Amis de Montagnac Hérault

Amis de Montagnac Hérault

lundi 24 janvier 2022

LES COLLOQUES



2023
 
14 Octobre 2023


                                        

    Les Montmorency et les Conti Gouverneurs du Languedoc.


De gauche à droite Mme Yvette Médina, présidente de séance, M. Jean Luc Lefranc, conférencier
M. Claude Pradeilles, vice président et M. André Nos président de l'association. 

Le thème choisi cette année est original,  découvrir le rôle joué par deux familles de la haute noblesse du Languedoc, les Montmorency et les Conti dans la province du Languedoc aux  XVIè et XVIIè siècles. En présence de Yann Llopis  maire de Montagnac, de  son adjointe à la culture Marie Claude Baratini, et d'un public curieux et attentif, la journée était placée sous la présidence éclairée et sympathique d' Yvette Médina, agrégée d'Histoire qui a su mener les débats avec souplesse.

Sur ce sujet les documents ne manquent pas mais il fallait trouver des chercheurs compétents. La séance a débuté par l'exposé de Jean Luc Lefranc des Amis d'Agde et du GRAA qui, grâce à d'importantes recherches, nous a donné un large aperçu des Montmorency, familiers des rois de France, militaires actifs, gouverneurs du Languedoc, jouant un rôle de modérateur lors des évènements dramatiques des Guerres de religion. Notre région a longtemps conservé avec émotion la mémoire de la mort tragique de son dernier représentant Henri II de Montmorency décapité à Toulouse en 1637 sur ordre de Richelieu. C'est  une petite partie de ses grandes connaissances que M. Lefranc nous a communiqué avec passion.

Le second intervenant était Alain Garcia Vice-Président des Amis de Montagnac mais surtout chercheur passionné allant jusqu'au bout de ses recherches. Pour des gens non avertis son sujet paraissait plus mince, il nous proposait de découvrir le capitaine de Rosine important adjoint du Connétable Anne de Montmorency et montagnacois d'adoption grâce à son mariage. L'exposé a valu non seulement par l'évocation des dessous d'une guerre complexe mais aussi par sa présentation traitée comme une véritable et minutieuse enquête policière, avec une chute inattendue, en réalité M. de Rosine s'appelait  M. de Durfort.

Après l'intermède d'un excellent repas, Francis Médina agrégé d'histoire, bien connu des montagnacois, est venu apporter des lumières piscénoises sur les Conti, descendants des Montmorency. Comme d'habitude il l'a fait  avec aisance, clarté et précision, accompagné d'une belle illustration. Après avoir précisé le lien entre les deux familles et donné un nouvel éclairage sur le couple d'Armand de Conti, comte de Pézenas,  gouverneur du Languedoc, protecteur de Molière, à la transformation étonnante du libertin en croyant mystique. Mais lui aussi s'est signalé par son activité publique dans ses fonctions officielles de Gouverneur du Languedoc.

Ce petit article ne peut donner qu'un aperçu approximatif d'une journée passionnante sur ce riche retour sur la passé.

Merci a à nos trois conférenciers et à Madame la présidente de la journée qui nous ont apporté  d'une manière différente la vision d'une période parfois dramatique mais toujours passionnante. Merci aussi aux petites mains, du Conseil d'administration des Amis de Montagnac, ces travailleurs(ses) de l'ombre qui modestement, ont assuré la réussite matérielle de cette manifestation.

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2022
 
22 Octobre 2022


                                                             « L'église des Augustins »    

C'est devant une belle assistance de membres fidèles ou de curieux, que s'est déroulé le colloque annuel des Amis de Montagnac dont le sujet était inédit : l'Histoire et la vie de l'Eglise des Augustins, plus connue sous le nom de Chapelle des Pénitents blancs, c'est d'ailleurs sous ce double aspect  que cette étude a été menée.

Le Président de la journée, Claude Pradeilles a donné le ton en présentant la question d'une manière richement documentée qui a montré le sérieux de ce travail. Alain Garcia a pris la relève, à partir, comme d'habitude, d'une minutieuse recherche, en rappelant tout d'abord qu'il s'agissait de l'église des Augustins avant de devenir la chapelle des Pénitents blancs, appellation qui date seulement du début du 19° s. Il a ensuite évoqué l'origine de l'ordre et la question de leur installation à Montagnac, peut être au  début  14° s. Ensuite André Nos a évoqué la vie et l'activité des occupants dans un premier temps celles des Augustins et dans une seconde période celles des pénitents blancs qui a duré pratiquement jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

Ainsi pour la première fois une étude sérieuse a été faite sur l'Eglise des Augustins, tout n'a pas été dit, actuellement les documents sur le sujet sont peu nombreux qu'il s'agisse des Augustins ou des Pénitents mais le travail historique est fait de patience et l'on espère qu'il pourra se poursuivre utilement.  La recherche est souvent marquée par d'heureuses surprises.

La matinée s'est terminée par l'intervention de Denis Nepipvoda, le spécialiste de l'architecture régionale et excellent connaisseur du riche patrimoine montagnacois, qui a donné plus d'ampleur au sujet en évoquant en spécialiste, les particularités de l'église tout en les replaçant dans le cadre plus large de notre région, ce qui lui a permis d'évoquer le travail des artisans montagnacois dans ce domaine au cours des 17 et 18° s.

Après un apéritif amical et un excellent repas pris au restaurant du VVF de Bessilles, la journée s'est poursuivie, marquée par un peu de déception, l'église des Augustins n'était pas visitable, en compensation, Denis Nepipvoda a amené le groupe à l'église Saint André où il a pu faire un rapprochement entre le mobilier des deux églises et en signalant les découvertes récentes de l'église paroissiale.


Encore une fois ce colloque a été une réussite dans sa préparation et dans son déroulement, c'est un encouragement pour une équipe qui, parfois, malgré les difficultés personnelles, mène un sérieux travail de recherche et d'organisation, mis au service de la très riche histoire locale, le plus souvent replacée dans un contexte plus large qu'il soit régional ou national, la présence d'un nombreux public attentif constitue pour ce groupe de bénévoles un encouragement à poursuivre ce travail difficile mais passionnant.

  

L'assistance attentive

                                                                     
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2021

16 Octobre 2021





                               « Discours d’ouverture du colloque 2021 »         

                                                       Par Jean-Claude Séguéla


Je remercie le Président des Amis de Montagnac de m’avoir invité à votre colloque :

ʺ L’occupation dans l’Hérault ʺ et le nombreux auditoire où je note la présence de Mr le Maire, historien, Mr Fages, maire honoraire venus pour entendre Messieurs Alquié, Garcia et Richard les intervenants de la journée.
Ce 16 octobre 2021, avec votre accord, cher André Nos, je vous propose d’abord d’observer une minute de silence car il y a un an a été ignominieusement décapité Samuel Paty, professeur d’histoire parce qu’il enseignait les lumières pour chasser l’obscurantisme et la barbarie hélas de retour. Souvenons-nous …/….

Jean-Claude Séguéla
Président de séance
(coll. Nadine Deboos)
Je vous remercie d’avoir ainsi honoré un de ces milliers de missionnaires de la laïcité qui dans nos collèges et lycées portent le message de liberté dont cette journée va nous rappeler le prix.
Avant d’accepter l’honneur de cette Présidence, car me trouvant quelque peu illégitime par rapport à cette période de ma prime enfance où des mots m’ont cependant marqué : ʺ Boches, Frigolins, Kommandatur, Collabos, Maquisards, Laissez-passers, J1, J2, J3, Topinambours, Rutabagas ʺ entre autres.
Mais ce qui m’aura le plus hanté c’est la menace que si je parlais, mon oncle évadé du mur de l’Atlantique, ʺ terroriste ʺ qui avait rejoint les corps-francs Pomiès serait pris et fusillé !
Le garçonnet de 4/5 ans n’a jamais oublié….

Cette période sombre de notre histoire, vos travaux universitaires, Mr Alain Alquié ʺl’occupation allemande dans l’Héraultʺ à paraître vont éclairer le contexte des années 1942 à 1944.
Suivra à 11h15 la communication de Mr Alain Garcia, inlassable chercheur sur le déporté Adelantado Juan qui réveillera des échos familiaux d’un de ces réfugiés républicains catalans qui va partager la lutte et le sort d’autres Montagnacois.
L’après-midi Mr Jean-Claude Richard dont on connait l’œuvre considérable sur des décennies de fructueuses recherches abordera un sujet délicat qui a encore des résonances funestes et honteuses celui de la Milice dans l’Hérault. Ainsi seront abordés 3 éclairages divers qui iront abonder cette mémoire vivante que l’Association des Amis de Montagnac entretient patiemment avec une production remarquable. Grâce à eux et aux témoignages de beaucoup d’historiens nous éviterons que ce proverbe africain : ʺ Quand un ancien disparaît, c’est une bibliothèque qui brûle ʺ ne devienne ici triste réalité.

Nul doute qu’une fois encore vous aurez déposé sur ces rayons du savoir des ouvrages précieux qui enrichissent les connaissances. Soyez en félicités et remerciés vous tous qui autour de votre Président poursuivez avec vos invités la belle œuvre de transmission intergénérationnelle.



    « L’occupation allemande dans le département de l’Hérault »                  
 11 novembre 1942-23 août 1944                                                   
           Par Alain Alquier[1]                         

Introduction                                                                                                                       

À la veille de la Seconde Guerre mondiale l’Hérault est un département qui compte environ 500 000 habitants. La concentration de la population est avant tout côtière. Les trois villes principales sont Montpellier (90 000 habitants), Béziers (73 000 habitants) et Sète (37 000 habitants). L’économie du département est essentiellement tournée vers la viticulture. L’Hérault, comme en 1914, est le premier producteur de vin de table de France. On relève par ailleurs une activité industrielle à Béziers (usines métallurgiques Fouga), à Sète et Frontignan (usines pétrochimiques) ; et une activité minière dans les hauts cantons (Graissessac, Le Bousquet-d’Orb...). Politiquement, le département est ancré à gauche. Lors des élections législatives de 1936, la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), les radicaux et néo-socialistes ont obtenu quelque 75 % des suffrages. Le Parti communiste français est à 13%.  
Alain Alquier conférencier
(coll. Nadine Deboos)

Le 3 septembre 1939, alors que la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne qui vient d’envahir la Pologne, les Héraultais sont mobilisés et rejoignent leurs unités. Le 10 mai 1940, après une « drôle de guerre » de plusieurs mois, la Wehrmacht attaque à l’ouest. En quelques jours (percée de Sedan), la situation militaire est déjà désespérée. Malgré des résistances farouches, les meilleures forces de l’Armée française et le Corps expéditionnaire britannique se trouvent encerclés dans la « poche de Dunkerque ». Après que les Alliés ont tant bien que mal réussi à évacuer, l’Armée allemande poursuit la conquête du territoire métropolitain. Devant l’avancée fulgurante des troupes de Hitler (Blitzkrieg), les responsables français sont divisés entre partisans de la résistance (Paul Reynaud, Charles de Gaulle, Édouard Daladier, Georges Mandel...) et partisans de l’armistice (Pierre Laval, Maxime Weygand, Philippe Pétain...). Les défaitistes parviennent finalement à emporter la décision. Le 17 juin 1940, le maréchal Pétain, le « vainqueur de Verdun », prononce son célèbre discours radiodiffusé dans lequel il demande aux Français de « cesser le combat » et annonce faire « le don de sa personne » à la France. Le lendemain, depuis Londres, le général de Gaulle lance son appel historique : « Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas ».

La société est sous le choc, traumatisée. Des millions de Français se trouvent encore sur les routes après avoir pris la fuite devant l’avancée des armées allemandes (exode). Quelques jours après l’intervention du Maréchal, un armistice est signé dans la clairière de Rethondes, en forêt de Compiègne, là où la Première Guerre mondiale avait victorieusement pris fin pour la France en 1918. Ce court texte de 24 articles acte le partage de la France en plusieurs zones, notamment une zone occupée et une zone libre, chacune séparée par une ligne de démarcation correspondant peu ou prou à l’avancée ultime des troupes allemandes. La France devra régler de lourdes indemnités d’occupation à l’Allemagne mais pourra conserver ses possessions coloniales et sa puissante flotte. Son armée sera cependant réduite à 100 000 hommes et les prisonniers de guerre resteront en captivité jusqu’à la conclusion de la paix.

Sur le plan politique, les pleins pouvoirs sont votés au maréchal Pétain le 10 juillet 1940 par le Parlement réuni dans le Grand Casino de Vichy. Seuls 80 parlementaires sur 569 s’opposent à la fin de la République. Parmi eux se trouvent trois Héraultais : Jules Moch (SFIO), Paul Boulet (Gauche indépendante) et Vincent Badie (radical-socialiste). Le maréchal Pétain est officiellement chargé de promulguer une nouvelle Constitution par un ou plusieurs actes, et devient le chef d’un nouveau régime depuis Vichy : l’État français. Aidé de son vice-président du Conseil Pierre Laval, il souhaite impulser une « Révolution nationale » en prônant les valeurs du travail, de la famille et de la patrie. 

L’Hérault à l’heure allemande

Le 8 novembre 1942, alors que l’Hérault vit sous le régime de Vichy depuis plus de deux ans, les Alliés débarquent dans les territoires français d’Afrique du Nord (opération Torch). En quelques jours, Maroc et Algérie passent dans le camp anglo-américain après des négociations entreprises avec l’amiral Darlan, ancien vice-président du Conseil du maréchal Pétain du 9 février 1941 au 18 avril 1942. Désormais, les Alliés menacent le littoral méditerranéen français. En conséquence, Hitler ordonne à ses troupes de franchir la ligne de démarcation et d’aller occuper la côte du sud de la France (opération Anton II). Cette invasion s’opère le 11 novembre 1942, jour du vingt-quatrième anniversaire de la signature de l’armistice de 1918. En quelques jours, Vichy perd son Empire, sa souveraineté et sa flotte qui choisit de se saborder à Toulon pour éviter d’être prise par les Allemands.

Les premières troupes de la Wehrmacht arrivent dans l’Hérault le 11 novembre 1942 en toute fin de soirée, en gare de Béziers. Dix convois se succèdent dans la ville jusqu’au 13. L’invasion du département s’opère d’ouest en est. Agde, Sète et Montpellier sont prises le 12, Montagnac le 15. Ce n’est pas la première fois que des Héraultais rencontrent des éléments de l’Armée allemande. Des commissions d’armistice avaient parcouru quelques villes héraultaises à l’été 1940, notamment Montpellier, Béziers et Sète. L’occupation vise avant tout les communes comprises dans un bandeau de vingt à trente kilomètres depuis la côte. Au-delà, l’occupation est ponctuelle et dépend de l’importance stratégique ou économique de la commune. Selon les périodes, entre 8 000 et 15 000 soldats occupent le département. Les troupes arrivées en novembre 1942 ne sont pas celles qui évacuent en août 1944. Plusieurs vagues d’arrivées et de départs ont lieu durant les quelque vingt-deux mois de présence allemande. Au moins huit divisions d’infanterie (DI) occupent l’ensemble ou une partie de l’Hérault : 198e DI, 271e DI, 277e DI, 326e DI, 327e DI, 328e DI, 338e DI et 716e DI. Toutes ces forces sont rattachées au IVe corps d’armée de l’Air dirigé par le général Erich Petersen et appartiennent, dans un cadre plus large, à la XIXe armée (AOK 19). C’est surtout l’armée de Terre allemande (Heer) qui est représentée dans l’Hérault. On ne trouve que peu d’éléments de l’armée de l’Air (Luftwaffe) et de la Marine (Kriegsmarine), sauf à Sète qui devient un véritable « camp retranché ».

