurant aussi d’excellentes performances énergétiques.
La recherche archéologique et historique sur les architectures de terre initiée au début des années 1980 n’est pas étrangère à l’intérêt du grand public puisque de nombreux résultats ont été présentés dans des expositions, des conférences et diffusés dans des revues de vulgarisation. Dans ce domaine, la recherche scientifique a pour objectif global d’établir une « histoire » des constructions et des architectures de terre depuis le Néolithique, qui correspond aux tout premiers habitats humains construits, jusqu’au XXe s. et ce, sur tous les continents. Dans le détail, cela concerne des zones géographiques, des pays ou des périodes ciblés, des procédés en particulier, mais aussi des questionnements sur l’évolution et la transmission des techniques à grande ou petite échelle, sur les modes de vie, les comportements sociétaux vis-à-vis du matériau terre selon les lieux et les époques, etc

 .

Grosso modo, on distingue des approches strictement techniques servant à classifier les modes de mise en œuvre et les matériaux, des approches historiques qui établissent des schémas d’évolution et des cartographies par périodes et par zones, et des approches socio-économiques centrées sur des territoires permettant d’expliquer la préférence pour la terre crue plutôt que tout autre matériau et d’appréhender l’image des édifices en terre au sein d’une société et aux yeux de leurs usagers. 

Méthodes et outils de la recherche archéologique sur les architectures de terre
Pour atteindre ces objectifs, les archéologues et historiens disposent d’une large palette de méthodes et d’outils.
En premier lieu, la méthode archéologique se sert des outils classiques que sont la fouille des structures bâties, les analyses en laboratoire sur des vestiges de construction prélevés et les textes quand ils existent. Ces outils permettent de déterminer la composition des matériaux (le type de terre et sa provenance, les ajouts pour l’amender) et renseignent sur les procédés utilisés (décrits ci-dessous). Les ressources textuelles sont issues d’ouvrages savants comme les traités de construction ou d’architecture, un des plus anciens étant celui de l’architecte romain Vitruve, de traités d’agronomie et d’encyclopédies mais aussi de livres d’histoire et de littérature. À partir de l’époque romaine et surtout du Moyen Âge, des textes juridiques apportent une aide précieuse : articles légiférant la construction ou simplement actes notariés enregistrant des prix faits, litiges et divers comptes.
En second lieu, la méthode expérimentale recourt à la pratique. Cela comporte la connaissance directe des matériaux, de leurs composition et modes de mise en œuvre, et concerne soit des spécimens à échelle réduite, soit la réalisation de bâtiments de taille réelle (exemples de Martigues, Lattes, Calafell). Enfin, l’ethnographie procure des comparaisons souvent « éclairantes » sur le processus constructif proprement dit (matériaux, techniques, organisation des travaux) et le domaine humain/social qui est le grand absent des recherches archéologiques. Entre autres questions : qui vit dans des maisons en terre et pour quelles raisons, pourquoi des techniques très différentes sont-elles associées ou se substituent-elles les unes aux autres, quels sont les coûts respectifs à une période donnée de tels ou tels matériaux ou techniques, etc. ?

LES ARCHITECTURES DE TERRE CRUE 
Histoire plurimillénaire des techniques de construction à base de terre
Les techniques de construction employant de la terre crue ne sont pas toutes « universelles » c’est-à-dire présentes partout et à toutes les périodes. Certaines le sont, ayant été mises au point très tôt par presque toutes les communautés humaines : c’est le cas de la bauge et du torchis. D’autres sont apparues au cours de l’histoire dans certains lieux et ont ensuite été plus ou moins largement diffusées : ce sont la brique crue moulée (aussi nommée adobe) et le pisé. La diffusion d’une technique relève parfois de cheminements évidents liés à des déplacements de populations (migrations et colonisations) ou au contraire d’une logique qui nous échappe quand elle est le fait d’individus comme, par exemple, le choix imposé par une autorité responsable ou un transfert par des migrants ou des artisans itinérants. 
Les recherches menées depuis une quarantaine d’année sur les problématiques techniques et historiques relatives aux architectures de terre en contextes archéologiques permettent de bien définir chaque procédé et ses variantes et d’en restituer l’« histoire » à grands traits.
- La bauge
La bauge n’est pas une technique mais plutôt une famille de techniques pouvant se pratiquer dans la plupart des milieux physiques où la terre et l’eau sont disponibles. C’est probablement la première solution expérimentée par les hommes de la Préhistoire pour bâtir leur habitat car elle est très intuitive. Au cours des millénaires, diverses variantes ont été perfectionnées. Dans le sud de la France, on rencontre la bauge dans des contextes culturels néolithiques et protohistoriques, mais aussi antiques et médiévaux. En France et en Europe, la bauge s’employait encore au début du XXe s. dans des zones rurales (Normandie, Bretagne et Sud-Ouest en France, Angleterre, Allemagne, Pays nordiques et Europe centrale). 

Fige 2 

On la trouve aujourd’hui en Afrique et en Amérique latine comme technique d’à point pour des clôtures et petits bâtiments annexes.
Le matériau est un mélange de terre et d’eau auquel s’ajoutent très souvent de la paille ou du foin, plus rarement des poils d’animaux. Il est mis en œuvre à l’état plastique avec la consistance d’une pâte ferme et non boueuse. La largeur des murs est rarement inférieure à 0,60 m et peut dépasser 1 m. Le principe consiste à amasser et empiler le matériau humide en procédant par lits successifs dont la hauteur diffère selon la variante employée. Les murs très épais, peu sensibles à l’érosion, sont fréquemment élevés directement sur le sol, sans solin de pierre.
Pour construire, on se sert des mains ou d’une fourche pour former des mottes de taille plus ou moins grande qui sont amalgamées les unes aux autres, c’est une technique dite de « façonnage direct ». 

Fig 3a

        
Fig 3b

Les lits de bauge mesurent de quelques centimètres à plusieurs décimètres (0,60 à 0,80 m). Des variantes consistent à façonner préalablement des pains, galettes ou boules de terre, d’autres à découper des parallélépipèdes réguliers. 

Fig 4


Les parements des murs sont rectifiés si c’est nécessaire en les retaillant avec une bêche et/ou en les frappant énergiquement avec un bâton (opération de « triquage » en Normandie et en Bretagne). Mais, avec les pains de terre découpés, posés sans liant à la manière de briques « molles », on règle directement l’aplomb des parements. Cette méthode est attestée à partir du Moyen Âge en France méridionale en intercalant des rangs de bruyères ou de paille entre de minces couches de bauge.
Partout dans le monde, des constructions de toutes époques illustrent l’infinie diversité de la bauge et l’inventivité de ses utilisateurs. Cette technique simple a pourtant été mise en œuvre pour des architectures monumentales, entre le Néolithique et la période moderne.

- Le torchis
Le torchis est la seconde technique de construction attestée au Néolithique qui a perduré jusqu’à nos jours. Le matériau ressemble à celui de la bauge mais il est toujours appliqué sur une structure porteuse : c’est un matériau de « garnissage ». Dans les formes anciennes ou rudimentaires encore utilisées, une trame végétale appelée clayonnage sert de support au torchis, lui-même appliqué en couche de 4 à 8 cm d’épaisseur.

Fig 5

Le clayonnage fait de branchages entrecroisés ou de roseaux est fixé sur des poteaux plantés dans le sol, reliés entre eux par des éléments horizontaux. À partir de l’époque romaine, les montants verticaux sont plutôt ajustés dans une poutre (sablière) à la base et au sommet et des lattis de bois remplacent souvent les claies. 
Dès lors, les assemblages deviennent complexes et on parle de pans de bois ou de colombages.


Ce mode de construction courant dans les habitats romains (avec des exemples fameux à Herculanum) et médiévaux se maintient ensuite dans de nombreuses régions humides et/ou boisées en France, Grande Bretagne et Europe du nord et du centre. On l’emploie aussi en complément d’autres techniques pour réaliser des cloisons et des murs d’étages légers. Les architectures à colombages sont moins répandues là où les ressources en bois sont médiocres, notamment autour de la Méditerranée, mais la technique est attestée dans des villes languedociennes à la fin du Moyen Âge ; la légèreté des structures permet en particulier de réaliser des étages en surplomb sur la rue, pour gagner de la superficie dans les étages.
Les vestiges archéologiques du torchis sont des fragments cuits par un incendie gardant les empreintes de supports en bois, ainsi que des trous de poteaux dans les sols. Des restes de sablière basse et de colombages sont conservés en place quand le bois est calciné et en « négatif » si le bois a disparu.


- Les briques crues
La construction modulaire en terre crue est très répandue dans le monde, utilisant des éléments modelés à la main ou moulés (adobes ), voire découpés. Comme la bauge et le torchis, les briques modelées accompagnent presque partout les premières architectures. Les formes et dimensions des briques sont très diverses : coniques, cylindriques, piriformes, prismatiques, plano-convexes, etc quand elles sont faites à la main, cubiques et parallélépipédiques quand elles sont moulées. 




Ces formats sont propres à une période, une époque, un groupe humain, ou s’adaptent à des besoins spécifiques. 
La construction est rapide mais elle nécessite une organisation du travail sur le long terme puisque les briques sont produites par milliers, mises à sécher parfois longuement avant d’être stockées.
Les foyers d’invention de la brique moulée sont plus rares qu’on pourrait le penser. Les mieux identifiés sont le Proche Orient néolithique (Irak, Turquie, Syrie), la Chine centrale en Asie, le Mexique sur le continent américain. Les briques modelées existent au IXe millénaire au Proche-Orient et les premiers éléments moulés y sont « inventés » vers 7000 av. J.-C. Il semble que cette technique ait progressivement gagné l’Égypte, le bassin méditerranéen et l’Europe du sud à des moments différents. En Méditerranée occidentale, des éléments modelés sont identifiés dans des habitats du Néolithique (Ve- IIIe millénaire) mais les adobes n’apparaissent qu’entre le IXe et le VIe s. av. J.-C. En Italie, Tunisie et France, l’introduction et la diffusion de cette technique semblent essentiellement liées aux colonisations phéniciennes et grecques, mais l’Espagne pourrait comporter aussi un foyer autonome.
En France, la brique moulée apparaît au VIe s. av. J.-C. à Marseille, puis sur quelques sites de la côte méditerranéenne où elle restera dominante pendant l’âge du Fer.


À la période romaine, l’adobe se propage parmi d’autres techniques en Occident. Après une éclipse, on retrouve la brique moulée dans le Midi entre le XIIe et le XIVe s. (Marseille, Agde, Lézignan-Corbières) et, à partir des XVe-XVIe s., dans d’autres régions (Midi-Pyrénées, Auvergne, Aquitaine, et même Champagne au XVIIIe s.). Toutefois, ce mode de construction est moins prisé en France aux périodes moderne et actuelle que dans la péninsule ibérique, le Maghreb, certaines zones d’Europe tempérée (Bulgarie, Roumanie, pays tchèques) et d’Asie centrale. 
L’adoption de l’adobe dans l’habitat s’accompagne de modifications notables des plans de maisons et d’urbanisme qui deviennent plus réguliers. Le système modulaire autorise des réalisations spectaculaires telles que des bâtiments très hauts, des murailles défensives et des monuments gigantesques comme les pyramides égyptiennes et péruviennes ; il permet également de réaliser des voûtes et des coupoles qui se substituent aux toitures sur charpentes dans des pays arides.