Les soldats allemands occupant l’Hérault sont épaulés par des soldats italiens entre février et septembre 1943. Ces hommes, malgré une correction presque exemplaire, font l’objet de la colère de la population héraultaise qui n’a pas digéré « le coup de poignard dans le dos » de 1940 et sont régulièrement moqués quant à leurs uniformes qui comprend cape et plume noire. Après la signature de l’armistice de Cassibile par l’Italie, ces éléments transalpins sont remplacés par des « Russes blancs », terme utilisé par les autorités françaises pour désigner des soldats issus des territoires de l’est de l’Europe et qui se sont enrôlés volontairement ou non dans l’armée allemande. Ces hommes ont un fort penchant pour la boisson et provoquent de multiples incidents la nuit tombée, notamment dans les communes côtières où la police militaire allemande (Feldgendarmerie) est parfois contrainte d’intervenir.
         Officiellement, les troupes allemandes sont en opération défensive pour protéger le littoral méditerranéen français et non en occupation, c’est pourquoi la presse, comme les autorités officielles, parlent de « troupes d’opération ». En ce qui concerne l’administration militaire, la plus haute autorité dans l’Hérault est un État-major supérieur de liaison 563 (Hauptverbindungsstab) dont la direction est successivement assurée par des colonels : obersten Wolf et Distler. Le territoire contrôlé comprend l’Hérault, l’Aude, l’Aveyron, la Lozère et les Pyrénées-Orientales. Des conférences sont hebdomadairement organisées avec les autorités françaises afin de régler les difficultés liées à la présence allemande. Des Services des relations franco-allemandes sont aussi créés à la sous-préfecture de Béziers et à la préfecture de Montpellier. À plus petite échelle, on trouve un commandement de la place à Montpellier (Platzkommandantur) dirigé par le major Neuse, ainsi que des postes de commandement locaux (Standortkommandanturen et Ortskommandanturen) dans les autres villes. La police allemande (Sipo-SD dont fait partie la Gestapo) s’installe aussi dans l’Hérault. 

Deux commandos (Kommando der Sipo und des SD) se trouvent à Montpellier (Villa des Rosiers et Saint-Antonin) et à Sète (Villa Charmeuse). Au mois de mars 1944, le commando de Sète, dont le responsable est l’adjudant-chef (Hauptscharführer) Josef Roleff, prend ses nouveaux quartiers à la Villa Guy de Béziers, près des Arènes. Le chef de la police allemande dans l’Hérault et sa région est le lieutenant-colonel (Obersturmbannführer) Hellmut Tanzmann. L’homme est épaulé par le capitaine (Hauptsturmführer) Fritz Adolf Hinrichs et par l’adjudant (Oberscharführer) Karl Mahren, qui se charge de l’infiltration de la Résistance.

Deux soldats allemands posant sue la jetée
du Grau d'Agde, devant le phare.
(coll. Georges Cléophas)

Les chefs de la Sipo-SD de Montpellier.
De gauche à droite: Hellmut Tanzmann,
Fritz Hinrichs et Karl Mahren.
(Archives fédérales de Berlin et Fribourg-en-Brisgau)


Les Héraultais au quotidien

Depuis l’instauration du rationnement à la fin de l’année 1940, le ravitaillement est la préoccupation essentielle de la population. Les pénuries alimentaires frappent durement le département de l’Hérault où prévaut la monoculture de la vigne. Trois périodes se distinguent au cours de l’occupation allemande : novembre décembre 1942 (la crise), janvier 1943-février 1944 (entre état stationnaire et état de choc) et mars août 1944 (la rechute au cours de laquelle sévit une crise du pain dans plusieurs communes). La rareté de certains produits entraîne le développement du marché noir, d’abord fermement condamné par Vichy, puis toléré. Le troc se pratique également. De nombreux Héraultais prennent la direction des départements d’élevage pour aller échanger des produits de la vigne contre de la viande, de la charcuterie, du lait ou du fromage. Les pénuries touchent encore les carburants, les pneumatiques ainsi que les bicyclettes qui s’arrachent à prix d’or. À Montpellier, le réseau de tramways électriques fait face à une importante hausse de l’affluence alors que le matériel ne peut plus être entretenu correctement. Un grave accident se produit le 16 décembre 1943 sur la place Albert Ier. Le bilan humain (7 morts, 20 blessés) provoque une vive polémique dans la ville. Des sanctions sont prises par les autorités contre la Compagnie des Tramways électriques.

Au-delà de la survie, le quotidien des Héraultais consiste aussi à s’informer sur les événements liés à la guerre. En écoutant les radios dissidentes ou en lisant la presse, qu’ils savent soumise à la censure, les Héraultais suivent avec attention les nouvelles des combats sur les différents fronts. Au cours de ces quelque vingt-deux mois d’occupation, l’Héraultais majoritaire semble avoir été celui qui soutenait irrémédiablement les armées alliées tout en faisant preuve de quatre ambivalences principales reposant sur des craintes/peurs : que l’occupant répercute la frustration de ses revers sur sa personne et ses biens ; qu’un débarquement sur les côtes méditerranéennes françaises apporte les affres de la guerre trop près de chez lui ; que les victoires toujours plus éclatantes de l’Armée rouge ne finissent par profondément impacter le visage de sa France d’après-guerre et, enfin, que les attaques aériennes alliées, censées le libérer, ne le conduisent prématurément au cimetière. Ces ambivalences s’accompagnèrent d’une obsession qui, parfois, les surpassa toutes, que ce soit dans l’exaltation des victoires alliées, ou dans les luttes qui s’éternisaient sur les différents fronts : la paix. L’Héraultais majoritaire semble avoir illustré le « penser double » du concept d’ambivalence de Pierre Laborie, invitant à accepter que beaucoup de Français aient pu être longtemps et à la fois « ceci et cela, pas seulement ceci ou cela ».

      Bien que les temps soient difficiles, la population départementale cherche à se divertir. Les Héraultais fréquentent massivement les cinémas pour voir des films ou suivre les actualités de la guerre. Les agents des Renseignements généraux viennent régulièrement sonder l’opinion dans les salles obscures. Le public siffle lorsque des Allemands ou des membres du Gouvernement de Vichy sont à l’écran, il applaudit à la vue des soldats alliés ou des bombardements entrepris sur l’Allemagne. Certains habitants se rendent aussi dans les théâtres ; les plus jeunes participent à des « bals clandestins » – les bals ont été interdits en 1940, sous la IIIe République – qui font l’objet d’une étroite surveillance policière (française et allemande). Quant à eux, les musées ne sont plus fréquentés. Les collections muséales de Montpellier et de Béziers sont déplacées dans un dépôt à Saint-Guilhem-le-Désert.
Les compétitions sportives sont suivies avec intérêt par le public : football, rugby ou cyclisme sont les sports qui retiennent le plus l’attention. Les pénuries de matériel et la faiblesse des organismes impactent toutefois le nombre de pratiquants qui est moins important qu’avant-guerre.
En ces temps de doutes, d’incertitudes et de craintes, la population départementale se réfugie dans la foi pour espérer le retour rapide de la paix, ou d’un être cher. Les différentes cérémonies et processions sont suivies avec ferveur ce qui n’est pas chose anodine dans un département qui appartient historiquement au « Midi rouge ». Le pèlerinage de Notre-Dame-de-Boulogne, organisé au printemps 1944, est un des exemples les plus édifiants de ce renouveau de ferveur.

      Le quotidien, c’est aussi cohabiter avec les soldats allemands. Leur comportement est en règle générale « korrekt ». La nuit tombée, de nombreuses agressions sur des civils sont toutefois rapportées par les forces de police et de gendarmerie, notamment dans les grandes villes et les communes côtières (à cause de l’alcool). Des vols sont aussi massivement commis par les soldats (nourriture, alcool, argent, mobilier...). Armés, les soldats ont un fort sentiment d’impunité et agissent à leur guise, ne respectant pas les forces de l’ordre françaises et les règlements (couvre-feu, défense passive). Les soldats de la Wehrmacht se rendent en masse dans les maisons de tolérance où des prostituées sont parfois violemment agressées. Quelques viols (moins d’une dizaine) sont signalés sur toute la période de l’occupation. La plus grave affaire se produit à Jacou au mois de mars 1944. Une jeune fille de 12 ans est violée par deux soldats ivres en présence de sa famille. De sévères sanctions sont prises par le commandement.

Les Héraultais entre Vichy et l’occupant

En avril 1942, Pierre Laval revient au pouvoir. Dès lors, le régime de Vichy se radicalise afin de donner toujours plus de gages aux Allemands, encore considérés comme les prochains maîtres de l’Europe. En juin, la Relève est instaurée. Fondée sur le volontariat, elle vise à l’envoi de trois ouvriers spécialisés français en Allemagne en échange du retour d’un prisonnier de guerre. Impopulaire, rencontrant un faible succès, la Relève devient contrainte avec la loi du 4 septembre 1942. La mobilisation de la main-d’œuvre française évolue à compter du 16 février 1943 et la mise en place du Service du travail obligatoire (STO), impactant les classes 1920, 1921 et 1922. En définitive, au titre de la Relève volontaire, contrainte ou du STO, entre 4 500 et 5 000 Héraultais prennent la direction de l’Allemagne. Les départs n’étant pas assez nombreux pour l’occupant, plusieurs rafles sont menées par les autorités françaises et allemandes en 1944 : la rafle de l’intendant régional de Police Pierre Marty (17 mars), la rafle entreprise dans les cinémas de Montpellier par les autorités allemandes (19 avril), ou encore les rafles de la « bande à Simon Sabiani » (collaborationniste marseillais) ayant lieu à Béziers et Montpellier aux mois de mai et de juin qui suivent. La participation à l’effort de guerre passe aussi par la réquisition (impopulaire) des chevaux (350 têtes sont réclamées par les Allemands).

Départ du deuxième convoi de requis pour le
STO à Montpellier (10 mars 1943).
l'Eclair du 11 mars 1943

Dès le début du mois de décembre 1942, sous la pression des autorités allemandes, des lois mettent en œuvre la confiscation des armes de chasse. Cette mesure est très impopulaire car elle prive de chasse de nombreux Héraultais. La chose n’est pas anodine en temps de pénuries. Une garde des ouvrages d’art et des voies ferrées est imposée dans plusieurs villes, notamment sur la côte. Un couvre-feu est aussi mis en place à compter du début du mois de mai 1943 de 23 heures à 5 heures. Les horaires sont parfois modifiés en guise de sanction contre la population.
En 1944, les autorités allemandes durcissent le ton, notamment avec la publication d’ordonnances signées par le Commandant du territoire d’armée du sud de la France (Kommandant des Heeresgebiets Südfrankreich). La Wehrmacht « exerce les droits de l’autorité occupante dans les mêmes conditions que dans la zone nord ». Dans le même temps, à Montpellier, l’État-major supérieur de liaison 563 (Hauptverbindungsstab) devient un Poste de commandement (Feldkommandantur 563). Le nouveau chef de cet organe militaire est le colonel (oberst) Friedrich Wilhelm-Dernen. Une fortification des villes et du littoral est entreprise par les forces allemandes pour parer un éventuel débarquement allié : construction de bunkers et autres ouvrages de défense, création de zones interdites, pose de mines, de chevaux de frise et de barbelés... Des ouvriers français sont réquisitionnés pour participer à certains travaux. L’ensemble de ces fortifications constitue le Front côtier de la Méditerranée (Mittelmeerküstenfront), également (mais improprement) appelé le Mur de la Méditerranée ou le Mur du Sud (Südwall), pour faire écho à l’Atlantikwall, son pendant de la côte atlantique.

     Avec la mise en place de ces défenses, les populations du littoral sont dans un premier temps, encouragées à évacuer les villes. Démunies, trop peu de familles ont la possibilité de quitter leur zone de vie pour aller s’installer loin de la côte. Malgré tout, pour accélérer les déplacements de population dans les secteurs à risques, les autorités allemandes rendent l’évacuation obligatoire à partir de février 1944. Après avoir accueilli les réfugiés de l’exode en 1940, certains Héraultais deviennent à leur tour des réfugiés. En quelques semaines, des communes sont presque vidées de la totalité de leurs habitants comme Agde ou Sète. Les récriminations de la population sont multiples. Les mairies tentent d’organiser les déménagements des moins fortunés, des garde-meubles municipaux sont créés.

Plan des zones à évacuer à Béziers (mars 1944)
AD Hérault 12 W764


Les Héraultais entre Résistance et Collaboration

L’essentiel de la population demeure dans l’attentisme. Les Résistants ne sont que quelques centaines en 1942 et 1943 ; entre 1 500 et 2 000 à la veille du débarquement de Provence (après le passage des gendarmes au maquis). La Résistance est principalement née à l’Université, sous l’action de professeurs repliés. Les résistants de l’Hérault effectuent de nombreuses opérations tout au long de la période de l’occupation allemande, notamment des distributions de tracts, des attaques contre des permanences politiques, des voies ferrées ou des lignes téléphoniques. Ils menacent aussi les collaborateurs ou des collaborationnistes, via des appels ou des courriers, et exécutent les plus zélés. Le 16 décembre 1943, Léon Mazaury est assassiné à Sète. Ce chef collaborationniste en étroite relation avec le chef de la Sipo-SD Josef Roleff, perd la vie quelques heures après avoir été attaqué dans les locaux de son entreprise. Sa mort provoque une violente riposte de la part de la Sipo-SD et de l’Intendance régionale de Police de Pierre Marty dans l’Hérault et sa région. Un « trimestre noir » (janvier-mars 1944) débute au cours duquel de nombreux groupes de résistants sont démantelés grâce à l’action de plusieurs agents doubles : Louis Robert, Paul Berger, Henry Mouchet... De nombreux résistants arrêtés sont torturés, exécutés ou déportés.

Comme les résistants, les collaborationnistes sont peu nombreux dans le département de l’Hérault. Le Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot, le Francisme de Marcel Bucard et le Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat ne comptent qu’une poignée d’adhérents souvent inactifs et divisés, comme en témoigne l’échec de leur fusion au sein d’un bref Comité unifié d’action révolutionnaire (CUAR). Seule la Milice, organisation gouvernementale instaurée par la loi du 30 janvier 1943, rassemble plusieurs centaines de partisans (encasernés au printemps 1944 à Montpellier).