Enfin, la brique se prête à des fantaisies décoratives largement illustrées par les architectures du Maroc, Yémen, Mexique et Pérou. En Égypte ancienne, la brique crue moulée est aussi un objet magique qui participe aux rites de fondation de monuments conduits par Pharaon ; par ailleurs, des « briques d’accouchement » en terre crue, sur lesquelles les parturientes posent les pieds, sont ornées et couvertes d’inscriptions propitiatoires protégeant les naissances.

- Le pisé, terre coffrée et damée
Comparé aux trois autres techniques qui ont plus de dix mille ans d’existence, le pisé est une manière « récente » de construire les murs en terre qui se distingue à la fois par le matériau et par la mise en œuvre. On utilise une terre très peu humide (environ 10%° d’humidité) et habituellement sans fibres ajoutées, et on se sert d’un coffrage temporaire pour mouler en place de grands volumes. 
Le coffrage se compose de planches (les banches) disposées de part et d’autre du mur à construire entre lesquelles la terre est compactée avec un pisoir ou pilon, en procédant par couches de 12/15 cm d’épaisseur. La cohésion est produite par le damage. Dans le système le plus répandu de nos jours, les banches, hautes de 0,80 m en moyenne, sont déplacées latéralement au fur et à mesure du travail. 


On procède par assises horizontales sur la longueur d’un mur, voire sur le pourtour d’un bâtiment, et l’assise suivante débute sans délai de séchage. Les planches sont posées sur des pièces de bois transversales (les clés) et maintenues au sommet par des cordes. Les murs achevés présentent des modules visibles correspondant aux volumes successivement coffrés (les banchées) et des lignes de trous laissés par les clés. 
Un autre système, qu’on peut faire remonter en Occident à la fin de la Protohistoire, encore attesté en France au Moyen Âge et au XVIIIe s. et naguère en Hongrie, se pratique de nos jours dans des zones rurales de Chine. Il emploie des coffrages continus, maintenus par des poteaux plantés et sans l’aide de clés, ce qui laisse peu de traces hormis les trous des poteaux le long des murs.
Fig 13

 
Quelle que soit la méthode, le pisé est une manière performante de construire en terre puisqu’on peut employer la terre directement extraite du sol, sans préparation, et que la mise en œuvre est très rapide. Cependant, il n’est pas adapté à tous les climats : dans les régions humides, la terre du sol n’est jamais assez sèche pour être damée et, dans les zones arides, si l’on ne construit pas en hiver il faut mouiller la terre. Ces contraintes justifient que la technique soit moins généralisée que les autres à l’échelle de la planète.
En Occident, un foyer d’invention de la terre damée qui englobe la Tunisie, la Sicile et le sud de l’Italie émerge entre le IIIe et le Ier s. av. J.-C. Les plus anciens témoins se trouvent dans des villes puniques tunisiennes (Kerkouane et Carthage), les plus récents en Sicile (Heraclea Minoa) et peut-être à Pompéi. Ces murs de pisé paraissent édifiés avec des coffrages continus. La construction avec des banches mobiles est identifiée à la période romaine, aux Ier et IIe s., au Maroc (Rirha), en Espagne (Ampurias et sites andalous) et dans le sud de la France (Bram). 

Fig 14

Les contours des banchées bien visibles sur les parements et les alignements de trous de clés deviennent au cours du temps la caractéristique des pisés hispano-marocains, puis français, européens (zones danubiennes) et enfin américains . 
Un second foyer du pisé se trouve en Chine avec pour exemples fameux des tronçons anciens de la grande Muraille ainsi que de vastes bâtiments communautaires fortifiés, de plan circulaire - les tulous , construit par les Hakkas entre le XIIIe et le XXe s.
Les Romains ont certainement diffusé le pisé au sein de l’Empire, mais il fut délaissé comme l’adobe et d’autres techniques après l’Antiquité. Le grand essor du pisé est lié à la progression de l’Islam dans le Maghreb et la péninsule ibérique où les premières constructions médiévales datent du IXe s. et se multiplient à partir du XIIe s. Il s’agit principalement de constructions monumentales. En France méridionale, le pisé à banches mobiles caractérise l’habitat urbain des XIIIe et XIVe siècles (aux côtés de la bauge). Par la suite, la technique se maintient dans une petite zone de Provence, comme en témoignent de nombreuses maisons et granges des XIXe et début XXe s. dans les plaines de la Crau et de la Durance. En d’autres régions françaises (Rhône-Alpes, Auvergne, Midi-Pyrénées) où la construction en pisé apparaît aussi à la fin du Moyen Âge, elle s’applique à tous les domaines. Outre des habitats ruraux mais aussi urbains - comme des immeubles au centre-ville de Lyon -, on compte des édifices publics (mairies, églises), des biens de prestige (châteaux) ou techniques (moulins, pigeonniers, clôtures, etc.) édifiés entre le milieu du XVIIIe s. et le début du XXe s. 


Fig 15


Les toits plats en terre
Les toitures horizontales en terre appartiennent à l’enveloppe structurelle des bâtiments. Elles comportent une charpente de poutres ou de chevrons, une volige en roseaux ou branchages et une épaisse couverture de terre mélangée à de la paille. Très lourdes et vulnérables à l’eau, elles doivent être constamment restaurées ou remplacées. 

Fig 16

Leur cas n’est pas développé dans cet article car, même si elles ont sans doute existé le sud de la France à la Protohistoire, elles ne sont pas un élément pérenne des traditions constructives de notre pays. 

La terre dans le second œuvre. Terre crue affichée, terre crue dissimulée
Les bâtiments en terre doivent être protégés contre l’érosion par l’eau. Ordinairement, les parois sont érigées sur des solins en pierre ou en brique cuite, les toitures débordent pour abriter le haut des murs et ceux-ci sont revêtus soit par des enduits étanches au mortier de chaux soit par des enduits en terre refaits périodiquement. Dans les contextes où la terre est le matériau le plus accessible, les éléments du second œuvre l’utilisent également : les revêtements muraux intérieurs, les sols et divers aménagements fixes (banquettes, placards, cheminées, fours, foyers plats, supports). Ces derniers sont façonnés avec un mélange plastique et le renfort éventuel de claies pour faire des cloisonnements, étagères, calottes de four, ou bien ils sont réalisés en briques crues. De tels équipements existent dans les maisons depuis le Néolithique. Ils se rencontrent encore au début du XXe s. dans l’habitat rural en Europe et, actuellement, dans des zones d’Afrique, Amérique et Asie où la terre est le matériau de construction par excellence.
Quand le fait de construire en terre représente la norme, les bâtiments sont rarement dissimulés et le matériau sert à les valoriser. Il suffit d’évoquer les décors modelés des mosquées maliennes et nigériennes, les jeux d’ombres et lumières obtenus avec des adobes sur les monuments marocains et péruviens, ou des motifs façonnés en relief sur des façades également en Afrique et en Amérique latine. Au contraire, quand la terre est choisie pour des raisons économiques par une partie de la société, alors qu’une autre a accès à des matériaux jugés plus nobles comme la pierre, le bois ou même les parpaings de ciment, les murs de terre sont masqués par des revêtements.

Fig 17

 Des architectures monumentales en terre crue
Malgré l’apparente vulnérabilité de la terre crue, de nombreuses cultures s’en sont servi pour créer des édifices de prestige ou défensifs. Au Néolithique, de puissantes murailles sont élevées soit entièrement en pains de bauge, soit avec la participation de pièces de bois. Au Moyen Âge et au moins jusqu’au XVIe s., de très nombreuses enceintes de villes et villages sont édifiées dans tout le sud de la France (par exemple : Castelnaudary, Toulouse, Pertuis, Cucuron). À la période moderne, l’architecture militaire française a encore eu recours à des pains de bauge pour parementer des levées de terre, comme au fort de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), au XVIIe s. 

Fig 18


L’adobe a joué un rôle majeur dans le domaine des fortifications, principalement avant l’époque romaine. Citons d’impressionnantes murailles en Égypte, par exemple à Hierakonpolis au IIIe millénaire, mais également autour de nombreuses villes grecques, puniques, ibériques et gauloises de l’âge du Fer. On rencontre actuellement des enceintes d’époque moderne au Maghreb comme celle du Ksar Kala (Timimoun), en bordure du Sahara algérien.

Fig 19

Quant au pisé, il est omniprésent dans les fortifications urbaines et palatiales d’Afrique du Nord et de la péninsule ibérique, tant médiévales que modernes. 


Fig 20

Enfin, il faut rappeler que la plus célèbre des fortifications, la muraille de Chine, est en terre crue sur une partie de son tracé : en bauge, en adobe et en pisé selon les endroits. 
Outre les murailles défensives, des édifices remarquables ou prestigieux témoignent de l’intérêt pour la terre crue. Signalons parmi tant d’autres « merveilles » en brique crue, les palais (Mari) et ziggourats (Ur, Tchoga Zambil) de Mésopotamie, des mastabas égyptiens (tombeaux à Saqqara, Naqada), les grandes pyramides (huaca del Sol et huaca de la Luna) et l’immense cité de Chanchan au Pérou, les forteresses de Bahla en Oman et Ar-gé-Bam en Iran, ou encore la cité de Shibam appelée la « Manhattan du désert arabique » au Yémen. Dans le monde musulman hispano-africain, l’usage du pisé s’étend à toutes sortes de monuments : palais, comme ceux de l’Alhambra à Grenade et des villes royales marocaines, tombeaux des Mérinides à Fez, écuries royales de Meknès, pour n’en citer que quelques-uns. En France, dans la région du Forez, les châteaux de la Bâtie d’Urfé (XIVe-XVIe s.) et de Vaugirard (XVIIe s.) sont partiellement en pisé. Plus largement, le patrimoine des régions d’Auvergne et Rhône-Alpes comporte des églises, mairies et autres bâtiments publics en pisé des XIXe et XXe s., comme cela a été évoqué ci-dessus.
En Afrique sub-saharienne, c’est la bauge que l’on emploie avec une grande maîtrise architecturale et beaucoup d’imagination décorative pour réaliser d’impressionnantes mosquées (Agadez au Niger, Djenné, Mopti au Mali),

Fig 21

des enceintes urbaines (Foumban au Cameroun) et des palais comme celui d’Abomey au Bénin.
Cette énumération disparate démontre clairement que la terre crue est un matériau ni fragile, ni modeste, et qu’elle a été au service de grandes puissances civiles et religieuses pendant des millénaires sur tous les continents.

CONSTRUIRE EN TERRE CRUE DANS LE SUD DE LA FRANCE AU MOYEN AGE
Une découverte majeure en 2000 : des maisons urbaines construites en terre crue 
Le rôle de la terre crue dans la construction urbaine médiévale n’a été reconnu dans le sud de la France qu’en 2000, lors d’une opération d’archéologie préventive à Perpignan . Cette découverte - et véritable prise de conscience - a été suivie de beaucoup d’autres dans les villes de Carcassonne, Narbonne, Lézignan-Corbières, Agde, Béziers, Montagnac, Lunel, Montpellier, Saint-Gilles, Marseille, Carpentras et nombreux villages de l’Aude. 