Les Héraultais à l’heure de la Libération

Dès le début de 1944, les Alliés accentuent la pression par le biais d’opérations aériennes (bombardements, mitraillages, largages de tracts). L’Hérault est bombardé à huit reprises de janvier à août : 27 janvier 1944 (Fréjorgues), 27 mai 1944 (Fréjorgues), 25 juin 1944 (gares et installations pétrochimiques de Sète, Frontignan, Balaruc-les-Bains), 5 juillet 1944 (gares de triage de Montpellier et Béziers), 12 août 1944 (Sète, Agde, Vias, Villeneuve-les-Béziers), 13 août 1944 (Sète), 17 août 1944 (Montpellier), Pont ferré de Pavie (manqué), Pont route de Castelnau, 24 août 1944 (Montpellier) Pont de Pavie (détruit). Au total, les huit bombardements du département de l’Hérault ont provoqué la mort de 205 civils et fait près de 350 blessés. L’armée allemande compte environ 200 tués pour quelque 430 blessés. Le nombre de morts civils et militaires atteint environ 405 et celui des blessés se porte à 780. Comparativement à d’autres départements, l’Hérault a été relativement épargné par les attaques alliées.

Le chemin de Maurin à Montpellier
après le bombardement du 5 juillet 1944.
(AM de Montpellier)

         Les troupes allemandes évacuent l’Hérault à compter du 18 août 1944. Consécutivement au débarquement de Normandie (opération Overlord, 6 juin 1944), et au débarquement de Provence (opération Anvil-Dragoon, 15 août 1944), elles risquent l’encerclement si une jonction se produit. En quelques heures, les villes occupées sont libérées. Dans le sillage des unités de la Wehrmacht se trouvent souvent les collaborationnistes les plus zélés, notamment les miliciens. Plusieurs colonnes venant du sud-ouest de la France traversent la plaine héraultaise jusqu’au 26 août, en direction de la vallée du Rhône :

La « colonne de Saint-Pons-de-Thomières »
La « colonne de Cahors »
La « colonne de Toulouse »
La « colonne de « Rodez »

          Elles sont régulièrement attaquées par des groupes de résistants mal armés, sauf de courage. Le combat le plus notable éclate au nord de Montpellier, à Montferrier-sur-Lez, le 25 août 1944. Malgré tout, il n’y a pas d’insurrection dans le département de l’Hérault, la population ne se soulève pas et la plupart des Héraultais sont spectateurs de l’évacuation allemande. Quelques civils perdent la vie au cours de fusillades qui éclatent à Mèze et Montpellier et qui témoignent que les préoccupations essentielles des habitants du départements au cœur de ce mois d’août 1944 sont le ravitaillement et les règlements de comptes entre Français. 

          L’Hérault est officiellement libéré le 26 août au soir. Les maquis entrent rapidement dans les villes évacuées. L’installation des nouveaux pouvoirs se fait aussitôt. Un Comité départemental de Libération (CDL) est instauré. Le résistant Jean Bène le préside. Le nouveau préfet de l’Hérault est André Weiss. Un Commissaire de la République (équivalent du préfet régional de Vichy) s’installe à Montpellier. Il s’agit de Jacques Bounin. Dans toutes les communes, les municipalités de Vichy sont remplacées par des Comités locaux de Libération (CLL). L’épuration débute rapidement avec l’instauration de cours martiales. Quatre-vingt-huit personnes sont condamnées à mort entre le 30 août et le 14 septembre 1944. Au début du mois de septembre 1944, le général de Lattre de Tassigny, ancien chef de la XVIe région militaire, alors commandant de l’Armée B française qui a débarqué en Provence, vient défiler à Montpellier devant une foule en liesse.

Défilé de l'Armée B, place de la Comédie
( 2 septembre 1944)
ECPAD

Conclusion

       Le département de l’Hérault sort exsangue de la guerre. Les habitants sont épuisés par des années de privations et d’angoisse. L’occupant a fait pourtant preuve d’une relative mansuétude devant une population obsédée par son ravitaillement qui ne lui opposait pas une résistance farouche. Il n’a pas écrasé de sa botte des Héraultais centrés sur leurs droits qui cherchaient sans cesse à négocier pour atténuer les contraintes qui pesaient sur leurs épaules, déniant une guerre qui se déroulait loin de chez eux. Les actes de répression sont peu nombreux tout au long de ces quelques vingt-deux mois d’occupation, excepté vis-à-vis de la Résistance et des minorités honnies par le nazisme, notamment les Juifs. Le commandement allemand a toujours sanctionné les débordements provoqués par les soldats dans les communes occupées. 
Entre 1942 et 1944, dans l’Hérault, un évident modus vivendi a existé entre les habitants et la troupe allemande afin de régir les relations quotidiennes et ne jamais envenimer les situations outre mesure. Malgré des intérêts divergents, malgré des mésententes, malgré des animosités, malgré des frictions, malgré une antipathie réciproque, les forces allemandes se sont évertuées à ne jamais écraser de leurs bottes des Héraultais résignés, mais tatillons. Sans s’aimer, soldats allemands et Héraultais ont surtout cherché à ne pas se rendre mutuellement la vie intolérable. Il découle de cette accommodation mutuelle une tranquille évacuation en août 1944, plutôt qu’une violente Libération.

S’il est possible d’expliquer l’attitude de la population par les souffrances imposées par la faiblesse du ravitaillement général découlant de la monoculture de la vigne, plusieurs raisons semblent motiver les soldats allemands. D’abord des questions raciales, les Héraultais font partie d’une Europe de l’Ouest dont les peuples sont mieux considérés dans l’idéologie nazie que ceux de l’Europe du Sud et de l’Est. On trouve aussi des motivations liées au régime de Vichy. Les Héraultais sont intégrés dans le territoire administré par cet État français qui collabore ouvertement avec l’Allemagne pour garantir sa place dans un futur Reich européen. 
Mais ces facteurs, très généraux, se retrouvent partout en France. Il convient donc d’envisager aussi des facteurs locaux. La Résistance héraultaise ne représente pas une menace de taille, ce qui incline au compromis plus qu’à la répression. Enfin, beaucoup de militaires savent que la rotation des troupes est permanente et ont une crainte aiguë de quitter trop précipitamment la région. Tous les soldats allemands qui arrivent dans le département ont le sentiment d’une demi-permission : l’absence totale de combats, la douceur du climat, la beauté des paysages et des sites, les bains de mer, l’absence de bombardements aériens jusqu’au début de l’année 1944, la grande faiblesse de la Résistance, le calme de la population, tout est réuni pour susciter ce sentiment. Heureux de se trouver sur la côte héraultaise plutôt que dans les steppes d’URSS, ils se relâchent, profitent de la puissance du Reichsmark et recherchent avant tout les plaisirs faciles. Excepté de nombreux vols, des agressions, des rixes, ainsi que quelques viols et homicides – peu de choses comparativement au déchaînement de violence sur le front de l’Est – les occupants donnent l’impression de s’être « tenus à carreau » pour ne pas être sanctionnés et rester le plus longtemps possible à l’abri dans cette région préservée des désastres.

L’Hérault est-il un cas singulier ou bien est-il représentatif de l’état d’esprit de la France de Vichy non occupée jusqu’en novembre 1942 ? Il est difficile de répondre à cette question d’autant que les monographies départementales survolent très souvent la question des rapports franco-allemands qui est pourtant cruciale. Pour tenter d’apporter une réponse, selon nos conclusions, il semble que l’Hérault soit représentatif d’une France méridionale à l’écart des violences de la guerre, excepté une arrivée massive de réfugiés lors de la débâcle de 1940. Cette hypothèse « méridionale » appelle toutefois nuances et limites. Ainsi, la Provence et la vallée du Rhône voisines souffrent durement des combats à l’été 1944, de même que certaines parties des Alpes ou les franges occidentales du Massif central.

[1] Docteur en Histoire contemporaine, auteur d’une thèse consacrée à l’occupation allemande dans le département de l’Hérault (1942-1944), et chargé d’enseignements à l’Université Paul-Valéry Montpellier III.



                                      « Le déporté ADELANTADO Andreu Juan »
                                                 (1912 à Barcelone - 1966 à Montagnac)

                                                                                                                      Par Alain Garcia

                                                                                                      
En 1940, la guerre est perdue qui amène de terribles conséquences ; L’occupation du pays, au début en partie, puis en totalité.  Le régime de Vichy qui se compromet volontairement avec le régime nazi ; des millions de prisonniers, de déportés et de morts, dans toute l'Europe.
Pendant l'Occupation, l'angoisse des familles concernées par l'absence d'un des leurs devait être difficile à supporter. Pour ceux qui étaient dans les Stalags (camps de prisonniers) 
« Peut-être un peu moins » car les courriers et les colis étaient autorisés, quoique souvent censurés. Quel aurait été le niveau de l'angoisse si les familles avaient su ce qui se passait dans les camps d'extermination et de concentration ? Sans nouvelles, les familles concernées devaient être dans une inquiétude totale. 

Alain Garcia conférencier
(coll. Nadine Deboos) 


A des centaines de kilomètres ou milliers, les déportés pensaient aussi à leur famille, mais leur préoccupation première, vraiment, était de survivre un jour, une nuit, puis deux....
Avec l'univers concentrationnaire, nous rentrons là dans un monde d'une autre dimension voulue, ordonnée par des lois et décrets depuis 1933, et exécutée par le régime nazi.
Tout cela a été une dure et tragique réalité.
Sans vengeance mais pour ne pas oublier, il faut en parler, même 80 ans après. Concernant la déportation, les témoins qui ont vécu ce drame, sont de moins en moins nombreux pour raconter. C'est aux familles de prendre le relais.

Nous avons eu l'opportunité d'étudier et de travailler sur un cas concret, celui du déporté ADELANTADO Juan. Raconter son histoire, c'est vous raconter celles des autres déportés qui ne sont pas revenus et de ceux qui ont survécu comme lui. En vous parlant d'ADELANTADO Juan, c'est d'eux et de toutes nationalités envers qui nous avons une pensée.
Les écrits de son carnet, à vrai dire, ne nous ont pas suffi, bien que nous le croyions. Il fallait trouver les preuves de ce qu'il écrivait.

Cet article, sur la déportation d'ADELANTADO Juan, est nécessaire pour plusieurs raisons :
- D'abord, vous faire connaître son parcours.
- La famille ne savait pas les derniers mois de sa vie de déporté. Il faut dire, à sa décharge, qu'il n'a pas noté le nom du dernier Kommando où il fut détenu.
- Ensuite, comme il a passé la majorité du temps de sa déportation à Mauthausen (camp central) et à Gusen (camp annexe), situé à quelques kilomètres ; beaucoup de personnes pensaient qu'il avait été libéré à Mauthausen le 08 Mai 1945, dernier camp de concentration à être libéré. Ce qui n'est pas le cas.

- Autre raison, les historiens, spécialistes du KZ de Mauthausen, notamment David Pike,    ont écrit et citent souvent son nom en indiquant que son évasion avait réussi et qu'il avait combattu avec les partisans yougoslaves, ceci à cause d'un document des S.S, qui avaient perdu sa trace en supposant cette hypothèse. Ce qui est faux.
- Enfin, le document se rapprochant de la vérité est le Livre Mémorial des Déportés (Chaque pays concerné a le sien) de France et d'Espagne indiquant qu'ADELANTADO Juan a été libéré le 11 avril 1945 à Buchenwald, citant le nom du Kommando, Langensalza, un camp annexe. Ceci est vrai sauf la date. Nous en reparlerons plus loin.

Pour toutes ces raisons, il était donc indispensable de rétablir la réalité de son parcours. Nous avons pu arriver à ce résultat en cherchant, écrivant à toutes les sources possibles, notamment les archives de France basées à Caen, celles d'Autriche et d'Allemagne aux services concernés, la Croix Rouge Internationale basée à Genève, et enfin à l’I.T. S, service international de recherches, basé à Bad Arolsen, en Allemagne, le seul autorisé par l'UNESCO, à rassembler les documents originaux concernant un déporté.


SON PARCOURS

ADELANTADO Juan passe la frontière en Février 1939. C'est ce qu'on appelle la Retirada. Avec d'autres militaires, il va rester quelques jours au fort de Bellegarde, au-dessus du Perthus ; c'est là qu'il rend les armes.
A ce moment précis, il ne sait pas quel destin l'attend. Il ne sait pas non plus qu'il ne reverra plus son pays, l'Espagne.

Puis, il se retrouve au camp d'Argelès, au milieu de militaires républicains et de civils, femmes, enfants, personnes âgées. Cet internement va durer jusqu'en Octobre 1939. 
La déclaration de guerre a été faite entre la France et l'Allemagne.
L'Etat Major français considère que, dans ces camps, il y a un réservoir d'hommes déjà aguerris par 3 ans de combats et qu'ils peuvent être utiles à la Nation.
Deux motivations agitent les pensées des républicains espagnols ; d'une part, ils ne veulent pas rester sur une défaite face aux fascistes allemands et italiens qui ont aidé Franco. 

D’autre part, bien qu'ils aient des rancœurs contre le gouvernement français, pensant qu'il ne les a pas beaucoup aidés, ils admirent la République Française pour sa devise et sa lutte pour les droits de l'homme.
Plusieurs choix se proposent à eux ; certains s'évanouissent dans la nature et entrent en résistance dans les différents maquis. D'autres s'engagent dans les Compagnies de Travail, nouvellement créées pour renforcer la ligne Maginot et les côtes. Enfin, l'Etat-Major installe à Argelès et au Barcarès, des bureaux de recrutement dans l'armée pour créer des régiments prêts à combattre, le moment venu. C'est cette voie que choisit ADELANTADO Juan et d'autres espagnols.

Il va être crée 3 régiments (21,22,23ème), appelés Régiments de Marche de Volontaires Etrangers (R.M.V.E), avec des soldats de nationalité différente. A ce niveau, une mise au point est nécessaire. 

A la fin de la guerre, les archives de ces 3 régiments furent confiées à la Légion Etrangère, celle-ci s'emparant de l'action de ces 3 régiments    comme faisant partie de leur histoire. Or, ceci est inexact. Tout d'abord, si cela avait été le cas, les républicains espagnols auraient refusé de s'engager sous cette bannière, leur rappelant le rôle terrible qu'a joué El Tercio (Légion Etrangère Espagnole) aux côtés de Franco durant la guerre civile. D'autre part, même les hauts gradés de la Légion ne voulaient pas les intégrer dans leurs unités, les jugeant trop politisés. Même dans les règlements prévus à la constitution de ces régiments, il ne fallait pas plus d'un quart du total qui soit d'origine espagnole.