Fig 22


Fig 23

Des recherches en archives ont parfois pu compléter les données de terrain à propos des commanditaires et des destinataires de logements bâtis entre la fin du XIIe et la fin du XIVe s., dans des faubourgs créés aux portes de villes existantes ou dans des villes nouvelles .
Ces nouvelles villes et nouveaux quartiers se distinguent souvent par un urbanisme régulier. À Perpignan comme à Carcassonne, le caractère répétitif des parcelles et des maisons montre qu’on a affaire des lotissements bien organisés. Les logements d’origine sont modestes, avec une ou deux pièces sur deux niveaux, quelquefois une cour à l’arrière, mais ils ont été surélevés à plusieurs reprises ou agrandis en annexant une maison mitoyenne. Il est remarquable que la plupart de ces bâtiments soient encore en élévation et suffisamment solides pour être réhabilités six ou sept siècles après leur édification. Sauf exception, les façades en terre, si elles ont existé, ne sont pas conservées.
De rares maisons médiévales en adobe se trouvent à Agde, Lézignan-Corbières, Capestang et Marseille, toutes les autres sont en pisé ou en bauge. Ces deux techniques cohabitent souvent dans les mêmes bâtiments, sans que l’une soit plus ancienne ou moins appréciée que l’autre, la même terre ayant servi dans les deux cas. Après le Moyen Âge, la construction urbaine délaisse la terre au profit de la pierre, de la brique cuite et localement du pan de bois. Dans les villages et les campagnes, il est impossible d’apprécier clairement le devenir des techniques de terre crue autrement que par le hasard des découvertes car les interventions archéologiques sur le bâti en élévation y sont moins fréquentes qu’en ville. Des murs de terre sont cependant signalés ici ou là, sans repère chronologique (par exemple dans des villages autour de Béziers).
Le cas de Montagnac
Montagnac offre une belle illustration de ville créée à partir d’un noyau ecclésial avec une structure en anneaux concentriques correspondant à de grands îlots dont la création soit relève 


du plan originel d’une « ville neuve », soit s’est échelonnée dans un temps assez rapide. Comme ailleurs, les éléments décoratifs manquent pour dater les maisons en terre plus précisément qu’aux XIIIe et XIVe s. Dans l’ensemble, il s’agit d’habitations modestes au moment de leur construction, parfois très petites, dont le statut a évolué au gré des surélévations et des remembrements. Actuellement, certaines de ces maisons sont « englobées » dans des hôtels particuliers d’époque moderne, comme l’hôtel du Rat rue des moulins ou celui du 62 Grand-rue. Parfois, un ou deux murs en terre subsistent seulement au sein de l’enveloppe en pierre.
L’adobe n’a encore jamais été repéré à Montagnac, alors que du pisé et plusieurs formes de bauge sont régulièrement découverts à l’occasion de travaux. Une donnée importante est la présence « en négatif » d’anciennes façades à pan de bois, aujourd’hui remplacées par des murs de pierre. Mis en évidence lors d’une enquête sur le patrimoine architectural de Montagnac , ces discrets vestiges permettent d’envisager une architecture médiévale complexe associant façades à colombages (et torchis ?) et murs de refend en terre massive.

Fig 25

Ils laissent penser que ces modalités architecturales n’étaient pas propres à l’habitat de Montagnac mais peut-être habituelles dans d’autres villes et bourgs languedociens. 
Le pisé se conforme aux pratiques médiévales singularisées par des trous de clés de grandes dimensions, protégés par des pierres plates, du bois ou des tuiles. 


Fig 26

La bauge apparaît sous les trois formes : une bauge litée avec des rangs de bruyère ou de paille intercalés entre les lits de terre (12 rue du prêche, maison de Rosine, rue des moulins), des maçonneries en mottes informes agglomérées, caractérisant un montage à la fourche (Grand-rue, rue du prêche, rue Malirat) et un unique exemple de pains de terre modelés (maison de Rosine). Dans cette habitation, les murs de mitoyenneté perpendiculaires à la rue supportaient dès l’origine une toiture à deux versants, l’un incliné vers la Grand-rue et l’autre vers une cour en cœur d’îlot. La petite habitation en pisé de deux pièces ne possédant au départ qu’un rez-de-chaussée et des combles a été rehaussée une première fois en bauge, deux autres en pisé et une dernière fois en pierre. 


Rue Malirat, un mur mitoyen montre également de la bauge succédant au pisé, la dernière reprise étant en moellons et terre crue. Il conserve un spécimen rare d’enduit mural en terre, ainsi qu’une petite niche creusée dans la bauge pour recevoir une lampe ou un bougeoir comme l’indiquent les parois noircies par la suie.

Fig 28

Les maisons de Montagnac représentent un véritable petit conservatoire des techniques de construction en terre médiévales, avec un grand nombre de témoins observables sur d’importantes élévations. Il faut souhaiter que ce patrimoine précieux reste préservé malgré les réhabilitations de bâtiments car il pourrait donner lieu à d’intéressantes études couplant approche architecturale, analyse technique et recherche documentaire dans les archives .

LES ARCHITECTURES EN TERRE AUJOURD’HUI ET DEMAIN
On sait désormais que la terre crue n’est pas l’apanage des architectures de pays pauvres ou exotiques ni uniquement celui de périodes très anciennes dans les pays européens. La construction en terre a existé pratiquement partout, pour des raisons autant pratiques qu’économiques ou culturelles. 
Mais, depuis les années 1980, certains architectes, ingénieurs et bâtisseurs envisagent la terre comme un matériau actuel et surtout d’avenir compte tenu de ses propriétés naturellement isolantes, de sa disponibilité et de la simplicité de ses mises en œuvre. Leurs travaux, recherches et expérimentations s’inscrivent dans la prise en compte du dérèglement climatique et des risques de disparition de certaines ressources, induisant une réflexion collective et des efforts pour repenser l’impact humain sur la planète. D’aucuns s’interrogent sur les émissions polluantes et les dépenses énergétiques occasionnées par la cuisson des matériaux que l’on transforme en chaux, plâtre, ciment et terre cuite, sur le transport de ces produits transformés, sur la surexploitation du sable pour en faire du béton au détriment de milieux naturels. Ils prônent la préférence pour des matières disponibles sur place, abondantes ou renouvelables, que ce soit la terre, le bois ou les végétaux selon les lieux et les usages envisagés. À une époque où le recyclage est en train de devenir de rigueur, la terre crue est exemplaire puisqu’elle est indéfiniment réutilisable à partir de gravats de démolition !
Une partie des recherches contemporaines porte sur la modernisation des chaînes opératoires en vue de réduire les temps de construction. Deux « inventions » du XXe s. vont dans ce sens : la production artisanale ou industrielle de blocs de terre comprimée (BTC), depuis les années 1960 et, plus récemment la fabrication de grands blocs modulaires de pisé. Après des prototypes à la fin des années 1980, le procédé est en vigueur depuis le début des années 2000. Citons en particulier l’architecte autrichien Martin Rauch qui a contribué à sa mise au point et en fait une utilisation magistrale.

Fig 29

Il existe également des « centrales » de terre à torchis sur le modèle des centrales à béton qui livrent un matériau prêt à l’emploi.
À partir de ces nouveaux procédés des architectes de renom n’hésitent pas à construire des immeubles d’habitation ainsi que toutes sortes d’édifices monumentaux (églises, mosquées, écoles, hôpitaux, hôtels, usines, etc). On peut mentionner les œuvres de Rick Joy, Martin Rauch, Satprem Maïni, Marcelo Cortès, Elie Mouyal, etc.  Ils sont également sollicités par des particuliers pour concevoir de luxueuses maisons en adobe ou en pisé aux États-Unis, en Australie et en Europe. Ces architectures publiques et privées confèrent une image très positive et valorisante au matériau terre, incitant certainement à développer ses usages dans différents contextes sociaux et économiques. 

Légendes des figures

1.      Répartition géographique actuelle, très schématique, des techniques de construction en terre crue en Occident (C.-A. de Chazelles)

2.       Maison en bauge. Marchésieux (Calvados) (C.-A. de Chazelles)

3.       3a. Bauge façonnée manuellement. 3b. Bauge montée à la fourche. Lattes (Hérault), chantier d’expérimentation (C.-A. de Chazelles)

4.       Bauge en pains de terre réguliers. Habitation datée XVIe-XVIIe s. Sariac-Magnoac (Hautes-Pyrénées) (d’après Alain Klein 2003, p. 426, fig. 17)

5.       Mur de clayonnage et torchis sur des poteaux plantés. Rirha (Maroc) (C.-A. de Chazelles)

6.       Maison à pan de bois. Sur le pignon, le premier étage est en forte avancée, les poutres de l’avant solier reposant sur des poteaux ; le second étage est en léger surplomb. Bourges (Cher). (C.-A. de Chazelles)

7.       Cloisons à pan de bois incendiées d’un habitat gallo-romain. Les poteaux plantés dans le sol sont calcinés, le torchis rubéfié. Gruissan (Aude) (J.-C. Roux, ministère de la Culture)

8.       Briques grossièrement modelées. Mali (C.-A. de Chazelles)

9.       Chantier de moulage d’adobes au Mali (C.-A. de Chazelles)

10.   Murs en adobe sur solin de pierre, arasés et superposés. Martigues (Bouches-du-Rhône), âge du Fer (J. Chausserie-Laprée, ville de Martigues)

11.   Toiture en voûtes d’adobe des entrepôts du temple de Ramsès II, XIIIe s. av. J.-C. Ramesseum, Louqsor, Égypte (Y. Rantier MAFTO-Cnrs/ASR, source Internet)

12.   Coffrage de pisé à banches mobiles posées sur des clés. Lattes (Hérault), chantier d’expérimentation (C.-A. de Chazelles)

13.   Mode de construction en pisé au moyen de planches maintenues par des poteaux, attesté au début du XXe s. en Hongrie (d’après Tibor Sabjan, Miklos Buzas 2003-2005, p. 79)

14.   Mur en pisé d’époque romaine (IIe s.). Les trous signalent l’emploi de banches mobiles posées sur des clés. Rirha (Maroc) (J.-C. Roux, ministère de la Culture)

15.   Église moderne en pisé. Dauphiné (C.-A. de Chazelles)

16.   Ensemble de toits terrassés en terre. Djenné (Mali) (C.-A. de Chazelles)

17.   Enduit au mortier simulant un appareil de pierre sur un mur en adobe. Covarrubias (Espagne) (C.-A. de Chazelles)

18.   Rempart de terre parementé avec des blocs de bauge, XVIIe s. Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) (S. Hurard, Inrap)

19.   Fortification en adobe du Ksar Kala, Timimoun (Algérie) (C.-A. de Chazelles)

20.   Enceinte en pisé de la ville de Rabat (Maroc) (C.-A. de Chazelles)

21.   Mosquée de Djenné (Mali) (C.-A. de Chazelles)

22.   Sommet d’un mur de maison médiévale à Béziers (Hérault). Lits de bauge séparés par des rangs de bruyère (C.-A. de Chazelles)

23.   Mur de pisé retrouvé en fouilles à Narbonne (Aude). Les trous de clés très grands sont caractéristiques du bas Moyen Âge (D. Rolin, Inrap. D’après Leal 2020, p. 216, fig. 4)

24.   Montagnac (Hérault). Localisation des murs de terre étudiés (C.-A. de Chazelles)

25.   Indices d’une façade à pan de bois fournis par des poutres sciées correspondant à un avant-solier (cf. fig. 6). Rue du prêche, Montagnac (Hérault) (T. Lochard, ministère de la Culture)

26.   Mur en pisé, trois trous de clés visibles avec des couvrements différents : planchette en bois, dalle de pierre et tuile courbe. Grand-rue-Jean-Moulin, Montagnac (Hérault) (T. Lochard, ministère de la Culture)

27.   États successifs d’un mur au premier étage de la maison de Rosine : partie originelle en pisé se terminant par la pente du toit, lits de bauge inclinés puis horizontaux. La niche (ou porte) avec un arc brisé date de la fin du Moyen Âge. Montagnac (Hérault) (C.-A. de Chazelles)

28.   Mur de maison : partie inférieure en pisé à sommet incliné, surélévation en bauge, enduit de terre et niche. Rue Malirat, Montagnac (Hérault) (C.-A. de Chazelles)

29.   Bloc préfabriqué de pisé, issu de l’atelier Lehm Ton Erde de l’architecte autrichien Martin Rauch (source Internet)

 Bibliographie

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2022
Janvier     
 
                           Les mines, un patrimoine industriel insoupçonné

                    qui disparaît de nos paysages : l’exemple du Languedoc.