C'est ainsi, que ces 3 régiments furent incorporés dans la 7ème Armée, 19ème Division d'infanterie, avec uniformes de l'Armée.
Pendant la drôle de guerre, ces régiments s'installent au camp de Rivesaltes et s'entraînent avec le peu de matériel donné. Radio Stuttgart les a appelés « les régiments ficelles » et ce surnom leur est resté. L'anecdote vient du fait que ce sont les commerçants de Perpignan qui leur ont fourni des ficelles pour en faire des bandoulières que les fusils n'avaient pas. ADELANTADO Juan appartient au 22ème R.M.V.E.et va faire des manœuvres au camp du Larzac en Avril 1940.
La guerre approche et son régiment est envoyé en Alsace sur la ligne Maginot. Il y reste très peu de temps car le front et les combats se situent en Picardie. Passant par Paris, le régiment se retrouve en Picardie, dans la Somme. ADELANTADO Juan et son régiment sont soumis à de violents combats au sud de Péronne où ils tiennent avec héroïsme plusieurs petits villages face à une armée bien plus puissante, notamment les chars blindés de Guderian. 
Début Juin 1940, autour du village de Marchélepot, et des fermes environnantes, c'est un combat au corps à corps qui s'engage dans les rues, les maisons. Le 06 Juin, le régiment, encerclé, va lâcher prise et se rendra, mais il aura retardé l'avance allemande de quelques jours.

Le régiment a subi de grosses pertes ; il ne reste que 800 hommes sur 2500. Parmi les morts, beaucoup d'espagnols. ADELANTADO Juan sera blessé au bras et à l'épaule.
Le régiment, pour sa bravoure, sera un des rares à recevoir la Croix de Guerre avec palme. Depuis 1945, les villages de cette zone rendent hommage à ces régiments tous les ans.
Les combattants, dont ADELANTADO Juan, auront le droit de porter la médaille du combattant, délivrée par l'Etat français.
Et à partir de cette défaite, les régiments sont dissous, bien sûr.
C'est la longue captivité qui commence. Traversant la Belgique, ADELANTADO Juan, avec des milliers de prisonniers, va être dirigé vers le Stalag VII A, à Moosburg, une ville au Nord de Munich. Dans ce camp, il va se remettre de ses blessures. Il va être employé dans une ferme puis dans un atelier de forge. ADELANTADO Juan va rester dans ce stalag jusqu'à fin Août 1941.

Ce qu'il faut noter, c'est les renseignements qu'il fournit sur sa fiche d'entrée dans le Stalag.
En effet, il se déclare né à Barcelone et indique que son domicile est à Pézenas, chez la famille Melchior, ce qui est en partie vrai puisque cette famille existe et que ce sont ses cousins. 
Il jette un doute sur son origine et son passé. Il a fait de même lorsqu'il s'est engagé dans le 22ème R.M.V.E. En se déclarant simple soldat alors qu'il est gradé. Il fera de même durant sa déportation. On comprend mieux cette attitude grâce à l'expérience acquise au sein du syndicat C.N.T. plus ou moins clandestin avant 1936, les 3 années de guerre civile et les deux dernières années passées en dehors de son pays. En dire le moins possible, mentir par omission, dire la vérité mais pas toute. C'est une position délicate mais qui permet de retarder des échéances qui pouvaient être terribles et définitives.

Cette attitude permet à ADELANTADO Juan de rester un an dans ce Stalag alors que déjà depuis plusieurs mois avant, des convois d'Espagnols sont partis vers Mauthausen.
Mais l'étau se resserre. Suite aux accords passés entre Hitler et Franco, la police allemande et la Gestapo possèdent les listings de tous les militaires républicains espagnols et tout leur pedigree, ayant combattu contre Franco.
Et ce jour-là, le 31 Août 1941, la Gestapo de Munich arrive dans le Stalag VII A, bien décidée à arrêter ces Rotspanier.
108 Espagnols, dont ADELANTADO Juan, sont ainsi découverts, arrêtés et immédiatement envoyés vers le camp de concentration de Mauthausen, situé en Autriche. Plus de 50% de ces 108 Espagnols ne survivront pas à l'enfer qu'ils allaient rencontrer.

DE LA DEPORTATION A LA LIBERATION

Comment décrire Mauthausen ? Beaucoup de livres ont été écrits sur ce camp, encore mal connu du citoyen lambda, situé en Autriche, pas loin de Linz.
Mauthausen, c'est d'abord le nom d'un petit village, longeant le Danube. Mais ce nom est surtout tristement célèbre pour son camp de concentration en haut d'une colline qui domine le village.
C'est une immense forteresse en granit, au milieu de laquelle se trouvent les baraques de déportés. Avec l'arrivée massive de prisonniers, des baraques seront construites en dehors de la forteresse. Celle-ci est bâtie au bord d'une carrière de granit qui appartenait à la ville de Vienne, rachetée par la D.E.S.T, organisme nazi. Le camp ouvre en 1938, sur l'ordre d'Himmler, les premiers déportés seront les opposants politiques et les droits communs, ces derniers devenant plus tard des Kapos.

Mauthausen est le camp qui a reçu le plus d'Espagnols, les premiers arrivant en 1940 et finissant de bâtir la forteresse et même les villas des haut gradés S.S, gardant le camp. Classé en catégorie III par les nazis (la plus haute), Mauthausen, c'est l'élimination et la mort par suite d'un travail de bagnards mal nourris et devenant squelettiques.
Tout l'attirail du système concentrationnaire nazi existe à Mauthausen ; châtiments, punitions, tortures souvent suivis de mort, pendaisons, salle de dissection, salle action K, salle de douches factices où les déportés mouraient par projection du gaz Zyklon B, fours crématoires, expériences médicales au château de Hartheim, et même les assassinats par plaisir ou sadisme comme les pousser d'en haut de la carrière (ils appelaient cet endroit le mur des parachutistes), ou comme le fils du commandant, qui, pour son anniversaire, avec une mitrailleuse, tua plusieurs déportés.

Le travail principal, pour les déportés, était de casser le granit en bas de la carrière puis de remonter les blocs, parfois de 40 kg, par les 186 marches inégales jusqu'à la forteresse.

Tout le long de la montée, ils étaient encadrés par les S.S et leurs chiens. Gare à celui qui trébuchait ou montait trop doucement. Ils étaient souvent frappés et mordus.
On n'a jamais su le nombre exact de morts à Mauthausen. En Mai 1945, les nazis ont brûlé     la plupart des archives, avant que les Américains arrivent ; il arrivait aussi qu'ils attribuaient le même numéro, plusieurs fois, à différents déportés. Les plus sérieux historiens estiment les morts dans ce camp entre 250000 et 300000. Dans le langage des déportés, Mauthausen avait reçu le surnom de « broyeur d’os ».

Revenons à ADELANTADO Juan ; comme tous les déportés, après les fiches administratives, c'est la douche, le rasage intégral, même dans les parties intimes, l'attribution de son numéro 3195, porté sur la tenue rayée et sur un bracelet. Sur la chemise, le triangle bleu pour les Espagnols (apatrides) avec le S à l'intérieur.
Puis, c'est directement la carrière, les marches, 6 jours sur 7, les appels sur la place, parfois tout nus, les brimades et plus. Tous les jours, la mort était présente.
Au début de l'hiver 1941, les S.S décident d'envoyer un kommando à Vöcklabruck, à 60km au nord-ouest de Mauthausen. Le convoi est uniquement composé d'Espagnols, environ 400.  ADELANTADO Juan en fait partie. Ils sont envoyés pour construire une route et réparer un pont.


Ce camp annexe est construit en bois avec barrières et barbelés et des miradors tout le tour, gardé par les S.S et leurs chiens, bien sûr. Mais ce n'est pas l'enfer de Mauthausen. La volonté de vouloir être libre va grandir dans l'esprit d'ADELANTADO Juan et, avec deux autres compagnons, ils vont mûrir un plan d'évasion. Après un premier échec en Décembre 1941, ils attendent le printemps. Le 05 Avril 1942, les trois Espagnols réussissent ce qui paraissait impossible. Bien que réussie, l'évasion va durer une vingtaine de jours parmi les montagnes du Tyrol.
Un des 3, Santos Fernandez Agustín, survivant, racontera plus tard cet épisode dans un livre de souvenirs. 

En 2017, sa région d'origine, l'Extrémadure, par l'intermédiaire de ses services culturels, en fera un film documentaire.

En voici un extrait : « Le printemps arriva et les neiges commencèrent à fondre. Le moment de préparer l'évasion était arrivé. Le camp était dominé par quatre tours miradors. Seul, un espace d'un mètre, dessous l'un des miradors, n'était pas visible depuis les trois autres, dû à la proximité de la baraque des toilettes. Il fallait ouvrir ce petit passage dessous même le mirador et espérer que la sentinelle n'ait l'idée, à ce moment-là, de jeter un regard sur les barbelés. Tout était prêt pour le 05 Avril 1942.

Ce jour-là, quand sonna le premier coup de sifflet pour que chacun se mette dans sa baraque, ADELANTADO Juan, le vieux et moi, nous nous sommes cachés dans la baraque des toilettes.  Il nous restait dix minutes de marge avant que le chef du Kommando passe sa revue quotidienne. Nous avons attendu jusqu'à ce que les portes et les fenêtres de toutes les baraques se ferment. Alors je me faufilai en rampant sur le sol, jusqu'aux barbelés. Je coupai les trois premiers fils, à partir d'en bas, de telle façon qu'un corps humain pouvait s'y glisser dessous.
Je fis un signe à mes deux compagnons. Et, un derrière l'autre, entre les touffes d'herbe, nous sommes parvenus à l’extérieur. Quand nous avons parcouru environ 500 mètres, on commença à entendre les coups de sifflet et des cris en allemand. Notre évasion avait été découverte et commença, pour nous, la partie la plus dure et la plus dangereuse de notre entreprise.

Tout de suite, les projecteurs se mirent en marche et à balayer le terrain qui entourait le camp.  Alors que les coups de sifflet, les cris et les ordres se faisaient de plus en plus intenses, calculant que nous nous étions assez éloignés, nous nous levâmes enfin. Nous nous mîmes à courir jusqu'au bois. Notre uniforme rayé nous empêchait d'établir des contacts avec quiconque, sous peine d'être dénoncés. Il nous fallait attendre la première nuit pour espérer arriver jusqu'aux montagnes du Tyrol. Dans les jours qui suivirent, nous mangions ce que l'on trouvait dans les granges et, de la même façon, nous nous sommes débrouillés de trouver de vieux habits pour abandonner nos costumes de condamnés. Et, ainsi, nous pûmes marcher un peu plus, même au début de l'aube. Une nuit, aux alentours de 9h du soir, nous arrivons à proximité d'une grange où nous espérions trouver quelque chose à manger. Nous nous sommes approchés de la partie arrière de la bâtisse et quelle fut notre surprise de trouver devant la porte un grand plat de patates frites et quelques morceaux de lard. Ceci, avons-nous pensé, a été placé là pour nous empoisonner. Mais, peut-être aussi, cela a pu être déposé ici par une main charitable.

Malgré la faim qui nous tenaillait, ni ADELANTADO Juan, ni moi, ne voulurent goûter cette nourriture qui paraissait excellente. Le vieux, notre compagnon, Lopez Bermudez, ne put résister à la tentation et mangea tout le plat. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, le vieux laissa le plat plus propre qu'un sou. Il eut bon nez, notre ami, c'est vrai. Et nous autres, nous nous sommes réjouis de voir le vieux récupérer sa forme physique.
Le 25 Avril, c'est à dire 20 jours après notre évasion, nous nous rencontrons face à face avec un homme vêtu en uniforme, avec la croix gammée sur le bras. Il questionna qui nous étions et nous demanda de le suivre. Nous essayons de lui expliquer que nous allions par ce chemin à un lieu bien déterminé, mais l'homme ne nous crût pas et je me vis obligé de lui asséner un coup de poing en pleine mâchoire, tellement fort qu'il resta un moment sans connaissance.
Si nous avions eu l'esprit criminel, nous l'aurions achevé sur place. Mais nous nous mîmes à courir et, presque de suite, l'homme recouvra ses esprits et se mit à crier en partant en direction du village qu'on ne devinait pas très loin de notre rencontre au pied d'une montagne.
Notre fuite, comme la nuit tombait, fut une authentique débandade et nous perdîmes de vue ADELANTADO       Juan qui aurait été détenu en un petit village de cette région. »

Santos Fernandez Agustín raconte ensuite son propre parcours et il termine en disant :
« C’est ce qui arriva aux 3 évadés du kommando de Vöcklabruck, le 05 Avril1942. Si l'histoire n'a pas été racontée avec art comme l'aurait écrit une main adroite, elle a la vertu d'être l'exacte vérité, sans ajouter ou enlever une virgule. »
Un deuxième témoignage de cette évasion, vécu de l'intérieur du camp, a été écrit par un autre compagnon, Ramon Martret, que vous lirez à la fin de cet article. Des 3 compagnons, seul Lopez Bermudez Francisco, le plus âgé, finira sa vie gazé et brûlé dans le four crématoire de Gusen, comme l'a été Blas Sarroca.
ADELANTADO Juan est capturé après le 20 Avril 1942, près du village d'Oberau, pas loin de la Suisse. Voulant retarder les recherches sur son lieu de détention, il dit qu'il s'est évadé du              Stalag VII A de Moosburg. S'en suit une enquête de la Gestapo et des courriers avec le Stalag. La réponse est sans surprise, ADELANTADO Juan a été transféré à Mauthausen depuis le 31 Août 1941.
De retour dans l'enfer, sa situation personnelle va empirer.
D'abord, ADELANTADO Juan va subir le châtiment de la schlague ; accroupi sur un tabouret, on lui inflige 75 coups sur le cul et les fesses qu'il doit compter en allemand sans se tromper, sinon la punition recommence. Ensuite, c'est l'isolement dans une cellule de la prison du camp où les uniques positions étaient debout ou accroupies, ceci pendant 13 jours.

A sa sortie, le calvaire va continuer. Dans l'organisation nazie des camps, il existait, entre autres, une section politique et une section de sécurité (la Schutzhaft). Ces deux sections avaient une importance prédominante ; elles considèrent ADELANTADO Juan comme un ennemi irréductible du Reich et vont le prendre sous leur surveillance. Même le chef du camp n'a plus son mot à dire sur ce genre de prisonnier.
Et son statut de déporté va changer. ADELANTADO Juan est placé dans la compagnie disciplinaire. La majorité de ces punis y restent 1,2,3 semaines, quelques mois. Lui y est placé de façon définitive. Cette compagnie travaille à la carrière 7 jours sur 7, sans arrêt sous les brimades et les châtiments, avec la montée des 186 marches.