 

 

par Philippe Galant : Direction Régionale des Affaires Culturelles Occitanie, service de l’archéologie (site de Montpellier). philippe.galant@culture.gouv.fr

Philippe Galant notre conférencier

Depuis la fin de la Préhistoire, les productions métalliques ont constitué une révolution technique inimaginable et surement une représentation sans équivoque d’un prestige social naissant. Dès cette période, la recherche sans cesse performante d’une meilleure métallurgie puis celle de meilleurs métaux a engagé les groupes humains dans la prospection et l’exploitation des filons métalliques. L’exploitation des mines était née ! Les travaux entrepris à partir des années 1974 par Paul Ambert dans le district minier de Cabrières-Péret ont montré à la fois l’importance stratégique du centre Hérault dans l’apparition et le développement de la métallurgie préhistorique, mais également son ancienneté et sa grande diffusion géographique à l’échelle du Sud de la France à partir de la toute fin du quatrième millénaire avant notre ère. Sur le terrain cela se matérialise par la présence d’exploitation souterraines qui suivent les filons métallifères du cuivre, des lieux de réduction des minerais, des structures d’affinage de la qualité du cuivre et enfin des mobiliers nécessaires au coulage des objets finis. Bien sûr, cette activité développée à une échelle artisanale très performante, associe les lieux d’habitats et autres espaces sociaux comme ceux liés à la mort.

Avec le développement de l’Histoire, l’apparition de nouveau métaux exploités, la création des alliages et surtout le développement des sociétés, le bronze puis le fer vont supplanter le cuivre, tant par leur meilleure résistance à l’utilisation que par la facilité de traitement et l’approvisionnement sans cesse plus performant. Si ces sociétés s’organisent mieux sur le plan social et économique, elles se spécialisent également sur les aspects techniques. Ainsi, l’exploitation des métaux se réalise au travers de véritables mines structurées et d’ampleur, comme par exemple à Lastours dans l’Aude, et les aspects métallurgiques optimisent les productions d’objets de qualité croissante. Dans notre région la période Antique s’inscrit dans le prolongement de la Protohistoire et l’activité minière va grandement contribuer au commerce d’intérêt du Sud de la France. Les exploitations étudiées dans les Corbières méridionales ainsi que dans le Piémont-pyrénéen en sont des plus représentatives.

À partir du Moyen-Âge l’activité minière suit l’organisation politique de la société. Très rapidement, le droit de battre monnaie engendre une structuration dans la recherche des minerais. Notre région est particulièrement riche en ce domaine. Si l’Histoire décrit bien au travers de textes cet élan socio-économique, ce sont bien les archéologues miniers qui le mettent en exergue sur le terrain. Ainsi, dans les Cévennes méridionales gardoises le premier code minier connu pour notre pays a été découvert : il s’agit de la Charte d’Hierle datée du tout début du 13ème siècle, en 1227. Les travaux réalisés par Marie-Christine Bailly-Maître ont largement démontré l’importance de ces exploitations autour du bourg de Saint-Laurent-le-Minier (Gard) mais également la codification des travaux en relation avec les articles de la charte d’Hierle qui définit avec précision les droits et obligations de chacun. On perçoit alors comment la société médiévale se construit autour des nouvelles richesses qui procurent pouvoir et argent. Ainsi « certaines urbanisations » qui paraissent aujourd’hui difficilement justifiables trouvent leur origine dans la mine. L’exemple des châteaux de Lastours dans l’Aude est très significatif avec des exploitations minières qui ont perduré depuis la protohistoire jusqu’à la fin du 20ème siècle !

La période moderne voit la généralisation des exploitations minières dans notre région. Dans un tissu économique et social bien installé, cette activité semble avoir trouvé sa place. Néanmoins, la professionnalisation n’est pas totalement effective et cette activité demeure complémentaire à l’agro-pastoralisme. C’est, semble-t-il, la naissance des paysans mineurs qui allient activité traditionnelle sur laquelle les temps libres sont utilisés pour compléter son revenu par des travaux pénibles que seul les paysans présents dans ces territoires reculés sont capables d’exercer. Là encore, la richesse se réalise sur les populations les plus pauvres. Notre région voit quand même de grandes avancées technologiques dans le milieu de la mine, comme par exemple, on le constate avec la présence de Maître mineurs d’origine germanique, alors les plus en avance en Europe, et surtout et de façon tout à fait précoce dans ce domaine, l’apparition de l’utilisation de la poudre dès la fin du 17ème siècle en Lozère : l’un entrainant forcément l’autre…

Le début du 19ème siècle marque une très forte organisation administrative de notre société moderne. Sous l’impulsion de Napoléon, les « codes » base de notre administration actuelle sont édifiés en fondement. Ainsi en 1810 apparaît le premier code minier. Ce document, en perpétuelle évolution en fonction des avancés législatives, règlemente la totalité des pratiques minières depuis la recherche jusqu’à la commercialisation des substances et plus récemment toutes les contraintes environnementales à envisager. On s’y trompe souvent, mais une mine n’est pas l’ouvrage souterrain ! La mine est une autorisation administrative attribuée par l’État en fonction de la substance exploitée. Pour les carrières, il s’agit d’une autorisation plus générale liée au Règlement Général des Industries Extractives. Ainsi, il existe pour les mines des exploitations en plein-air et pour les carrières des travaux souterrains. On voit bien au travers de cet exemple la puissance prise par la règlementation sur la dénomination des choses et la langage de notre société.

La révolution industrielle va voir une explosion dans les recherches et exploitations minières. Les archives régionales des services du Ministère de l’Industrie permettent de bien suivre cette histoire et l’importance qu’elle a au niveau régional. Si l’exploitation des charbons est révélatrice dans la mémoire collective de cette situation, on ignore souvent que l’Occitanie constitue la deuxième région de France en terme de concessions minières attribuées. Certes les bassins houillers du Tarn, de l’Aveyron et Gard sont réputés, mais ce sont surtout toutes les exploitations polymétalliques depuis les Cévennes orientales jusqu’au piémont de la chaîne Pyrénéenne qui marquent cette relative importance. Bien sur la plupart de ces exploitations se sont révélées des échecs économiques. Quelque unes ont réussi mais souvent sur de courtes périodes liées à, l’aspect limité des gisements naturels. Par contre on ne se doute pas que dans le Gard, la mine des Malines a constitué le deuxième gisement de zinc en Europe et que son exploitation a été fermée seulement en 1991 ! Mais il est surprenant de constater au travers des études d’archives replacées dans un contexte plus général, que c’est plus l’activité spéculative qui a généré richesses et faillites que les travaux miniers. En ce sens, les recherches de Claude Dubois sur les gisements ariégeois montrent d’une façon magistrale toute la malhonnêteté commerciale et l’enrichissement de certains au profit de la ruine de très nombreux autres uniquement fondée sur la spéculation et le mensonge économique faisant miroiter des richesses là où il n’y en avait pas !

Les choix sociétaux et politiques de la fin du 20ème siècle ont mis fin à l’activité minière dans notre pays. Si les motivations n’ont pas forcément été explicitées, il semble que la protection des ressources minérales ait guidé ces choix. Alors qu’on parle aujourd’hui de la réindustrialisation et d’autonomie énergétique, il semble qu’un nouveau regard soit porté sur les sites miniers et que la recherche des nouvelles ressources soit en train de recommencer ! Mais quid du patrimoine ancien qui a guidé une très grande partie de notre histoire ?

Les vestiges liés à 5000 ans d’activités minières dans notre région sont très nombreux et constituent une particularité patrimoniale forte. Les degrés de conservation des sites sont très variables et généralement, en absence de textes ou d’information, c’est l’archéologie qui permet de retrouver, étudier et protéger ces éléments de notre passé. La grande variété et fragilité de ce patrimoine est liée à son fondement même : l’ouvrage minier n’est constitué que pour le temps où le mineur l’utilise ! Qu’en est-il alors plusieurs centaines d’années voire de millénaires après ? Outre les dangers liés à la grande fragilité et au vieillissement des ouvrages, c’est la conservation même qui nécessite une approche spécifique. Si le temps semble le vecteur principal dans la disparition des sites, les grandes campagnes de mise en protection des sites miniers dictées par l’application souvent aveugle du code minier au privilège de la sécurité publique sur le patrimoine, demeure l’acte moderne le plus destructif de ce patrimoine exceptionnel. Aujourd’hui, la recherche nous montre le très fort impact et le rôle majeur que l’activité minière a eu dans une région comme la nôtre, tant dans le développement économique et historique que dans l’occupation du territoire et la construction des paysages. Sans la mine, notre région serait bien différente aujourd’hui ! Les moyens humains, l’intelligence constructive de certains, la capacité financière engagée et la volonté du passer outre, ont généré des choses aussi surprenantes qu’exceptionnelles. C’est ainsi qu’il faut considérer le patrimoine minier car il est le témoignage le plus direct de la valeur humaine, celle qui constitue notre société et donc notre cadre vie. En le protégeant nous nous protégeons nous même…

Quelques photos de l'auteur:




Légendes

 

Figure 1 : Les exploitations minières souterraines actuelles résultent généralement de travaux qui se développent dans des mines plus anciennes. La lecture des réseaux devient alors complexe car tous les vestiges se cumulent sur des espaces très restreins.

 

Figure 2 : Les galeries minières du moyen-âge sont parfaitement adaptées à la circulation. Ainsi les travers bancs qui permettent d’accéder aux zones de dépilage, là où le minerais est exploité, sont souvent de dimensions réduites, choix économique déjà : creuser prend du temps et donc coûte de l’argent…

 

Figure 3 : Le patrimoine minier de notre région est très varié, riche et dense dans certains secteurs où se sont concentrées des exploitations minières sur plusieurs millénaires. L’ancienneté des sites n’est pas l’unique intérêt de l’archéologie minière, la diversité et la conservation des vestiges sont les éléments qui priment dans la conservation de ce patrimoine.

Orientations bibliographiques (classement par chronologie du sujet) :


- La première métallurgie en France et dans les pays limitrophes. Sous la direction de Paul Ambert et Jean Vaquer. Société Préhistorique Française, mémoire XXXVII, 2005. 306 p.

- Mines et métallurgies de la Préhistoire au Moyen Âge en Languedoc-Roussillon et régions périphériques. Sous la direction de Paul Ambert. Archéologie en Languedoc, n°21, 1997. 245 p.

- Les mines antiques : la production des métaux aux époques grecque et romaine. Claude Domergue. Edition Picard « Antiqva », Paris, 2008. 240 p.

- Mines et Mineurs en Languedoc-Roussillon et régions voisines de l’Antiquité à nos jours.  Fédération Historique et Languedoc méditerranéen et du Roussillon. Montpellier 1977. 334 p.