ADELANTADO Juan est placé sous ce fameux régime de la Schutzhaft (détention pour raison de sécurité). Enfin, considéré comme dangereux en tant qu'évadé, il portera sur sa tenue un cercle rouge avec au centre un point rouge aussi, sur le devant et le derrière. Ainsi facilement repérable au moindre geste suspect. Il va porter aussi le triangle rouge, celui affecté         aux politiques.
Le 21 Octobre 1942, toujours puni, ADELANTADO Juan est transféré dans le camp annexe de Gusen, encore plus mortifère que le camp central. La vocation de ce camp était de fournir de la main d'œuvre nécessaire à la construction d'une usine souterraine pour la production d'avions par la société Messerschmitt, notamment le M 262         premier avion à réaction.
Des milliers de déportés sont morts en creusant des galeries immenses, mais aussi par un grand nombre d'assassinats. Il y eut beaucoup de témoignages mais un seul suffira à faire comprendre l'horreur de ce camp. 

Le déporté français, Georges Parouty a écrit : « Parfois les arrivages étaient si importants, que, devant l'impossibilité de loger tout le monde, les chefs de blocks, les kapos, tout l'appareil répressif du camp recevait l'ordre de supprimer un certain nombre de détenus. Les exterminations avaient lieu la nuit quand tout le monde était couché. Les allées et venues des responsables du camp, les conciliabules entre les chefs de blocks, les kapos, leur nervosité et puis, soudain, ce calme inhabituel, l'atmosphère plus lourde, enfin un je ne sais quoi, qui nous tenait la plupart éveillés, n'osant plus bouger, retenant notre respiration. 
Et puis, coups de tonnerre, tous les tueurs, armés de barres de fer, envahissaient les baraques et le carnage commençait. »
ADELANTADO Juan passera presque deux ans dans cet enfer.

Nous sommes fin 1944. Et puisqu'il est toujours vivant, ADELANTADO Juan se dit qu'il faut tenir, physiquement et moralement, pensant comme tous les déportés, que la fin de la guerre est proche, et que Mauthausen serait son dernier camp. Il se trompait.
Il ne sait pas encore pourquoi, mais en cette fin du mois de Novembre 1944, de Gusen, il est renvoyé au camp central de Mauthausen.
Quelques jours d'attente, puis avec une centaine d'autres déportés, ADELANTADO Juan descend vers la gare de Mauthausen où les attend un convoi. En montant dans ce train, il remarque que tous portent le triangle rouge, et surtout ce point rouge sur la poitrine et dans le dos. Ce sont tous des détenus punis. ADELANTADO Juan a certainement peur, pensant qu'il est en train de vivre peut-être ses derniers jours. Surtout qu'il ne connaît pas la destination.

Le voyage va durer quelques jours pour arriver au camp de concentration de Buchenwald. Là, même procédure qu'à l'entrée de Mauthausen. Les fiches administratives sont remplies avec les dossiers des S.S de Mauthausen que ceux-ci ont transmis. La liste de ces nouveaux entrants est effectuée par nationalité. Sur les 100 déportés, il n'y a que deux Espagnols.
ADELANTADO Juan reçoit le N° 96635 et le suivant est un nommé Arnaud Vima Luis catalan lui aussi qui vivait à Barcelone. ADELANTADO Juan a noté sur son carnet son adresse d'avant la guerre, s'ils avaient la chance de se revoir.

Le 02 Décembre 1944, ils sont envoyés à un camp annexe de Buchenwald, Langensalza


LE DERNIER KOMMANDO

Langensalza est une ville moyenne de la province de Thuringe, dans le centre Nord de l'Allemagne. La ville, très ancienne, tirait sa richesse du trafic et commerce de la guède (plante pour le pastel). Il y avait beaucoup de filatures jusqu'à la moitié du XXème siècle. Il faut retenir que Langensalza fut un important camp de prisonniers pendant la guerre de 1914-1918. Prisonniers de toutes nationalités, mais surtout des Français et des Russes.
L'histoire de ce camp est connue par une épidémie de typhus en 1915 qui fit des milliers de morts mais surtout par une fusillade sanglante des prisonniers par les gardes allemands du camp le 27 Novembre 1918, 16 jours après l'armistice. Il y eut 16 morts dont 10 Français et une trentaine de blessés. L'incident provoqua un scandale d'indignation dans toute l'Europe. Pendant la deuxième guerre mondiale, le 20 Décembre 1943, le Reich approuve une relocalisation partielle des usines des avions Junkers. Plusieurs sites sont choisis dont Langensalza. Il fallait assembler l'avion JU88 chasseur de nuit et le FW 190, chasseur bombardier. Ces deux avions étaient plus rapides que les fameux Stuka.
L'endroit choisi pour cette opération était une ancienne filature appartenant à une société belge AG Eupen qui fournissait des habits de laine à la Wehrmacht depuis 1936. Le parc est démantelé et les machines stockées dans une briqueterie proche. Les hangars sont immenses et la société Junkers peut s'installer.

La production débute au printemps 1944 ; le Reich enverra d'abord des travailleurs forcés jusqu’en Octobre 1944. Mais le besoin d'un plus grand nombre d'ouvriers devient nécessaire.
C'est à ce moment-là que Langensalza, devenue une annexe de Buchenwald, va recevoir des déportés et se transformera en un petit camp de concentration car le nombre ne dépassera jamais les 1500 détenus.
Ce camp de Langensalza, par l'ordre d'Himmler, va recevoir un statut spécial en tant que camp punitif central pour les déportés qui s'étaient évadés puis repris. Ces derniers, considérés comme des ennemis irréductibles du régime, portaient tous le triangle rouge des politiques. En tant qu'anciens évadés, ils avaient sur leur tenue, sur la poitrine et dans le dos, un point rouge entouré d'un cercle, appelé « fluchtpunkt », traduit par point de fuite.        Les premiers déportés punis arrivent du camp central de Buchenwald, le 21 Octobre 1944.            Certains sont renvoyés par manque de capacités physiques, trop faibles.

Les convois vont arriver de pratiquement tous les camps de concentration, le dernier étant celui de Mauthausen, début Décembre 1944, avec ADELANTADO Juan dedans.
La majorité de ces déportés était des Russes ayant appartenu à l'Armée Rouge, et des Polonais ayant combattu dans le ghetto de Varsovie. Les Français étaient, à peu près une cinquantaine. Puis, en moins grand nombre, des Belges, des Yougoslaves, des Allemands, quelques Juifs venant d'Auschwitz et quelques Gitans, considérés comme des races inférieures.
Enfin, de tous les convois arrivés à Langensalza, il n'y eut que 3 Espagnols :  
    -  ADELANTADO Juan, de Barcelone.
    -  Arnaud-Vilma Luis, aussi de Barcelone. Il mourra à Dachau, quelques jours avant la libération
     -  Parras Raphael de Hellin. Il sera libéré à Dachau. Il passera en Suisse avec un convoi de la Croix Rouge pour y travailler quelques années puis demandera un passeport pour le Mexique.

La société Junkers avait logé les déportés et les travailleurs forcés dans un bâtiment de 2 étages, situé juste à côté des halls d'usine d 'avions. Les quartiers des déportés étaient protégés contre toute évasion par une clôture haute en fils de fer barbelés. Les gardes S.S avec les chiens surveillaient la zone. Dans les couloirs, il y avait des cadres de lit à 2 niveaux avec des matelas en paille et des couvertures grises.
Les déportés étaient principalement utilisés pour construire les fuselages et les ailes pour les assembler.
Bien qu'il s’agisse d'un kommando punitif, le taux de mortalité était inférieur à celui des autres camps annexes de Buchenwald. A cela, plusieurs raisons.
D'abord, l'entreprise était dépendante de ces détenus formés et spécialisés dans le travail qu'on leur demandait. Ensuite, malgré la brutalité des S.S ces déportés, ayant vécu déjà 4 ans de déportation, se tenaient tranquilles. Déjà punis sévèrement, ils ne voulaient plus risquer leur vie par des gestes inconsidérés. D'autant plus, que nous sommes fin 1944, et les nouvelles circulent de l'avancée des troupes alliées.
Malgré ce, il y eut des incidents et un certain nombre de morts, parmi lesquels deux Français. La liste administrative des S.S, au sujet de ces morts, invoque différentes maladies, n'ayant aucun rapport avec les conditions inhumaines des déportés. Ces morts étaient ensuite brûlés dans le four crématoire du camp, et, normalement, les urnes envoyées à Buchenwald. Ces urnes n’ont jamais été retrouvées.
Fin Mars 1945 ; les travaux dans l'usine furent arrêtés, devant l'approche des armées alliées et le commandant du camp ordonna le transfert des détenus vers Buchenwald.

C'est ainsi que le kommando de Langensalza fut supprimé. Les Américains entreront dans ce camp, le 05 Avril 1945.
20 ans après la guerre, en Avril 1965, des employés de la filature ont érigé une stèle commémorative, à la mémoire des déportés morts dans ces lieux, à l'entrée du camp. L'inscription comporte une faute regrettable, car, au lieu d'écrire « assassinés par les fascistes », on peut lire « des fascistes assassinés ». La stèle, avec cette erreur, existe encore aujourd’hui.
Bien plus tard, en 1966, l'Etat allemand a ouvert une enquête criminelle contre le chef du camp et les gardiens S.S.
L'enquête dura des années et s'arrêta en 1975 car les auteurs des meurtres décrits par les témoins, n'ont pu être identifiés. Le commandant du camp, qui s'appelait Josef Ebenhoh, était décédé depuis des années. Selon le dossier d'enquête, il est mort le 22 Mars 1951 dans un camp d'internement dans le district de Meiningen.

LES MARCHES DE LA MORT

ADELANTADO Juan est toujours vivant, en cette fin de mois de Mars 1945.
Dans son carnet, il écrit : « Dans ce dernier kommando, et à cause de la pression américaine, nous fûmes évacués au camp de concentration de Buchenwald. »
La phrase est brève.
Grâce aux documents de l’I.T. S, et de quelques témoignages rares, nous pouvons reconstituer cette première marche.
Le 01 Avril 1945, tout est prêt. La longue file de prisonniers s'ébranle, à pied, entourée par les S.S et leurs chiens.

Il existe plusieurs routes pour rejoindre le camp de Buchenwald, qui est à côté de Weimar. La route principale qui rejoint les deux camps, est la plus courte, représentant tout de même presque 70 km. Mais le commandant S.S l’estime trop dangereuse ; il veut éviter les bombardements sur des cibles trop voyantes. La colonne passera donc par des routes de campagne, plus sûres. De ce fait, la marche va dépasser les 100 km. Le convoi passe par de petits villages. Au moins 6 déportés dont 4 Russes vont être abattus en chemin pour avoir tenté de s'échapper ou de ne pouvoir marcher. Gleb Rahr, déporté russe qui a survécu, devenant journaliste après la guerre, raconte : « Les prisonniers ont été évacués du 01 Avril au 03 Avril au soir, avec deux interruptions pour les deux nuits. La première nuit, nous l'avons passée en plein champ, sous la pluie, entourés des gardes S.S avec leurs chiens. La deuxième nuit, nous avons été entassés dans une église du village. »
Un autre prisonnier témoin, participant à la marche, raconta « la première nuit a été terrible, mon groupe a dû rester dans une grange de campagne. L'eau atteignait les chevilles. Vous ne pouviez pas vous asseoir et, bien sûr, encore moins dormir. Nous avons passé la nuit dos à dos, très courbés. A la fin du deuxième jour, nous avons passé la nuit assez confortablement dans une église, au chaud et au sec. 
Quelques détenus ont fui pendant la nuit. Le matin, les gardes S.S étaient en colère et ont précipité leurs chiens contre nous. »
Au total, 17 déportés du convoi ont profité de l'occasion pour fuir de cette église. Deux autres avaient essayé de se cacher dans le clocher. Ayant été découverts, les gardes les ont repris, puis abattus sur place. Ensuite, ils les ont enterrés dans un champ derrière le village.

Le 03 Avril 1945, le kommando de Langensalza avec ses détenus, dont ADELANTADO Juan, arrive sur le soir au camp central de Buchenwald. Ce dernier commençait à être démantelé et tous les déportés se préparaient à d'autres marches forcées.
Au total, sur les 1240 déportés du kommando, selon les documents de l'administration nazie, 1135 sont arrivés à Buchenwald. Si l'on tient compte des 17 évasions, c'est 88 déportés qui ne sont plus, soit assassinés, soit morts d'épuisement.
ADELANTADO Juan est toujours parmi les survivants.

LA MARCHE DE BUCHENWALD A FLOSSENBURG

Les détenus déportés de Langensalza vont rester 4 jours à Buchenwald. Ils vont être mêlés aux autres déportés qui venaient de tous les kommandos annexes et même d'autres camps de concentration.
Buchenwald était en ébullition. Des milliers de déportés étaient entassés. Beaucoup mouraient d'épuisement, de maladie ou assassinés, car les nazis étaient aux abois, face à l'avancée des troupes russes d'un côté, et américaines et alliées de l'autre côté.
Durant la première quinzaine d'Avril, tous les jours, des convois de trains remplis de déportés partaient par des voies différentes vers Dachau, principalement. Certains n'y arriveront pas.
Le 07 Avril 1945, ADELANTADO Juan part dans un convoi qui comprend 2400 prisonniers. L’I.T. S a rassemblé tous les documents concernant les marches de la mort, notamment celle qu'a subi ADELANTADO Juan. Quelques témoignages de déportés survivants ont été rapportés.

Un déporté français écrit ;
« Nous partîmes le 07 Avril en direction de l'Est, fuyant devant l'avance américaine. Nous étions entassés dans des wagons de marchandises découverts, de type minéralier. Sans manger   et sans boire, serrés les uns contre les autres, sans pouvoir nous asseoir, et encore moins nous coucher. Nous roulions jour et nuit. Je me souviens de la joie vengeresse qui nous étreignit en traversant Chemnitz, complètement détruite par les bombardements. De temps à autre, le convoi s'arrêtait en raison des bombes et les S.S s'abritaient sous les wagons.
Puis nous repartions ; un jour, le convoi bifurqua pour prendre la direction du Sud afin de ne pas se retrouver face à l'Armée Rouge. Puis, dans la petite gare de Tachau, le train s'arrêta. Les S.S       nous dirent que nous allions continuer à pied. Ils demandèrent que ceux qui se sentaient incapables de marcher, sortent des rangs. Nous ne devions plus jamais revoir nos camarades qui avaient déclaré ne pouvoir marcher. Ils furent abattus et leurs restes enterrés avec d'autres victimes de la marche de la mort. Leur fosse commune fut surmontée d'un tertre et d'un modeste monument.
Il fallait marcher et franchir la montagne, culminant environ à 1000 mètres. Une trentaine de kilomètres fut parcourue. Des milliers d'hommes, de tous âges, de toutes nationalités, affaiblis par des mois et des années de mauvais traitements, de sous-alimentation, de coups, d'humiliations, ne purent supporter ces nouvelles épreuves. Ils s'arrêtaient ou tombaient sur la route et étaient immédiatement achevés d'une balle dans la tête.
Cela dura plusieurs jours, sans nourriture et sans boisson. Nous couchions la nuit, au bord du chemin, après avoir bu l'eau des fossés et mangé quelques herbes ou pissenlits. Beaucoup d'entre nous, étaient malades ; dysenterie, érysipèle, diarrhées...
Le jour, nous traversions quelques villages. Un jour, un couple avec un bébé, nous a regardé, apitoyés. Le jour suivant, des enfants nous ont jeté des cailloux, nous traitant de criminels.