- La terre d’Hierle et ses mines au Moyen Âge. Marie-Christine
Bailly-Maitre. In ; « De roches et d’Hommes, mines et minéraux en Cévennes ». Édité par le Musée Cévenol, Le Vigan, 2012. pp 5-19.

- Agricola. De re metallica (traduction de l’édition originale de 1556). Albert France-Lanord. Éditions Gérard Klopp, Thionville 1992. 508 p.

- L’introduction de la poudre dans les mines languedociennes. Éric Kammenthaler et al. Archéologie médiévale, n°46, 2016. pp 135-156.

- Les Cévennes méridionales un pays minier à découvrir. André Aygon et Philippe Galant. In ; « De roches et d’Hommes, mines et minéraux en Cévennes ». Édité par le Musée Cévenol, Le Vigan, 2012. pp 20-48.

- Mangeuses d’Hommes : l’épopée des mines de Bentaillou et de Bulard en Ariège. Claude Dubois. Éditions Privat, Toulouse, 2015. 356 p.

- Les Simon : du rêve américain aux mines de d’Ariège (1892 – 1913). Claude Dubois. Editions Vox Scriba, collection Histoire, Banat, 2020. 314 p.


public clairsemé et encore masqué
(cause covid)

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2021 
janvier       Pas de conférences : cause covid
mars


2020
mars  
  
« La dissidence religieuse des Vaudois 12ème et 13ème siècles
       en Narbonnais et ses traces dans le Bréviaire d'amour  »
                               
          
La dernière conférence des Amis de Montagnac avait pour thème les Vaudois, elle était présentée par M. Henri Barthès, historien bien connu et spécialiste du Moyen Âge qui vient de publier le  « Bréviaire d'amour » en langue d'oc, de Matfre Ermengaut, auteur de la fin du XIII° siècle.

Notre conférencier Henri Barthès
Actuellement les cathares sont à la mode alors qu'on ignore la mouvance des vaudois leurs contemporains, le conférencier a remis les choses au point au cours d'un exposé nourri et passionnant. Il a donné une histoire des vaudois des débuts de leur mouvement à Lyon, jusqu'à l'époque contemporaine, puisque le valdéisme existe encore aujourd'hui.
Au cours d'une époque troublée par les oppositions des seigneurs languedociens entre eux, se développent, à l'intérieur ou aux marges de l'église, diverses idéologies, cathare, vaudoise, ordres mineurs (Dominicains et Franciscains) qui ont pourtant une volonté commune, revenir à une notion plus humble de la religion.
Ces diverses interprétations de la religion chrétienne sont souvent opposées et l'on voit ainsi les vaudois s'allier aux dominicains pour lutter contre le catharisme, tout cela débouche sur la Croisade contre les Albigeois, moins une guerre de religion que de conquête, menée paradoxalement par Raymond VI, comte de Toulouse contre son parent Trencavel, vicomte de Béziers et de Carcassonne.   .
Y a-t-il eu des vaudois dans le biterrois ?  Certainement plus que de cathares, en particulier lors du sac de Béziers, mais le valdéisme ne disparaît pas et il faut penser que la famille de Matfre Ermengaut était proche de cette idéologie car dans les réflexions du  « Bréviaire d'amour » on peut noter que des  idées vaudoises en ont marqué certains chapitres,  amour prenant ici un sens théologique ou moral, d'ailleurs toutes les  valeurs du mot sont définies dans les divers développements.
Cette conférence très intéressante a été suivie d'un échange de questions/réponses qui ont amené la comparaison avec le mouvement des béguines ou la survivance des vaudois dont on trouve encore aujourd'hui des représentants.

Le public a suivi avec intérêt la conférence qui abordait pour la première fois, au sein de l'association, ce thème trop longtemps ignoré ou méprisé, merci à Monsieur Barthès  pour cette passionnante et utile découverte.

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janvier                
Claude Pradeilles, André Nos, Simone Arnavielhe et
notre nouvelle trésorière Christine Carrié

L'Assemblée  générale des Amis de Montagnac s'est déroulée le samedi 25 janvier,  devant une salle comble. (voir rubrique Assemblés générales) 

Un très nombreux public, ce qui prouve que les montagnacois peuvent aussi se passionner pour l'archéologie, attendait avec impatience la conférence de M. Noël Houlès, sur les mines de Cabrières, il n'a pas été déçu par un exposé abondamment illustré et riche en révélations pour un auditoire ignorant souvent l'intérêt que présente ce site pourtant situé dans l'ancien canton de Montagnac.
Nous avons alors assisté à une passionnante leçon d'histoire sur l'évolution de l'exploitation minière depuis le néolithique  jusqu'à l'époque contemporaine, le cuivre, allié à l'étain pour donner le bronze,  étant le premier métal qu'on pouvait aisément travailler.

Notre conférencier Noël Houlès
Illustré par de belles photos nous avons découvert le premier travail du cuivre à l'aide de marteaux de pierre maniés à la main, puis montés sur un manche pour plus de commodité, ensuite l'évolution à l’époque romaine où la technique se perfectionne avec la création de lampes à l'huile, suivie d'un progrès permanent jusqu'à la période moderne.

Est venue ensuite la découverte du site qui doit sa  richesse à l'affleurement d'une couche de l'époque primaire contenant le précieux métal.
Dès le départ s'est posé le problème de l'exploitation, c'est ce que nous révèle  la garrigue cabriéroise marquée à cet endroit précis par des sortes d’entonnoirs qui ont servi soit à la  prospection à ciel ouvert, soit à des sondages pour localiser les veines de métal.
Il y a évidemment des galeries, très rustiques, au début, simples cavités  que l'on creusait en suivant le filon, boyaux étroits,  pour arriver lors de l'exploitation au XIX° s, à un boisage comme dans les mines de charbon.

Au XIX°s un plan précis de toutes ces galeries a été établi, révélant les axes des travaux de toutes les époques.
Le progrès a marqué l'abandon de ces mines ancestrales mais les mines de Cabrières conservent toujours un grand attrait pour les curieux et surtout pour les archéologues passionnés comme Noël Houlès accomplissant sans cesse de nouvelles recherches qui permettent de mieux définir l'intérêt historique et technique de tels sites.
L’après-midi s’est terminée par le traditionnel partage du royaume et de l’apéritif.




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2019 
mars

     « Céréales et blé dans la vallée de l’Hérault à l’époque romaine. »
                              
Notre conférencier Stéphane Mauné

Notre ami, Stéphane Mauné, l’archéologue bien connu est venu présenter à un nombreux public montagnacois, une conférence sur « Les céréales et le pain dans la vallée de l’Hérault durant l’époque romaine » toujours avec cette précision et cette vivacité qui rendent ses exposés passionnants. Il a d’abord montré l’importance des céréales, orge d’abord, puis blé à Rome et dans tout l’empire pour la nourriture du peuple, à base de galettes et de légumes, baguettes et miches n'existaient pas encore et ne se développeront que plus tard. Il fallait en effet nourrir tous les jours 300 000 bénéficiaires en leur apportant les 25 kg mensuels.
Cela nécessitait toute une organisation verticale qui commençait par l’extension progressive des terres à blé au fur et à mesure de l'extension de l’Empire romain. Puis se posait le problème de stockage pour éviter que le grain germe ou pourrissent, ce qui supposait l’édification de beaux silos de toutes dimensions, adaptées à l’importance de la population.
Conçus par des ingénieurs, venait ensuite la nécessité de moulins, qui évoluèrent progressivement pour plus d’efficacité, moulin à bras, moulin hydraulique, moulin à vent.
Et à la fin du cycle les boulangeries-cuisines que l’on trouvait dans toutes les villas ou dans les agglomérations.
Grâce à cette organisation on évitait les disettes ou les famines aussi bien à Rome que dans la vallée de l’Hérault.
Ainsi bien illustrée, s’est déroulée sous nos yeux, la lente évolution de la fabrication du pain qui est passé de la galette, à la miche pour aboutir à la baguette que nous connaissons actuellement. Une histoire en apparence simple mais qui révèle, dans un domaine particulier, l’efficacité du génie humain.

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janvier


"1878-1879 un jeune officier français au Japon"


Louis Kreitmann, jeune officier français au Japon 

C'est dans une salle comble qu'a eu lieu notre assemblée générale ce samedi 26 janvier. Après la présentation des rapports financier présenté par Pierre Pradel et moral par Claude Pradeilles, tout le monde attendait avec impatience la conférence,  sur le séjour au Japon (1878-1879) de Louis Kreitman, jeune officier français, l’un des formateurs de l’armée japonaise moderne, par son petit-fils, Michel Kreitmann.

Michel Kreitmann notre conférencier

L’aspect militaire était ici secondaire, l’intérêt principal résidant surtout dans la vision d’un jeune européen devant un Japon encore ancestral, en voie de modernisation.
La conférence était largement illustrée par une série de photographies prises il y a cent cinquante ans, donc rares aujourd’hui, témoignages d’une grande valeur.
Ce voyage découverte présenté avec brio et humour par Michel Kreitmann, nous a promené dans un Japon encore traditionnel, avec ses constructions en bois, ses paysages campagnards et sans route, ses villes sans confort qui contrastent avec le pays ultra moderne que nous connaissons aujourd’hui.


Le jeune lieutenant a tout noté dans ses carnets, tout photographié avec son appareil à trépieds et à plaque de verre et l’ensemble a été miraculeusement conservé.
Ce dossier a été méticuleusement étudié par M. Pierre Kreitmann, père du conférencier, et édité par la section japonaise du prestigieux Collège de France, c’est donc avec plaisir mais aussi  honoré qu’un tel récit aboutisse à notre modeste association. L’explication en a été donnée par M. Michel Kreitmann, il est le descendant du couple Aubrespy, issu d’une très vieille famille montagnacoise et créateur de la fabrique de réglisses d’Uzès et du fameux Zan (aujourd’hui Aribo).
La séance s’est achevée sur un sympathique goûter/apéritif.





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2018
Mars                     

1917 : le retour de Lénine en Russie.
                                                           
                                                        
Notre conférencier le Professeur Marc de Velder

Malgré le beau temps et bien qu’à la veille de Pâques, une bonne assistance était présente à la conférence du Professeur Marc de Velder sur le thème,
Il ne s’agissait ni d’une analyse politique, ni du désir de polémiquer sur un sujet toujours difficile à aborder, mais de la vision d’un historien présentant les faits tels qu’on les connaît aujourd’hui. Il lui fallait aussi présenter un thème parfois aride d’une manière agréable et vivante, le conférencier a su atteindre ces deux objectifs avec aisance.
Les deux idées qui ont marqué la conférence présentent deux aspects particuliers de l’action de Lénine et de ses conséquences : 
- Comment a-t-il pu traverser en 1917, venant de Suisse, ‘Allemagne en guerre ?
- Et quel aurait été son comportement s’il avait vécu plus longtemps ?
Evidemment quelques notes biographiques étaient nécessaires. D’abord l’importance pour lui de la pendaison de son frère, révolutionnaire, par la justice du Tsar, ensuite son séjour en Sibérie, ses exils en Suisse et sa rapide montée en importance dans les structures révolutionnaires.
Pour son retour en 1917, même s’il n’y a pas eu de contacts directs, le gouvernement allemand et lui avaient intérêt à ce retour, de là est né ce voyage « en wagon plombé » qui a permis à Lénine après un long détour, d’être à Saint-Pétersbourg dès le mois de juillet 1917.
Cette situation lui a permis en octobre 1917 de prendre le pouvoir en Russie et d’éliminer les mencheviques. La signature de la paix avec l’Allemagne n’a pas marqué la fin des hostilités, une opposition Blanche ou internationale a lutté jusqu’en 1922 contre le gouvernement soviétique mais en vain.
Ici se pose le deuxième problème évoqué. A droite comme à gauche on condamne la période de Staline mais on accorde à Lénine un préjugé favorable « S’il avait vécu, tout ne serait pas passé comme cela », et la visite de son mausolée attire toujours la foule de passionnés ou de curieux. Mais on sait aujourd’hui que les principales mesures appliquées d’une main de fer par Staline avaient été prises par Lénine entre 1917 et 1923.
L’autre question restée sans réponse ? Le véritable dauphin désigné par Lénine était Trotski, qu’aurait fait celui-ci s’il avait été au pouvoir ?
Cette présentation de l’histoire, même si elle n’apporte pas toutes les réponses à nos interrogations, a séduit un auditoire attentif et passionné. Encore une fois les Amis de Montagnac n’ont pas été déçus. 