« La nuit était tombée lorsque nous sommes parvenus à Flossenburg. Arrivée lugubre et sinistre. Les S.S criaient et frappaient, les chiens aboyaient. On nous parqua dans un grand hall pour avions. Il y avait des flaques de sang partout, une sorte d'abattoir infernal. Epuisés, nous avons sombré dans le sommeil, écroulés sur le ciment.
Nous sommes restés quelques jours à Flossenburg et on nous a remis au travail forcé. Tous les matins, nous trouvions dans les latrines les morts de la nuit qui nous regardaient fixement, les yeux grands ouverts.
Au bout de quelques jours, une canonnade fut entendue au loin. Le bruit courut que le camp allait se rendre mais les S.S reprirent en main tout le monde, et, dans un affolement organisé, ils décidèrent à nouveau, l'évacuation de Flossenburg. »

ADELANTADO Juan est là, parmi ces milliers de déportés. Sur son carnet, il a noté cette marche, plus brièvement que ce que nous venons de lire.
Il écrit : « A cause de la pression américaine, nous fûmes évacués au camp de Buchenwald. J’y suis resté quelques jours pour nous évacuer à nouveau vers Flossenburg. Arrivant à ce camp après 5 jours de voyage, sans n’avoir mangé ni dormi, absolument rien. »
Il continue, en donnant un peu plus de détails : « Wagons, wagons découverts… Au second jour de voyage, le convoi est arrêté dans une gare assez importante. Dans cette gare, le convoi subit une attaque de la chasse américaine, occasionnant parmi les prisonniers, 128 morts. En dehors de ces derniers, il faut dire que les S.S tuèrent plus de 100 qui tentaient de s’échapper. Pour leur part, les S.S eurent 28 morts. Au matin suivant, le convoi reprit son voyage et continua un peu plus de 2 jours pour arriver dans un village qu’on appelle Iachau.
Ici, nous débarquons du train et avons continué la marche à pied. Nous fîmes halte pour la nuit, près d’une ferme ou enclos. Nous avons continué la marche le matin suivant jusqu’à Flossenburg arrivant dans ce camp après une marche de 40 km, à 9 heures du soir. » 

LA MARCHE DE FLOSSENBURG VERS CHAM

ADELANTADO Juan va rester quelques jours à Flossenburg. Puis, vers le 20 Avril 1945, tout recommence.
Plusieurs témoignages ont été écrits sur cette marche. Nous ne les citerons pas, se contentant de lire ADELANTADO Juan :
« Nous sommes restés dans le camp de Flossenburg 3 jours au bout desquels, nous fûmes évacués, une nouvelle fois à pied, d’un pas très rapide en direction de Munich ou plutôt du camp de Dachau.
Nous avons marché pendant quatre jours jusqu’à une nuit pour arriver à un village, appelé Penting. C’était le matin du 22 Avril. Aux alentours de ce village, nous fîmes une halte. Là ils nous donnèrent un morceau de pain et nous passâmes la nuit. Le matin suivant, vers les 10 heures, nous commençons à entendre les détonations des canons et des rafales de mitrailleuses. Immédiatement, les S.S firent reprendre la marche à pas forcés. Mais nous ne les avons pas écoutés. De sorte qu’au bout de quelques kilomètres, les Américains nous rattrapèrent. Les S.S se dispersèrent et fuient.
A cette date du 23 Avril 1945, à 11 heures plus ou moins du matin, nous sommes libérés des griffes du pouvoir national socialiste.


Les Américains nous donnent à manger et des petits cigares et tout ce qu’ils avaient dans leurs mains. Ils nous disent de rester dans les cases du camp et de manger tout ce dont nous avions besoin.

C’est ainsi, que nous nous retrouvons plus de 10 000 prisonniers à manger et dormir dans les baraques du camp allemand de ce secteur.
Il faut noter que, durant tous ces jours, qui vont du 5 Avril au 23 Avril, nous n’avons mangé que quelques morceaux.    

Voilà donc le 23 Avril 1945 ; ADELANTADO Juan vivant et libre, mais dans un état physique déplorable. Et pourtant, la situation va se compliquer.
Durant cette fin d'Avril 1945 et la fin du mois de Mai 1945, l'attente va être très longue. Il voit partir les prisonniers d'autres nationalités rentrer dans leur pays. Pour les Espagnols     comme lui, ce n'est pas le cas. Les pays occidentaux ont reconnu le régime de Franco comme légal. Les Américains veulent garder les Espagnols plus longtemps dans les camps en Allemagne. Ils sont considérés comme apatrides et personne n'en veut. A force de négociations avec les associations humanitaires et accord entre pays, la France acceptera de recevoir la majorité des Espagnols républicains. Durant cette attente, ADELANTADO Juan va écrire son carnet, son histoire. Et après le 23 Avril, il va noter chaque jour, ses impressions. En voici quelques extraits :

          Dimanche 29 Avril

Aujourd’hui, j’ai passé toute la journée au lit en raison d’un gros rhume qui m’indispose depuis quelques jours. Cet après-midi, je me trouve légèrement mieux. J’espère que cela n’aura pas de graves conséquences.  
Demain, si je me sens mieux, et s’il fait beau temps, j’ai l’intention d’aller au village voisin pour tâcher de m’informer sur la situation et s’il y a un moyen de partir vers la France.
Bien que tout semble pour le mieux, je ne suis pas tranquille … 

          Mercredi 02 Mai

Aujourd’hui, le jour s’est levé avec la neige qui tombe. Ma tête me fait terriblement mal. Le fort rhume est toujours là et en aucune manière, il ne veut guérir. Si encore, il faisait beau temps. Depuis que je suis sorti de Buchenwald, je me retrouve seul comme espagnol.
Cependant, j’ai, quand même, des bons camarades parmi les Polonais et les Russes. Bien sûr, j’aimerai mieux avoir quelques Espagnols avec moi ; les choses iraient beaucoup mieux. De toute manière, je suis relativement assez libre de mes mouvements et, depuis ces cinq dernières années, c’est le plus important.

          Jeudi 03 Mai

Rien à signaler d’important. Nous continuons à attendre pour voir ce qui se passe. Ce matin, il y eu un regroupement et un défilé de Polonais dans le village. Certainement que la semaine prochaine, commencera le rapatriement des prisonniers. En Allemagne, on s’attend à de grandes périodes de misère et de faim.

          Samedi 05 Mai

La situation n’a pas varié le moins du monde. La tête continue à me faire souffrir. Je ne suis pas bien du tout. Je suis malade. Peut-être, que commence à sortir le mal de tant d’années de souffrance. J’ai le pied gauche inutilisable des conséquences d’une entorse ; il est assez enflammé.
Une fois de plus, on parle d’un rapatriement possible pour la semaine prochaine. Nous espérons que cette fois, c’est la vérité car j’ai réellement envie de sortir et de quitter ce pays maudit. Le temps continue, toujours le même ; mauvais comme tout ce qui est dans ce pays maudit. En quinze jours, nous n’avons pas aperçu le soleil. C’est un mois de mai qui ressemble au mois de janvier à Barcelone.

          Mercredi 09 Mai

Aujourd’hui, mon ami Michel est parti. Capitulation de l’Armée Allemande.
Il paraît qu’hier, les Français sont partis vers Francfort. Moi aussi, je devrais partir mais je n’ose pas, de peur que l’on me remette à nouveau dans le camp de concentration en attendant que les commissions décident.

          Jeudi 10 Mai

Le temps a vraiment changé. Il fait un temps excellent. Hier, pour la première fois, depuis l’arrivée des Américains, dans ce secteur, je peux écouter la radio. Les informations sont bonnes. D’après ce qu’on dit, quelques groupes de SS résistent en Tchécoslovaquie. Mais ce n’est qu’une question de jours. Je crois pouvoir dire que tout est terminé et que la Paix est bienvenue en Europe.

          Vendredi 11 Mai

Je suis dans la même situation d’attente et disposé à me reposer tout ce que je peux. Le temps est admirable. Le fort rhume que j’avais, disparaît peu à peu. Je suis beaucoup mieux. Cependant, ces derniers jours, j’ai eu les jambes enflées. Je ne sais pas à quoi c’est dû mais j’espère que cela ne sera pas plus grave.
Presque tous les prisonniers sont partis et nous restons quelques-uns. Hier, j’ai écouté la radio qui annonçait que les persécutions persistent en Espagne.
Aussi, j’ai pris la résolution de ne pas partir d’ici, tant que la situation en Espagne ne reviendra pas à la normale. Je profiterai de ce temps pour me remettre car j’en ai besoin. Ainsi, il ne me reste plus qu’à calmer mes nerfs et suivre la consigne habituelle :
                               Résister, Résister, Résister.

Ce sont les derniers mots d’ADELANTADO Juan de son carnet. Ces trois derniers mots démontrent, après ce qu’il venait de subir, sa force morale restée intacte.


EPILOGUE                                                                                                                                                 

ADELANTADO Juan est enfin recensé et le rapatriement va commencer vers la fin du mois         de Mai 1945.
On lui donne une carte de rapatrié qui vaudra comme carte d'identité.
Après le départ du camp, à chaque arrêt, vers le retour en France, la Croix Rouge Anglaise ou Américaine lui donne quelques reichsmarks et quelques habits. Sur sa carte, sont écrits les seuls biens qu'il possédait : un pyjama (la tenue du déporté), une chemise, une paire de chaussettes, un chandail et son petit carnet.
Vers la mi-juin 1945, ADELANTADO Juan passe la frontière avec d'autres milliers de déportés.
Il est recensé au grand centre de rapatriement de Longuyon, en Moselle.
Il est dirigé sur Paris où il doit se recenser à nouveau à l'hôtel Lutétia. Il en profite aussi pour      aller voir l'Amicale du 22ème R.M.V.E qui venait d'être créée. Cette dernière lui fera une attestation de combattant de ce régiment.
De ces épreuves endurées, il aura droit à porter la médaille du combattant et la médaille de la déportation.
Une partie du gouvernement républicain espagnol est en exil à Toulouse. Il est entouré d'anciens hauts gradés de l'Armée. ADELANTADO Juan, fort de ses convictions, décide d'aller à Toulouse pour voir quels sont les projets de ce milieu en exil. Il va habiter quelques temps dans cette ville, côtoyant les émigrés comme lui. Un regroupement d'anciens militaires se crée : l'Agrupacion Militar. Son but est de soutenir le gouvernement en exil, et, s'il le faut, reprendre la guerre en Espagne pour renverser Franco. ADELANTADO Juan va adhérer à cette entreprise avec le grade qu'il avait dans la guerre civile ; commissaire de compagnie de D.C.A.
Il assiste aux réunions, plein d'espoir. Rien ne va aller dans le sens qu'il voudrait.
Les pays occidentaux reconnaissent le régime de Franco dès le milieu de 1945 et en 1946. D'autre part, dans l'Agrupacion Militar, des dissensions se font jour sur la stratégie à mettre en place, sans compter les divergences politiques.
ADELANTADO Juan voit ses dernières illusions s'envoler pour longtemps.
Suite à cette expérience qui échoue, ADELANTADO Juan décide de partir vers le seul endroit en France où il a une chance de se créer une autre vie ; rejoindre ses cousins installés à Pézenas, dans l'Hérault.
C'est ce qu'il fait au printemps de 1946. Il trouve vite un travail correspondant à son métier. Il va travailler dans une petite usine métallurgique, « La Fournaise ». Son premier bulletin de salaire est de fin Mai 1946.
Dans cette ville de Pézenas, il y a beaucoup de réfugiés espagnols à cette époque. Notamment un refuge basque qui avait été créé en 1939. D'autres émigrés sont installés en ville. Dans cette communauté, il va rencontrer une jeune veuve avec une fille ; Isabel AGUIRRE GIL. Le couple, un moment à Pézenas, ira s'installer à Aumes. Ils vont se marier en 1947 dans ce village, où habitait déjà la famille Pinol dont le mari, Manuel, avait été aussi à Mauthausen.
En 1948, ADELANTADO Juan décide d'aller habiter Montagnac avec sa petite famille.

Ils vont habiter, tour à tour dans l'impasse Saint-Jacques, puis la rue Lafayette pour s'installer définitivement dans la rue de l'Hospice. Deux enfants vont naître ; Joachim et        Nelida.
ADELANTADO Juan continue à travailler à La Fournaise et devient chef d'équipe. En 1961, les séquelles de la déportation et la maladie l'obligent à s'arrêter de travailler.
ADELANTADO Juan est toujours apatride et sa famille étrangère. Il décide donc, parce que la France l'a accueilli, et qu'il veut garantir la sécurité à toute sa famille, de remplir les dossiers de naturalisation française. Ce qu'il va obtenir en 1963.
L'année suivante, parce qu'il veut aller voir ses parents en Espagne et ses frères et sœur, il entreprend les démarches pour un passeport. Il obtiendra aussi ce document mais sera extrêmement déçu car, en marge, il sera écrit qu'il peut aller partout dans le Monde sauf en Espagne.
La maladie finira par le rattraper. Plusieurs hospitalisations à Montpellier puis à la dernière en Juin 1966, il demande à rentrer à Montagnac pour s'en aller, entouré de tous les siens. Il décèdera début juin 1966 et sera enterré au cimetière de Montagnac.

Pour terminer cet article, avant la conclusion, nous allons lire un hommage qui lui a été dédié par un ancien déporté. Ramon Martret, déporté à Mauthausen, au camp annexe de Vöcklabruck comme ADELANTADO Juan, a survécu. Il a fait partie du Conseil National de la F.E.DI.P (Fédération Espagnole des Déportés et Internés Politiques) créée après la guerre.
Cette association éditait un bulletin important « Hispania ».
Voici le texte de l'hommage à ADELANTADO Juan, écrit par Ramon Martret, en Octobre 1966 :

« Juan ADELANTADO, né le 21 Janvier 1912 à Barcelone, ne compte plus parmi nous. Il est décédé au mois de Juin passé, à Montagnac, dans l'Hérault, des conséquences directes des séquelles de la déportation. Nous venons de le savoir, il y a très peu de temps. Voilà la raison pour laquelle nous ne pûmes l'accompagner dans ses derniers instants pour lui témoigner toute l'estime qu'il savait que nous lui portions en le suivant jusqu'à sa dernière demeure.
L'odyssée de notre malheureux compagnon, affilié depuis les premiers moments à la F.E.D.I.P est digne d'être racontée. C'est tout un poème vécu avec courage, dignité et beaucoup mais beaucoup de souffrances. Militant actif et dynamique de la C.N.T, il participa à toutes les actions que cette organisation syndicale développa dans Barcelone. 

Volontaire, dès le premier jour, sur le front d'Aragon, il fut commissaire d'un bataillon d'artillerie et était estimé de tous. Il passa en France en Février 1939, et, après avoir connu les sables inhospitaliers d'Argelès sur Mer, il est incorporé dans un régiment de Volontaires Etrangers, aux côtés de l'Armée Française. Fait prisonnier en Juin 1940, par les troupes hitlériennes, après avoir souffert quelques mois dans un stalag, il est déporté au camp de Mauthausen. Il fait partie du groupe d'Espagnols qui composèrent le Kommando César à Vöcklabruck d'où il s'évada en compagnie d'Agustin Santos Femandez et du vieux Francisco Lopez Bermudez, ce dernier mort à la Strafkompania (commando disciplinaire) de Gusen le 30 Décembre 1942. Cette évasion se déroula une nuit du mois d'Avril 1942. Les S.S finissaient d'effectuer le comptage dans les chambres quand nous entendîmes les sifflets du chef de camp et les cris des soldats S.S, accompagnés des aboiements des chiens du commandant « alles raus, alles raus ». A coups de pieds et de gummi, ils nous rassemblèrent sur l'Appelplatz où le commandant nous attendait, rugissant des cris que nous n'arrivions pas à comprendre. Qu'allait-il se passer ? Cette question que nous nous posions tous, elle eut vite sa réponse ;

« Quelqu’un s'est échappé ». Le commandant comptait et recomptait les files de prisonniers, et, chaque fois qu'il terminait, nous pouvions comprendre « drai, drai ». Il n'y avait plus aucun doute ; trois déportés s'étaient échappés et ceci signifiait pour ceux qui restaient, que nous allions passer un mauvais moment. L'intuition que tous, nous allions avoir la même sentence. Nous savions que des heures difficiles nous attendaient mais, au fond de nous-mêmes, nous avions le ferme désir que ceux qui s'étaient échappés auraient eu la chance d'arriver au lieu qu'ils avaient choisi ; ainsi, ils pourraient alerter le monde de ce qui se passait dans les camps.
Nous passâmes une partie de la nuit, alignés, debout, supportant la pluie fine et le froid de ce mois d'avril. Finalement, ils nous firent rentrer dans les baraques et, durant trois jours, le commandant attendit les ordres pour voir ce qu'il pourrait faire de nous. La prolongation de la guerre et l'importance des travaux que nous étions en train de réaliser firent que la balance pencha en notre faveur et notre châtiment se termina ainsi. C'est à cet instant que nous apprîmes que les trois échappés étaient des Espagnols.
Qui ne se rappelle l'arrivée, à nouveau à Mauthausen, de nos trois compagnons qui avaient été repris, fortement attachés, et très surveillés par les sbires de la S.S. Et les interrogatoires qu'ils durent subir ? Et l'infâme spectacle public des 25 coups de schlague que « El Chicaine » un kapo, leur donna. Et qu'ils supportèrent avec un courage qui ne peut s'oublier.
Puni à la Strafkompanie, ADELANTADO Juan put apprécier l'estime dans laquelle tous les déportés le portaient. La solidarité se manifesta pour qu'il ait le moins de souffrances possible. Il supporta, stoïque, les quarante jours de travail forcé, montant et descendant les pierres des 186 marches de l'escalier de la carrière du camp de Mauthausen.
Habillé de son veston, du pantalon rayé et du fameux et visible point rouge, il sortit à nouveau dans un kommando vers le Tyrol, en compagnie d'un autre déporté catalan dont je ne me souviens plus le nom. Nous supposons que le groupe était composé de déportés condamnés à mort.
Avant qu'ADELANTADO Juan parte dans ce nouveau kommando, nous pûmes nous informer près de lui. Avec la sérénité qui le caractérisait, au moment de nous quitter, il nous répondit :
« A mon compagnon et moi-même, les S.S nous tueront en courant à la recherche de la liberté, ils n'auront pas l'occasion de nous tuer petit à petit ».

Nous les avons aidés en leur procurant du manger et même quelques tickets allemands que le malheureux compagnon Alfaro nous avait fournis.
Nous savions que l'idée d'une nouvelle évasion était dans leur esprit dès l'instant où ils franchirent la porte du camp de Mauthausen. Dans la même nuit de leur arrivée dans ce nouveau kommando, ils tentèrent leur chance. Criblés de balles de fusils mitrailleurs, son compagnon tomba pour toujours.
ADELANTADO Juan continua à échapper aux balles et aux S.S qui le poursuivaient. Après plusieurs jours et nuits passés dans les chemins inconnus et d'altitude de ces montagnes du Tyrol, il fut capturé par les maquisards de Tito. Ayant déclaré sa personnalité d'Espagnol anti¬ franquiste, et de sa provenance, il se joignit aux forces de libération de la Yougoslavie.
Nous savons qu'en tout moment, et dans tous les combats, il se comporta comme ce qu'il était, un vrai homme.
ADELANTADO Juan revint en France, malade. En Août 1947, il forma un foyer avec sa compagne Isabel Aguirre Gil, qui, en plus d'être une épouse modèle, lui donna plusieurs enfants et lui prodigua les soins que sa santé nécessitait.
Compagnon ADELANATDO Juan, ami et frère, que la terre te soit douce, et que ces modestes lignes possèdent la force et la vertu de les transformer en fleurs rouges, celles que j’aurais pu déposer sur ta tombe si j'avais connu à temps le triste dénouement ».

                                                                     Ramon Martret, Secrétaire de la Zone n° 6


Quelques remarques sur ce témoignage ;

Ramon Martret évoque une évasion réussie vers la Yougoslavie. Evidemment, c'est faux. Tout comme les S.S qui le recherchaient, Ramon Martret ne savait pas la fin de la déportation d’ADELANTADO Juan. 

Deuxième remarque ; il parle d'une deuxième évasion. D’autres compagnons ont relaté ce fait, peut-être est-ce pour cela qu'il portait le point rouge, indéfiniment. Mais nous n’avons pas la preuve de cette dernière évasion ; donc nous considérons comme incertaine cette supposition.


CONCLUSION

ADELANTADO Juan est mort le 10 Juin 1966. Il avait 54 ans. Sa fille, Nelida, qui deviendra mon épouse, n'avait que 15 ans.
Malgré la guerre civile en Espagne, la guerre en France, la déportation, ADELANTADO Juan a pu vivre vingt ans de plus que beaucoup de ses compagnons morts dans l'horreur.
Etrangement, c'est un sentiment de culpabilité qu'ont eu à gérer tous les déportés survivants. Pourquoi lui et pas moi ? Même ceux qui les ont vus arriver squelettiques en 1945, le leur ont reproché. Cette question a hanté longtemps leur esprit.

Que ce soit clair. Ils n'étaient coupables de rien. Ils ont simplement lutté pour leur vie, leur famille, la liberté face à la barbarie. Qu'aurions nous fait à leur place, et que sommes-nous aujourd'hui, installés dans notre confort relatif ?
Toute la richesse de la langue française ne peut exprimer ce drame. On ne peut pas expliquer et comprendre parce que nous n'avons pas connu la faim, la guerre et la mort brutale qui entourait tous les jours, les déportés.
Aucun des enfants d'ADELANTADO Juan n'ont connu ce grand-père qu'il aurait pu être. Moi-même, je l'ai très peu connu. Je me souviens simplement de la silhouette d'un homme qui imposait le respect.

Dix ans de guerre et de déportation (si on ajoute la guerre civile d'Espagne) ont dû marquer cet homme pour toujours, physiquement et moralement.
Nos amis Claudine et Bernard (à qui on doit beaucoup) ont proposé plusieurs fois à Nelida et moi-même, d'aller à Mauthausen. Ma femme refusait toujours. 
En 2003, pourquoi a-t-elle accepté ? Seule, l'intimité de son cœur peut répondre. Toujours est-il, que cette année-là, nous sommes partis et avons gravi cette colline maudite amenant au camp. Je me rappellerai toujours, qu'au milieu de l'Appelplatz, Nelida m'a interdit de prendre des photos, comme si ces morceaux de papier chromé souillaient la mémoire de son père qui avait marché, souffert, vécu comme un animal sur ces pavés de granit gris pendant de longues années. Souvent, loin de moi, au cours de cette visite, elle demeurait silencieuse. Et je crus comprendre alors, qu'elle revivait la mort de son père. Quand nous avons descendu les 186 marches qui mènent au fond de la carrière, que son père avait tant de fois monté et descendu, Nelida m'a uniquement autorisé à prendre trois petits morceaux de granit (un pour chaque enfant). Depuis, le nôtre côtoie, dans notre maison, une valise pleine de photos et de souvenirs.


Si ADELANTADO Juan et Isabel AGUIRRE GIL, tous deux exilés, ne s'étaient pas mariés, je n'aurais pas connu Nelida et je n'aurai pas pu vous raconter cette histoire.

Ce que vous venez de lire est un résumé d'un livre non édité, dédié à la famille de ADELANTADO Juan.

Cet article est d'abord un devoir de mémoire.
Mémoire pour ceux qui ont connu ADELANTADO Juan. 
Mémoire pour tous ceux et celles qui ne l'ont pas connu. 
Mémoire en souvenir de tous les déportés.
Mémoire parce que sa vie a été mêlée à des évènements historiques importants, comme beaucoup d'autres hommes de sa génération.
L'oubli est un poison inoculé à petites doses, pernicieux. La mémoire est un antipoison, inoculé à petites doses, apaisante. Elle nous interdit l’oubli et nous apprend le respect, la tolérance, l'humilité, des valeurs nécessaires, même encore aujourd'hui.

                                        Par les camps et les marches forcées,
                                        J'ai suivi son tracé.
                                        J'ai lu le fil qu'il a déroulé
                                        Sur les pages d'un vieux carnet,
                                        D'une main fébrile et une écriture serrée. 
                                        Mémoire d'un homme, au creux de ma main,
                                        Que ses enfants gardent, comme un précieux parchemin.
                                        C'était le temps où vivait ADELANTADO Juan.
                                                                                                                                                                                                    L'Espagne était en feu et coulait le sang.
                                        Vers le front, s'avançaient des colonnes de Catalans, 
                                        Nombreux et courageux, et lui dedans.
                                        Sur les barricades, les tranchées, par tous les temps, 
                                        Les hommes mouraient, souffraient et lui dedans.
                                        Sur l'Ebre et le Segre, ils tombaient dignement. 
                                        D'autres reculaient, battus, et lui dedans.
                                        Les justes, vaincus après quelques ans, 
                                        Ont marché vers Perpignan, et lui dedans.
                                        A Barcarès, des milliers continuent vers l'avant. 
                                        Sur la Somme, ont combattu et lui dedans.
                                        Toujours combattant, le pire était devant
                                        Quand les convois de trains s'en vont et lui dedans. 
                                        Loin de l'Espagne, et l'Allemagne traversant,
                                        Ils sont entrés dans l'enfer et lui dedans. 
                                        A Mauthausen, par mille et des cents,
                                        Ils devaient mourir, d'abord en travaillant, 
                                        Sinon autrement et lui dedans.
                                        C'est ce qu'il dit dans son carnet, jauni par le temps, 
                                        En écrivant !'Histoire et lui dedans.

                                                                        Alain Garcia, époux de ADELANTADO Nelida.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              

REMERCIEMENTS.

- Nos amis Claudine et Bernard (ils savent pourquoi)
- David Pike, pour ses précieux conseils.
- Jules Roiz (pour des papiers inédits sur l'Agrupacion Militar)
- José Delgado (pour avoir traduit le carnet d 'ADELANTADO Juan).


SOURCES D'ARCHIVES

- Carnet et papiers personnels de ADELANTADO Juan.
- Amicale des Anciens Combattants du 22 ème R.M.V.E ; livre d'or. 
- Revue Hispania Octobre 1966.
- Amicale de Mauthausen France. 
- Amicale de Mauthausen Barcelone. 
- C.I.C.R Croix Rouge de Suisse. 
- Archives Autriche sur Mauthausen. 
- Archives Allemagne sur les camps.
- I.T.S Archives basées à Bad Arolsen -Allemagne. 
- Livre Mémorial des déportés (France et Espagne)

LIVRES ET AUTEURS

- El sol se extinguio en Mauthausen de BAILA Batiste Francisco.
- La libération des camps de BERNADAC Christian.
- Histoire de Mauthausen de BORRAS José.
- Exils et témoignages de MARIN Progreso.
- Les Espagnols et la guerre civile de PAPY Michel.
- Mauthausen, l'enfer nazi en Autriche de PIKE Wingate David.
- Les Républicains Espagnols dans le camp de concentration nazi de Mauthausen de          
- SALOU OLIVARES Pierre et Véronique


A 12h30 interruption de séance pour l'apéro et le repas pris au VVF de Bessilles à Montagnac.



A 15h reprise avec Jean-Claude Richard 



                                              « La Milice dans l’Hérault »

                                                                      Par Jean-Claude Richard Ralite *


La Milice a été créée par la loi du 30 janvier 1943, à partir du Service d’Ordre Légionnaire. Liée au Maréchal Pétain, la Milice de l’Hérault a son siège à Montpellier et occupera en dernier lieu la caserne de Lauwe.

Jean-Claude Richard Ralite conférencier
(coll. Nadine Deboos)
Elle a un chef départemental, le docteur René Hoareau, un secrétaire, des chefs de service, des inspecteurs, et, lorsque cela est nécessaire, elle organise des Cours Martiales de la Justice.
Les effectifs en juin 1944 sont les suivants : Francs-Gardes (553 + 43 stagiaires), Miliciens (385). A Montpellier, il y a 83 Francs-Gardes, 35 Miliciens et 10 Miliciennes. A Béziers, 128 Francs-gardes. Leurs actions ont pour cadre l’Hérault et, exceptionnellement, des renforts peuvent être envoyés à d’autres Milices comme lors des combats du Vercors.
Les Miliciens de Montpellier sont les plus nombreux mais les communes rurales peuvent avoir de 1 à 8 miliciens qui sont des relais et qui peuvent être à l’origine de l’action départementale.
A partir du printemps 1944, les Miliciens, en particulier ceux de la région montpelliéraine, sont appelés à rejoindre la caserne de Lauwe qui devient une sorte de château-fort, à proximité des services de la Gestapo.