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Janvier

" Le vin des soldats pendant la grande guerre" par Jean Claude Séguéla



Après l'assemblée générale et l'adoption des deux rapports moral et financier, la deuxième partie nous ramenait à 1918 dont on célébrait le centenaire, avec un sujet inédit « le Vin des soldats », proposé par Jean Claude Séguéla qui a tenu à le présenter malgré le handicap d’une lourde opération subie il y a peu de temps.
C’est avec beaucoup d’intérêt que les présents ont pu suivre, en trois temps ce riche sujet.
Jean Claude Séguéla a d’abord présenté le film qui allait suivre mettant l’accent sur l’importance du vin pour les soldats de 14 et aussi pour notre région puisque la demande en vin a augmenté sans cesse et que son prix a été multiplié par dix en quatre ans.
Le magnifique film qui a suivi, commenté par M. Archimbaud de Cazouls d’Hérault pour l’association historique de Fontès, illustrait les propos du présentateur d’une manière vivante et originale en montrant des vues ou des extraits d’actualité de l’époque, soit de guerre, soit viticoles.
Le troisième temps permettait enfin de compléter cet hommage patriotique au vin, en le replaçant dans son contexte historique ; l’on découvrait, alors que tout le pays subissait une si longue et si douloureuse épreuve, que le « pinard » aidait à maintenir le moral des soldats au front, pendant que d’autres moyens psychologiques rassuraient l’arrière.


La réunion a été prolongée par un apéritif précoce, prélude à une nouvelle année de découverte. On doit ici remercier tous ceux qui, nommé ou travaillant dans l’ombre, ont contribué à la réussite de cette belle journée.


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2017
mars 

" l’oléiculture à l'époque romaine" par Stéphane Mauné.


André Nos nous présente Stéphane Mauné notre conférencier.

  C’est à une découverte passionnante que Stéphane Mauné a convié les Amis de Montagnac le samedi 4 mars dernier. Une conférence présentée dans un style qui lui est propre, fait de rigueur et de passion. Nous avons découvert comment de Bétique, sur les bords du Guadalquivir, à Rome l’huile d’olive espagnole alimentait le quotidien des romains pour toutes sortes d’usages : alimentation, éclairage, construction. Comment à partir d’une simple montagne d’amphores oubliées dans l’ancien port de Rome, à partir de 1860 et surtout au XX° s, les historiens ont pu établir ce trajet mais aussi amasser nombre de renseignements sur la culture de l’olivier, la production d’huile et la confection des amphores en Espagne. Un trafic qui a duré deux siècles et demi du 2° s avant JC au 2° s après, et s’est étendu à tout l’empire romain, remontant le Rhône pour atteindre l’Allemagne et la Hollande, affrontant l’Atlantique pour atteindre l’Angleterre. 

C’est toute une armée de potiers, de producteurs d’olives et d’huile, de marchands, de transporteurs et de marins qui participait à ce grand mouvement avec des points d’arrêt languedocien comme Lattes ou Narbonne, à une époque où, paradoxalement, il n’y avait pas d’olivier chez nous, pays alors trop froid pour cet arbre.
Le public a suivi avec intérêt cette conférence illustrée de nombreuses vues, de nombreux dessins, de nombreuses cartes donnant à l’exposé un aspect vivant et concret. C’était un retour à une page de notre histoire souvent méconnue, où l’on découvrait que les romains avaient déjà des notions techniques et commerciales que nous avons redécouvertes péniblement au cours des siècles.
Mais pour cette leçon d’histoire il fallait un présentateur à la fois compétent et agréable à suivre c’est ce qu’a démontré pendant près de deux heures Stéphane Mauné. Le plus bel hommage que l’on pouvait rendre au conférencier c’était cette attention soutenue de l’auditoire, complétée par les nombreuses questions qui ont suivi la fin de l’exposé.



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21 janvier                                                                                         

" La correspondance de Marie et Paul Loubet "   par Virginie Gascon                                                                 

Suite à l'assemblée générale et après l'adoption des deux rapports, financier et moral par l’assemblée unanime.
La séance s’est poursuivie par la première conférence de l’année présentée par Mlle Virginie Gascon, historienne, des Archives d’Agde, qui vient de publier un livre « Nous ne nous sommes jamais séparés » contenant la correspondance de Marie et Paul Loubet, un humble couple de jardiniers que la guerre a éloignés pendant quatre ans. Témoignage d’amour et de courage illustrant, de l’intérieur, l’un des drames de la guerre de 1914 et de toutes les guerres de longue durée. Mais ce fait a permis à la conférencière d’élargir considérablement son sujet en présentant tous les problèmes et toutes les souffrances des gens humbles de l’arrière, le tout illustré par de nombreux documents d’époque, savamment choisis. Il s’agissait de faire revivre le quotidien, lointain mais si émouvant, de toutes ces femmes condamnées à attendre sans fin, le retour d’un être cher, indispensable à la vie du foyer. On peut remercier Virginie Gascon d’avoir abordé ce sujet, souvent considéré comme secondaire, de la vie angoissée des femmes, des parents et des enfants, pourtant loin du front et de ses réalités. C’est sur cette note un peu mélancolique que s’est achevée l’assemblée générale. Puis autour d’un apéritif et d’un royaume, les conversations ont pu se poursuivre en toute liberté.



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2016                                                                

26 Mars                                                                                                              

" Le Prieuré–Château de Cassan aux Amis de Montagnac "   par Serge Sotos.


Le Prieuré-Château de Cassan
                                                                                                                                                                   
Le samedi 26 mars, les Amis de Montagnac ont accueilli M. Serge Sotos, le spécialiste actuel de Cassan et de son histoire, sujet sur lequel il travaille depuis plus de vingt-cinq ans.
Au cours d'une brillante conférence, richement illustrée de près de deux heures, M. Sotos a fait découvrir à l'assistance la grande histoire du prieuré et surtout de son développement et de ses particularités.
Le site ancien, largement modifié au dix-huitième siècle, conserve encore dans sa chapelle les restes de son antique splendeur dont le grand responsable fut, dès sa création Saint Guiraud (1070-1123) futur évêque de Béziers.
Serge SOTOS le conférencier 
Grâce à l'activité de celui-ci et aux nombreux dons que reçoit le monastère, dès le 12e siècle, Cassan devient un important centre ecclésiastique qui accueille non seulement jusqu'à quatre-vingt moines mais aussi de nombreux pèlerins sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle ou de Rome.

C'est sur l'ancienne chapelle du 12e, que le conférencier s'est attardé, édifice roman caractéristique de ce style dans notre région ou dans la région catalane.
Sa haute nef, comportant de multiples entrées, largement éclairée par de nombreuses fenêtres rondes taillées dans les murs épais, commandait la présence de nombreux arcs boutants que l'on y découvre encore.
L'extérieur sobrement décoré révèle dans le détail animaux et figures humaines, illustrant les péchés du monde.
Mais le sommet de cet édifice, à tous les sens du terme, le lanternon à deux niveaux largement ajourés, a mérité une étude spéciale déterminant à la fois son rôle utilitaire de vigie et sa valeur symbolique opposant ombre et lumière, aveuglement et foi.
Les illustrations ont aussi permis de compléter cette visite en situant et en matérialisant quelques détails aujourd’hui disparus comme les deux tours qui entouraient le portail.
C'est donc à une conférence richement documentée que nous avons assisté, elle sera complétée le samedi 28 mai par une visite sur site qui matérialisera cette approche plus théorique.



                                       

23 janvier                      

" Le genêt textile languedocien"par Sylvain Olivier.


Dernièrement les Amis de Montagnac ont tenu leur assemblée générale annuelle, en présence de M. Yann Llopis maire du village et de Mme Marie-Claude Barattini adjointe à la culture. Après les mots de bienvenue du président André Nos qui a rendu hommage aux disparus de l'année écoulée, le trésorier Pierre Pradel, a présenté le bilan financier à l'aide d'un diaporama très explicatif. Ce bilan dont les éléments se retrouvent dans le bulletin n°96, fait apparaître un solde positif de 843,66 € expliqué par la vente des livres édités par l'association. L'augmentation des cotisations découle de celle des frais postaux et de la diminution légère du nombre des adhérents.
Sylvain OLIVIER le conférencier

Ensuite André Nos a présenté, toujours grâce au diaporama de Nadine Deboos, le bilan d'activité dont les grands moments figurent dans le même bulletin. Le président a terminé en découvrant le programme de 2016. Après l'adoption des deux rapports à l'unanimité, André Nos a présenté le conférencier Sylvain Olivier, maître de conférences à l'université de Nîmes et son sujet : Les utilisations du genêt dans l'économie languedocienne aux XVII, XVIII et XIXe siècles. La zone d'exploitation s'étendait des collines du nord du Biterrois à celles du sud du Lodévois. Une plainte portée en septembre 1778, nous prouve que les paysans mettaient leurs genêts à "couver", à rouir dans les ruisseaux, provoquant ainsi des souillures de l'eau néfastes au bétail. Le premier usage du genêt était la nourriture des moutons et des chèvres mais une trop grande absorption de ce "fourrage" provoquait une maladie des voies urinaires des ovins ou caprins, la ginestade, décrite par le vétérinaire lodévois Thorel. Le troupeau pâturait les chaumes puis la genêtière devenait friche improductive et était réensemencée plus tard. Après 15 ans de culture du genêt on l'arrachait pour cultiver des céréales ou des légumineuses. L'entretien des genêtières suivait un calendrier annuel. Pour l'industrie textile, le genêt suivait le même parcours que le lin ou le chanvre : les fagots rouissaient dans le routoir ou rouissoir plein d'eau et après disparition de la gomme et rinçage à l'eau courante, la filasse passait au cardage ou sérançage avant d'être tissée en toile. Un contrat de mariage établi à Pézènes les mines au XVIIIe siècle, stipule que la mariée apporte 9 draps, 3 nappes et 9 serviettes en toile de genêt. En ce temps là on cultive en Lodévois de moins en moins de chanvre et de plus en plus de genêt. La laine, matière noble, va en général à la ville dans les manufactures, plus tard devenues usines textiles. En 1820 les publications relatives au genêt ont connu un grand développement par intérêt agronomique. 1940 a vécu une tentative de reprise de l'activité textile avec l'usine d'Aspiran. A partir de 2000 l’intérêt patrimonial a suscité une recrudescence de publication sur le genêt. De la fin du XVIIIe siècle au début du XIXe les genêtières ne sont bien mentionnées. Au cœur du XIXe elles ne le sont plus, et la fin de ce siècle connaît le déclin de la culture de la plante. En 1943 l'affiche du maréchal Pétain tente de lancer un regain d’intérêt pour sa reprise mais la paix de 1945 signe provisoirement son arrêt de mort. Enfin en 1948, Bourcier publie son livre "Le genêt : textile nouveau".

Après la salve d'applaudissement qui a suivi son brillant exposé, M. Olivier a répondu avec autant d'amabilité que de compétence aux nombreuses questions posées par l'assistance. Ainsi s'est conclue cette journée enrichissante qui a enchanté une fois de plus les Amis de Montagnac.




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2015

7 mars

"LA VIGNE ANTIQUE EN LANGUEDOC"  par Stéphane Mauné. 



Stéphane MAUNE conférencier
Le samedi 7 mars, M. Stéphane Mauné, archéologue et directeur de recherches au CNRS a prononcé une conférence sur le sujet cité en titre. Après sa présentation par le président André Nos, M. Mauné a tout d'abord rappelé qu'il avait commencé à travailler à Montagnac avec M. Feugères et que leurs travaux avaient été soutenus par la municipalité de Montagnac, le conseil général de l'Hérault et la région Languedoc Roussillon. Depuis 25 ans beaucoup de découvertes ont été mises au jour malgré la disparition des fouilles de sauvetage car la vallée de l'Hérault concentre une série remarquable de sites qui ont profité à l'archéologie du terroir.
Casalis de Fondouce et Heinrich Dressel ont été les premiers à ouvrir la voie avec la découverte d'une "étiquette" d'amphore disant en latin : « je suis un vin de Béziers vieux de cinq ans ».
Au VIe siècle avant J-C les gens s'habituent au vin, le triangle Marduel - Agde - Marseille voit la domestication de la vigne sauvage et la plantation de cépages grecs. Après la chute de Carthage les marchands italiens mettent sur le marché des vins italiens. Cette époque connaît les phénomènes d'imitation des amphores et de concurrence. Au IIème siècle avant J-C, le puissant sénat romain interdit la plantation de la vigne en Gaule transalpine, c'est à dire en Provence, Languedoc et Roussillon. Un siècle plus tard après la conquête de Jules César, Rome a la maîtrise totale des voies de communication gauloise et on assiste à la mise en place d'un vignoble de rapport avec l'installation de familles italiennes en Gaule. A partir de 30 avant J-C et jusqu'au IIème siècle après J-C c'est la montée en puissance commerciale du vin. Après cette époque, la grande production vinicole algérienne inondera les marchés, conséquence de la colonisation romaine. La culture de la vigne connaît la taille en gobelet et en Italie, le palissage qui coûte 30%de plus.
Le moût s'obtient par foulage aux pieds et pressurage. Les pressoirs en bois permettent d'obtenir 40% de jus en plus. Les remarquables diapositives et les dessins de M. Mauné donnent une idée de ce qu'était cette technique romaine.
En général les exploitations plantent 5 à 6 000 pieds à l'hectare, les plus productives jusqu'à 12 000 pieds. Mais les parcelles ne comptent que quelques hectares car la polyculture domine avec forêts, chemins nombreux, emblavures et vergers. Des plans de villas, nom romain des domaines, au Gasquinoy, à la Domergue de Sauvian et à Montferrier de Tourbes constituent de bons exemples d’exploitations viticoles.
Pour transporter le vin, les Gallo-romains et les Romains utilisent de grands dolia et des amphores. La carte des fouilles nous indique que presque tous les ateliers de poterie se trouvent sur la rive droite de l'Hérault. Les chais sont de tailles différentes, les plus grands se trouvant dans les villes. Avec 9000 hectos, Vareille est la plus grande, connue à nos jours. Dans l'antiquité, le rendement est estimé à 40 hectos à l'hectare. Vareille s'étendait sur environ 200 hectares et on comptait une personne pour 2 hectares en entretient total.
La viticulture procure au maître un enrichissement constaté avec les restes de fontaines et de statues trouvées sur le terrain des villas. Le plan de Vareille dévoile deux cours d'eau, trois moulins hydrauliques et deux aqueducs. A Saint Bézard près d'Aspiran on a trouvé dans un chai entre 17 et 20 après J-C une pièce de monnaie frappée à Nîmes. Deux timbres sur dolia nous signalent que Quintus Priscus travaille avec son affranchi Vitullus qui doit être un bon vinificateur et que Laïtus œuvre à Aspiran après avoir été en activité à Barcina (Barcelone).
Le plan de Saint Bézard montre que les dolia se trouvent dans les remblais, ce qui offre au vin une température à peu près constante. D'autre part les propriétaires enfumaient les chais pour tuer les drosophiles soupçonnées de faire piquer le vin, ce que Louis Pasteur prouvera dix huit siècles plus tard par ses études sur les bactéries.
Le raisin était amené sur la partie la plus haute de la cave, et en deux rampes, tombait de la cuve de foulage dans deux cuves de décantation et de fermentation. Les plus grands dolia contenaient de 14 à 20 hectos de liquide. Ces ancêtres en terre, des conteneurs modernes étaient fabriqués à la main au colombin.
En 2005 on a fouillé les ateliers de Pompeï et leurs deux fours pouvaient produire de 20 à 40 dolia à chaque cuisson. Leurs descendants actuels sont les tinajas de Villarobledo en Espagne. Dans des puits on trouve de l'eau et des débris organiques qui ont permis d'identifier certains cépages transportés dans les dolia. Les pépins analysés révèlent qu'ils proviennent de clairette, variété résistante et adaptée à la région. En moindre quantité on a de la mondeuse et du merlot. La taille des pressoirs n'est pas proportionnelle à celle des exploitations. Les grands bassins correspondent à peu de cépages et les petits bassins à des variétés plus nombreuses.
Commencées à la mi-août, les vendanges s'achevaient fin octobre. Notre région devait abriter environ 200 ateliers de fabrication d'amphores mais les plus importantes se trouvaient en Arles et à Beaucaire. La gamme des amphores comportait les allongées, les cylindriques et les fuselées mais à partir de 60 après J-C on ne fabriquera que deux modèles. Ces récipients ont voyagé jusqu'en Inde et dans la haute vallée du Nil.
Le vin que l'on appelait, nectar des Dieux et génie des hommes était du blanc ou du rosé. L'antiquité n'a pas connu le rouge car les viticulteurs antiques pressaient les rafles avant la fermentation. Pour la conservation, dolia et amphores étaient poissées avec de la poix issue de pins sylvestres. Enfin les anciens ont commercialisé des vins au miel ou aux herbes. La manutention et le transvasement s'opéraient à l'aide de pompes en corps de bronze ou de vis d'Archimède, à partir du VIème siècle après J-C on assiste à la disparition et à l'abandon de nombreuses villas que leurs riches propriétaires vendent ou quittent pour placer leur argent là où il rapporte le plus.

Sur cette note finale stigmatisant le capitalisme immuable, M. Mauné a terminé sa remarquable conférence tout en expliquant à ses auditeurs attentifs que les problèmes posés aux Gallo-romains pouvaient être les mêmes que ceux qui assaillent les viticulteurs méridionaux au XXIème siècle. 


                                    
24 janvier 

 "MADAGASCAR" l’île rouge par Claude Nos.



Claude Nos conférencier

Suite à l'assemblée générale et après l'adoption des deux rapports financier et moral  le président a donné la parole au   conseiller Claude Nos bien connu des Montagnacois qui a prononcé une conférence très intéressante sur Madagascar où il a vécu et travaillé pendant trois ans.

Madagascar est devenue « l’île rouge » après la dérive des continents qui l'a détachée de l'Afrique et de l'Inde. C'est un morceau de 1600km de long sur 500km dans sa plus grande largeur. Elle jouit d'un climat subéquatorial qui se transforme en climat tropical d'altitude sur les hauts plateaux qui culminent à 1500 m. Successivement occupée par les indonésiens au début du premier millénaire, puis par les Arabes, les Portugais et enfin les Français, l’île compte maintenant près de 22 millions d'habitants de sang très mêlé. Ce royaume de type féodal s'est ouvert aux influences européennes à la fin du XIX siècle et c'est Galiéni qui l'a pacifié et organisé.
Entre 1914 et 1918, 42000 malgaches ont été incorporés dans l'armée française et 4000 ne sont pas revenus de la grande guerre.
En 1946 le mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM) a lancé la révolte contre l'autorité française. La répression sanglante qui s'en est suivie a provoqué la mort de 15.000 à 80.000 personnes. Après la promulgation de la loi-cadre de Gaston Defferre en 1956, Madagascar s'est acheminée vers l'indépendance acquise en 1960 sous De Gaulle. L'île s' appauvrit car le travail des présidents successifs a été battu en brèche par une corruption généralisée. Tananarive, la capitale aux 2 millions d'habitants, offre une construction anarchique, ce qui provoque force bouchons dans les rues. Madagascar ne possédant que peu de voies ferrées, les maxi-bus pour 20 voyageurs et les taxis : 2 CV Citroën, 4 L et Dauphines Renault sont tous des véhicules recyclés et bricolés.
Le manque d'eau et d'électricité contraint les Malgaches à acheter des denrées au jour le jour, ce qui explique la multiplicité des marchés, où les fleurs et les fruits exotiques sont rois. Pour visiter les hauts plateaux on emprunte, comme en France, la nationale 7, nord-sud ! Dans la diversité pittoresque des paysages, les villages juchés sur les collines regardent les rizières dans les creux et les vallées mais le riz se cultive aussi en terrasses car c'est la richesse du pays avec le zébu. A la campagne le bétail vit au rez de chaussée et les humains à l'étage dans des maisons en bois ou en briques légères, à peine cuites.
Dans l’extrême sud-ouest, sur la côte de Tuléar, les Malgaches vivent de la pêche et des excursions en bateau. La dérive des continents explique la flore et la faune de l'île rouge.
Les lémuriens sont restés à Madagascar, alors que les singes les ont éliminés en Afrique. Sept espèces de baobabs poussent à Madagascar mais six ne poussent que sur l'île. La déforestation a détruit 80% de la couverture forestière mais la vanille offre aux malgaches une médaille d'or dans la production mondiale. Le cacao, le raphia et les huiles essentielles complètent le tableau des richesses de l'île.
Les malgaches sont très religieux, ils croient en Dieu mais leurs ancêtres sont les intermédiaires privilégiés entre lui et les hommes. Cette croyance donne lieu à des cérémonies, véritables fêtes de familles au cours desquelles on change le linceul des trépassés : c'est le retournement des morts. Cette note funèbre met un point final à la remarquable conférence de M. Claude Nos.

Plusieurs questions posées par les auditeurs attentifs sur la faune particulière de Madagascar, l'attitude des Malgaches à l'égard des Français, et l'état de l'emploi et de l'enseignement de la langue française ont permis au conférencier de compléter son panorama culturel de Madagascar.
 
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2014

15 mars

"LES SCULPTEURS EN LANGUEDOC AU XVIIe SIÈCLE" par Denis Népipvoda.

Le président André NOS accueille le conférencier Denis Nepipvoda 

 Dernièrement M. Denis Népipvoda, historien d'art bien connu des Montagnacois a prononcé devant une assistance nombreuse une conférence remarquable sur le sujet cité en titre. Les sculpteurs connus qui ont œuvré et créé en Languedoc au XVIIe sont au nombre de 8 et possèdent de nombreux points communs.
Sauf un, ils sont tous nés dans notre belle province. Ils presque tous pris femme dans les familles appartenant à leur confrérie, si bien qu'on peut parler d'endogamie dans les métiers d'art. Ils ont surtout travaillé à la restauration ou à l'aménagement d’œuvres religieuses endommagées au cours des guerres de religion. Enfin, inspirés par l'idéal d'art classique de Paris, ils ont su cependant innover en utilisant toutes sortes de matériaux : Marbre de Caunes, calcaire blanc de Pernes, résineux de Quillan, noyers du Dauphiné et même mélange de bois et de pierre. Ces grands créateurs locaux tels les Jourdan, G. Martrois, les Suberville, Coula, Mercier, Thomas, Cannet et Laucel ont embelli les épiscopales de Montpellier, Béziers, Agde, Saint Pons de Thomières et aussi de nombreuses petites paroissiales du futur département de l'Hérault : en particulier Saint Thibéry, Creissan, Pomérols ou la chapelle des Ursulines de Pézenas, que le conférencier a engagé l'auditoire à visiter.

De nombreuses questions relatives au transport des matériaux, à la carrière des artistes (de l'apprentissage à la maîtrise), au style local et à l'organisation des confréries ont complété ce brillant exposé qui a enrichi la culture voire l'érudition de tous les participants.

                                      
25 janvier 
       
"HISTOIRE ET MÉMOIRE" par Yvette Médina.

Yvette MEDINA conférencière et André NOS Président
Suite à l'assemblée générale et après l'adoption des deux rapports moral et financier, André Nos a donné la parole à Mme Yvette Médina bien connue des Montagnacois, qui a prononcé sa conférence citée en titre de l'article.
L'histoire c'est d'abord une boucherie de quatre ans qui a coûté 1.400.000 morts à la France, soit un dixième de sa population active en ce début de XXe siècle. Les Français ont voulu commémorer, c'est à dire se remémorer ensemble l'immense soulagement de l'armistice du 11novembre1918. De l'inhumation du soldat inconnu le 11-11-1920 à l'hommage rendu par le Président Hollande à tous les morts pour la France le 11-11-2012 , Mme Médina a évoqué tous les 11 novembre célèbres du XXe siècle. Elle a ensuite présenté tous les lieux de mémoire installés ou érigés sur l'hexagone : le wagon de Rethondes, le mémorial de Vimy, les ossuaires de Douaumont, Lorette,la forêt des écrivains combattants située dans l'Hérault et enfin les innombrables monuments aux morts, porteurs souvent de symboliques très différentes : deuil, sacrifice, épuisement, solidarité et même malédiction de la guerre comme à Angerville. Mme Médina a cité enfin les témoignages écrits célèbres comme les romans de Barbusse et de Dorgelès ou plus humbles comme les carnets de guerre de Louis Barthas tonnelier socialiste audois, racontant sa guerre au jour le jour, au ras des tranchées et qui a révolutionné l'histoire de la première guerre mondiale. En conclusion Mme Médina a cité l'historienne Anne Jollet mettant en garde contre les commémorations béates car " les guerres sont toujours et d'abord le fait de choix politiques ", et a évoqué le vers d'Aragon, poète mais aussi médecin des tranchées : " Déjà la pierre pense où votre nom s'inscrit..."

Des questions sur le mythe de la fleur au fusil et sur les fusillés pour l'exemple ont clos cette admirable communication empreinte à la fois d'une grande clarté et d'une profonde humanité.

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2013

2 mars 



"ECOLOGIE ET BIODIVERSITÉ"par Philippe Martin.

Philippe MARTIN conférencier et André NOS président
Dernièrement les Amis de Montagnac ont été conviés à écouter une conférence du professeur Philippe Martin de la faculté des sciences de Montpellier sur l'écologie et la biodiversité dans l'Hérault et dans le monde. Le conférencier a rendu tout d'abord un hommage appuyé à son maître, le professeur Hervé Harant, fondateur de l'enseignement de l'écologie en Languedoc et auteur du premier guide du naturaliste distribué en France. Ensuite Mr Martin nous a rappelé que le centre du département de l'Hérault est le plus varié de France en matière de géologie. Ceci a entraîné une variété de paysages grâce à la couverture végétale et au travail de l'homme qui l'a modifiée par l'agriculture et l'élevage. Hélas le pin d'Alep et d'autres résineux sont en train de dévaster cette couverture végétale de notre environnement par l'ombre dont ils encombrent le sol. Le professeur a ensuite multiplié les exemples empruntés à la botanique et à la zoologie pour nous prouver que chez nous existent de nombreux êtres vivants que nous pourrions croire exotiques et non indigènes. Et de citer le petit chabot de la Lergue, la veuve noire, la truite fario et les cinq variétés de scorpions accueillies par la campagne montagnacoise. Dans sa croisade de sauvegarde des milieux naturels Mr Martin nous a rappelé que le décret de conservation ne date que de 1976 et celui de la protection des milieux naturels de 1992.

Avant de nous présenter ses magnifiques photos, le conférencier nous a expliqué comment ils les prenait et comment il les montait grâce au procédé de logiciel ukrainien de son ami, le photographe Frédéric Jaume de Montpellier. Une série de vues de plantes et d'animaux d'une beauté stupéfiante, prises à des milliers de km de la biodiversité montagnacoise a clos cette très belle conférence qui a suscité de très nombreuses questions posées par l'assistance nombreuse et très intéressée.

                                      
                                      
26 janvier

"LES TROIS HENRI" principaux acteurs de la guerre de religion de 1561 à 1598
( Henri De Guise, Henri III et Henri IV ) par le professeur Dewelder.



Le professeur DEWELDER conférencier
Suite à l'assemblée générale, notre président a présenté M. Dewelder Professeur agrégé à Béziers et sa conférence sur « Les trois Henri dans les guerres de religion » Henri de Guise, Henri 3 et Henri de Navarre, le futur Henri 4. De ce fouillis de 36 ans qui a vu naître 8 guerres civiles en France, le conférencier a voulu, dans ce tableau vivant, dégager quelques idées fortes.
D'abord ce conflit religieux a tourné rapidement en guerre des trônes à caractère politique Ensuite les situations locales n'ont pas toujours épousé les circonstances nationales ainsi Montagnac a pu connaître des périodes de paix quand le conflit faisait rage à Paris....et vice versa. Enfin cette époque, plus que confuse, a vu se produire, comme souvent dans la politique française, un renversement des alliances, lorsque Henri 3 menacé par les Guises ou leurs partisans, a fait cause commune avec Henri de Navarre qui lui même abjura deux fois le protestantisme pour pouvoir devenir roi de France et rétablir la paix. Dans sa conclusion M. Dewelder rappelle que l'édit de Nantes offrit à la France 87 années de paix relative, brisée par la révocation du même édit par Louis XIV.
A Montagnac les registres attestent que des mariages mixtes avaient même conclu la paix dans certaines familles.


De nombreuses questions auxquelles le conférencier a répondu avec autant d'amabilité que de compétence ont démontré que le nombreux public avait suivi avec plaisir et profit ce remarquable exposé.

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2012 
                                                            
24 mars 

" NAPOLÉON III ET LE DÉPARTEMENT DE L’HÉRAULT" par Jean Sagnes.

Le président André NOS reçoit le conférencier le professeur Jean SAGNES
Dernièrement les Amis de Montagnac ont eu le plaisir de recevoir le Professeur Jean Sagnes qui a prononcé une conférence sur Napoléon III et ses rapports avec le département de l'Hérault. Devenu Président de la République, Louis Napoléon qui avait eu une éducation progressiste, était entré en conflit avec la chambre conservatrice et avait organisé le coup d'état qui l'avait fait Empereur des Français.
Dans l'Hérault les républicains s'étaient opposés à ce coup de force et la répression avait été brutale. On compta des morts, deux exécutions et de nombreuses déportations en Algérie.
Mais le nouveau maître de la France, après son entreprise réactionnaire, mit en œuvre un programme de progrès, inspiré du Saint Simonisme français et du Carbonarisme italien qui avaient bercé ses rêves de jeune homme. M Sagnes a alors établi un parallèle entre les réalisations du second Empire à Paris et celles de ses représentants locaux dans le département.
Trois hommes héraultais ou aux attaches héraultaises, amis de l'Empereur, ont joué un rôle important dans le développement économique du département sous le second Empire. Ce sont Mathieu Cazelles dont nous ont déjà parlé les Présidents Jean Salvaing et André Nos, le docteur Henri Conneau, gros propriétaire à Servian et Michel Chevalier, beau- père de l'économiste Paul Leroy-Beaulieu de Lodève.
Cette œuvre économique est impressionnante. Le développement du chemin de fer a permis le transport sans problème du vin, aliment essentiel des travailleurs de force, créateurs de nouvelles richesses. Le pont canal de Béziers a supprimé le passage d'écluses sur la rive gauche de l'Orb. Le lancement de ponts ferroviaires et routiers, le percement de tunnels ont donné du travail aux chômeurs tout en réduisant les distances. Les frères Muller, créateurs du nouveau bois de Boulogne, ont tracé le jardin St Simon du plateau des poètes à Béziers et le square Planchon à Montpellier. L’empire a offert aussi l'eau potable à la ville de Cette (Sète ).
Montpellier a connu le percement de la rue impériale, plus tard rue Foch et la refonte de l’hôtel de Ganges devenu préfecture de l'Hérault.
Fortou et Victor Duruy ont donné un essor aux écoles maternelles ; le gouvernement a étendu la gratuité de l'enseignement primaire et chaque commune de plus de 500 habitants a été tenue d'ouvrir une école de filles. Dans le secondaire l'Empire a ouvert les premiers lycées de jeunes filles et a laïcisé en France quelques dizaines de collèges privés. Dans le domaine de la musique de nombreux kiosques ont été construits et la création de sociétés musicales fortement encouragée.

En conclusion M Sagnes met l'accent sur le personnage contrasté de Napoléon III et ne s'étonne pas que de nombreux historiens locaux aient voué une véritable admiration au neveu du Grand Napoléon. De nombreuses questions pertinentes ont prouvé que l'auditoire avait suivi avec intérêt l'histoire des aspects particuliers du plus grand ennemi de Victor Hugo.
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21 janvier

"L'ART BAROQUE EN LANGUEDOC" par Denis NEPIPVODA.

Denis NEPIPVODA conférencier
 
Suite à l'assemblée générale, André Nos a donné la parole à Denis Népipvoda bien connu aux Amis de Montagnac. Parti de l'étude de la chapelle des Augustins, couvent de notre village, le conférencier, à l'aide de belles diapositives d’œuvres, a démontré qu'au XVIIe siècle le Languedoc a été l'un des berceaux régionaux du baroque, art né d'une contre-réforme, timide à Montagnac. Entrepreneurs comme Cousseran, menuisiers comme Sabatier, peintres comme Aurès ou sculpteurs comme Lédenac, ces artisans d'art, nés dans la région et habitant près des ou même dans les monastères où ils créaient leurs œuvres, ont développé un style nouveau, inspiré de l'Antique dont les témoignages se retrouvent encore aujourd'hui, mutilés ou intacts, de Perpignan à Montpellier, de Rodez à Aigues-Mortes en passant par Caux, Nézignan, Béziers, Pézenas et Montagnac. Denis Népipvoda a terminé sa brillante intervention par l'évocation de trois peintres piscénois qui avaient eu la mainmise sur tous les chantiers d'art sacré à Pézenas au XVIIe siècle.

Les Amis de Montagnac ont ainsi découvert un aspect, mal connu du grand public, d'un style qui a régné pendant plus d'un siècle sur toute l'Europe.





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