Le recrutement des Miliciens est éclectique. Ils appartiennent souvent à des familles dont les ainés ont combattu en 1914-1918. Le Service du Travail Obligatoire a entraîné deux sortes de fuite des jeunes gens qui lui était soumis. D’une part, certains ont rejoint la Milice ce qui leur évitait un départ vers l’Allemagne, d’autres ont gagné les maquis. La plupart des Miliciens sont d’origine modeste, souvent liés au milieu agricole, et trouvent dans la Milice des moyens de vie largement supérieurs.
Les turpitudes de la Milice ont déterminé, à la Libération du mois d’août 1944, des réactions spontanées et la première vague des nouveaux tribunaux a été implacable en condamnant à mort de nombreux miliciens. (1)


*J.-C. Richard Ralite, directeur de recherche(es) au CNRS, 34jcr@orange.fr
(1). On peut consulter : J.-C. Richard Ralite, La Milice de l’Hérault 1943-1944, Cahiers d’Arts et Traditions Rurales, 31, 2020, p. 159-176 ; La Gestapo de Montpellier (11 novembre 1942-19 août 1944), étude préliminaire, Etudes héraultaises, 52, 2019, p. 129-155.


Les deux articles qui suivent n'étaient pas au programme du colloque mais nous vous les proposons ici car ils sont sur le même thème.



                                                 « Histoire d'un héros peu connu »
                                                                           
                                                                                  Par Djilali Benhadia et Katia

Quand on parle de la dernière guerre on oublie souvent certains chapitres, voici donc une histoire toute simple d'un combattant, parmi tant d’autres, qui nous replonge dans les années trente et surtout dans l'histoire de la deuxième guerre mondiale.

Tout près de Clamart existe un petit cimetière militaire, aménagé et soigneusement entretenu par le Souvenir Français, nous allons voir qu'il nous intéresse même s'il ne nous touche pas directement.



Quatre-vingts ans après, une petite histoire individuelle est là pour qu'on se souvienne que des hommes et des femmes de tous les horizons, ont combattu pour que nous puissions aujourd'hui vivre librement.

Dans une famille  très modeste  de l'Algérie d'avant,  l'un des fils s'engage dans l'armée française, rien que de très banal, il a dix-sept ans, c'est pour lui la possibilité d'échapper à la misère et peut être de voir du pays, nous sommes en 1937, la guerre éclate deux ans plus tard et notre soldat, va connaître toutes les péripéties non seulement de la défaite mais heureusement pour lui, les joies de la reconquête qui passent par la guerre de libération en Tunisie, en Italie, en France et en Allemagne. Histoire bien banale à ceci près qu'il s'agit d'un soldat d'origine algérienne, Benhadia Larbi ben Abdelkader, né dans le douar de Hassaïnia, commune mixte de Mira, près de Constantine, l'Algérie c'est alors la France prolongée en Afrique du nord, où vivent plus d'un million de Pieds noirs...



Plus tard sa famille s'est installée en France où elle a fait souche. Les parents savent que leur fils, militaire, est décédé mais, jusqu'à leur mort ils ignoreront où il est enterré, toute la famille aimerait pourtant connaître l’histoire de ce parent qu'elle a perdu de vue depuis longtemps.
Heureusement son neveu, Djilali -il n'a jamais vu ou connu son oncle- aidé de Katia, qui connaissent ces questions sans réponses, décident de faire des recherches, ils vont multiplier les mails dans toutes les directions, en particulier auprès de l'association du « Souvenir français » qui s'occupe activement de l'entretien des tombes des soldats morts pour la France, de là viendra leur première découverte : 
Le lieu où leur oncle est inhumé, près de Clamart. 

A partir de ce premier détail la vie du soldat disparu se précise. D'abord où l'on peut se recueillir sur la tombe du soldat, ce qui va décider Djilali d'aller jusqu'à Clamart, dès que possible et dès la fin de la pandémie. 
Son oncle est inhumé dans un petit cimetière - inauguré le 11 novembre 1978 - de 72 tombes de militaires Nord-africains morts pour la France à la suite de blessures ou de maladie contractées au combat pendant la dernière guerre mondiale.
Ces précisions sont accompagnées de photos qui montrent avec quel soin on a organisé ce lieu du souvenir.
Au centre un ossuaire « au sol 72 plaquettes avec tous les noms et un cube noir de 60x60 cm représentant la Kaaba (réplique du monument de la Mecque) avec un croissant de lune et une étoile à cinq branches dorées, ainsi que « Ici repose (le nom du soldat) que Dieu ait son âme », (formule qui peut convenir à toutes les religions,) et les noms des 72 soldats dont 70 restes mortels (ce qui indique qu'on n'a pas tous les corps des soldats mentionnés) dans l'ossuaire Nord-africain de Percy. La médiane est dirigée vers le nord à 62°, alors qu'elle devrait être vers la Mecque, au nord est à 120°nord magnétique. Mais il fallait au mieux utiliser l’espace » Le cimetière se trouve « sur la départementale 906, dans l'allée du souvenir Français du cimetière communal (de Clamart) »





Ces détails sur la sépulture étaient accompagnés de précisions sur le soldat Benhadia. Sa dernière affectation était à l'Ecole des Cadres à Koll en Allemagne, il appartenait donc aux troupes d'occupation et faisait certainement un stage pour devenir sous-officier.
On ne sait pas encore pourquoi il a été rapatrié en France à l'hôpital militaire de Percy où il est décédé, inhumé provisoirement dans un lieu qui n'est pas précisé, sa dépouille a été ensuite transférée dans le petit cimetière militaire de Clamart.
Quel chemin a pu suivre ce garçon originaire de ce qu'on appelait les Colonies françaises ? 

A 17 ans il s'engage et il est affecté au 2° régiment des Tirailleurs algériens (2° RTA), basé avant la guerre à Mostaganem, Tiaret, Mascara.
Les régiments algériens ont déjà participé à la guerre de 1914 et quand éclate celle de 1940 on fait encore appel à eux, c’est la mobilisation de l'armée d'Afrique, à laquelle participe Larbi Benhadia, pendant la drôle de guerre, l'ensemble des troupes de cette origine aura 5400 tués et 65 000 partiront en captivité. Il est de ceux qui retourneront en Algérie après l'Armistice et on retrouve son régiment à Oran...

A cette époque, en Afrique du Nord le général Juin prépare discrètement la reprise des combats avec les unités Nords africaines parmi lesquelles le 2° RIA, et la Légion Etrangère, en dissimulant troupes et matériel.
Certaines de ces unités participeront à la formation des troupes des Forces Françaises Libres qui s'illustreront à Bir Hakeim et à El Alamen.
Le 8 novembre 1942 les américains débarquent en Afrique du Nord, une armée d'Afrique officielle est constituée et reprend la lutte pour effacer la défaite de 1940.
Le 2° RTA fait alors campagne en Tunisie pour en chasser d'abord les italiens ensuite les allemands, et il se distingue au col de Faid. L'armée d'Afrique perd dans ces combats meurtriers, 20 000 tués, blessés ou disparus.

En septembre 1943 ces forces libèrent la Corse. La fusion est alors réalisée entre les Forces Françaises libres et l'armée d'Afrique, constituant ainsi la France combattante.
La mobilisation générale permet alors de fournir 118 000 européens et 116 000 Nord-africains rappelés qui s'ajoutent aux 224 000 hommes déjà sous les drapeaux, sous le commandement du général Juin (il ne sera maréchal qu'après la guerre)
En 1943, lors de la campagne d'Italie le 2° RIA vient renforcer la 2° Division d’infanterie Marocaine du corps expéditionnaire français commandé par le général Juin, ces troupes mèneront la rude et meurtrière bataille du Mont Cassino (janvier-printemps 1944) où les allemands se sont défendus farouchement, et les troupes françaises entreront dans Rome le 6 juin 1944.

Après ces rudes combats toutes ces troupes sont retirées du front italien pour constituer l'armée B commandée par le général de Lattre de Tassigny, elle compte 260 000 militaires, dont la moitié issue des colonies.
Certains vont s'illustrer en Normandie et à Paris avec la 2° DB, d'autres au contraire vont participer au débarquement en Provence, le 15 août 1944 entre Sainte Maxime et Cavalaire, suivi de la libération de Toulon, Marseille, Montpellier, puis Lyon et Dijon.
Puis c'est la campagne d'Alsace au cours d'un hiver très froid, la libération de Strasbourg, Mulhouse et Colmar, début février 1945, le Rhin franchi et la prise de Stuttgart et de l'Autriche, la capitulation allemande marque un point final à cette progression.
Le 2° RIA a participé à tous ces combats.
Durant cette dernière campagne les pertes sont élevées, 13000 tués parmi les troupes françaises, dont les deux tiers de nord africains.
 
Comme en 1919 les troupes de l'Empire participent aux cérémonies de la Libération en 1944 et de la victoire en 1945.
Les citations militaires donnent une idée de la marche pénible de ce 2° RTA durant cette période de guerre.
Magnifique régiment de tirailleurs algériens qui a su maintenir brillamment au cours de la campagne de Tunisie et de France de 1942 à 1945, les plus glorieuses traditions d’un prestigieux passé.
Les citations (7) à l'ordre de l’armée, les distinctions, « Fourragère avec olive aux couleurs du ruban de la médaille militaire et de la croix de guerre 1939-1945 » rappellent le comportement héroïque de ces soldats algériens. L'accent est mis sur l'action déterminante de ces troupes tout au long de la guerre de Bir Hakeim à la campagne d'Allemagne après la conquête du Mont Cassino, position forte des allemands, lors de la campagne d'Italie, ouvrant aux troupes alliées la route de Rome.
Larbi Benhadia était parmi ces troupes libératrices, engagées dans les Corps francs, ces troupes d'élite exposées aux pires dangers, malheureusement on a peu de détails sur ce qu'ont été sa vie et ses combats mais on peut penser que sa mort est liée à ses six ans de guerre qu'il a connues de dix-sept à vingt-trois ans, récompensés par la médaille militaire.

Pourquoi raconter une histoire aussi banale, celle de millions d'hommes de toutes nationalités qui ont permis à notre pays de retrouver sa liberté ? Parce qu'elle souligne le rôle que les peuples de ce qu'on appelait l'Empire colonial Français, ont joué dans cette Libération.
Peuples éloignés de la France ils ont pris, fait et cause pour un pays lointain qu'ils n'avaient jamais vu pour la plupart, nombreux ont été ceux qui n'ont jamais revu leur village, en Afrique du nord, à Madagascar, en Indochine, et dont le corps de certains, repose au mieux, dans une tombe anonyme.
Ceux qui sont inhumés dans le petit cimetière de Clamart ont eu droit à un hommage et à un rappel à notre souvenir et surtout à celui de leur famille, combien sont-ils dans ce cas ?
On pense alors à ce que chantait Maurice Chevalier en 1940 pour mobiliser les énergies :
« Et, tout ça, ça fait d'excellents français qui marchent au pas. »

Il faut souligner ici le travail de mémoire effectué d'une manière permanente et méticuleuse par l'association Le Souvenir français et les services du Ministère des Anciens combattants.
Mais on doit surtout féliciter Djilali Benhadia et Katia pour les recherches qu’ils ont menées avec constance, la tâche n'était pas facile mais ils ont rendu à sa famille le souvenir d'un oncle et la fierté de ce que ce soldat anonyme a fait pour notre pays qu'il considérait comme le sien.


                             « Centenaire de la naissance de Pierre Azéma. »
                                                                                   
                                                                                               Par Simone Arnavielhe







C’est une avenue qui traverse le village, et comme toutes les rues elle porte un nom. Successivement nommée, selon l’époque avenue Royale, avenue impériale (mai 1864 selon acte notarié), et durant la guerre, avenue Pétain par délibération du conseil municipal le 05-04-1941. 


En 1944, après la guerre, suite à une proposition d’un membre de la commission municipale le 12 Novembre 1944, il est décidé de renommer la route Avenue Pierre Azéma.



Qui était Pierre AZEMA ?

Pierre Azéma est né le 12 Septembre 1921 à Montagnac. 2021 était donc le centenaire de sa naissance.



Ses parents Monsieur Azéma Germain et Rosalie Pages, originaires de Lacaune, sont arrivés à Montagnac en 1920. Ancien élève de l’école chrétienne du séminaire du diocèse de Decazeville, Monsieur Azéma a été nommé directeur de l’école privée de garçons, l’école du révérend père Emmanuel d’Alzon. Le 10 octobre 1924, un deuxième enfant, Jean viendra agrandir la famille.

Pierre fait sa scolarité à l’école d’Alzon, il intègre ensuite le pensionnat du Lycée de l’immaculée conception à Béziers (le PIC), il y restera d’octobre 1932 à juillet 1939. Il obtiendra un baccalauréat section mathématique. 
Il parle couramment anglais et allemand. 





Brillant élève, il présente en 1941, l’école de Saint CYR, il sera reçu. L’école a alors émigré à Aix en Provence, en zone libre à cause de la Guerre 1939-1945.



Charmant jeune homme, il revient lors de ses permissions, et souvent va travailler quelques jours au domaine de Bessilles. Son salaire alors aidait la famille. Il retrouvait ses copains, Louis Vinas et Joseph Vidal. Il jouait aussi quelquefois dans l’équipe de football de Montagnac et bon joueur, selon le témoignage de Louis Vinas il est quelquefois sollicité par les responsables du club sétois.
En 1943, il rejoint les Chantiers de jeunesse (l’armée étant alors dissoute) suite à l’Armistice du 22 Juin1940, le service militaire obligatoire a été supprimé, les chantiers de jeunesse sont créés comme une sorte de substitut (30Juillet 1940) à l’Age de 20 ans et six mois. Il est alors envoyé à Villeneuve du Paréage (dans l’Ariège) Il est à la tête d’un groupe d’une centaine de jeunes gens dont la mission était de démonter la voie ferrée Montaut- Pamiers et d’entretenir le cantonnement. Il entre alors en relation avec le Corps Franc Pommiers.  Menacé d’arrestation pour ses activités clandestines, il rejoint le maquis dans la région d’Aire sur Adour.

C’est à Portet petit village des Pyrénées Atlantiques (260 habitants à ce moment-là), qu’il rejoint le P.C mobile de la brigade commandée par Jean Milleret, plus connu sous le nom de Carnot. C’est un groupe de 180 hommes.
Pierre Azéma, nom de résistance, capitaine Aubert, est alors adjoint au Chef Charles Pécastaing, lui-même baptisé (Pinder) qui commande les éléments du P.C.
En tout une soixantaine de cadres et de chasseurs.
Il y a aussi la section autonome chargée de la protection du P.C. (40 hommes environ et ensuite arrivent à Portet d’autres compagnies, 80 hommes).
Milleret est informé le 2 Juillet 1944, qu’une importante opération va être déclenchée contre Portet, il lui est alors conseillé de changer de cantonnement et de répartir les hommes trop nombreux sur place. Sans doute ont-ils été dénoncés. Un jeune homme de 16 ans est soupçonné, il posait beaucoup de questions. Il y a eu aussi ces deux jeunes filles qu’un témoin appelle Grisettes (on les appelait ainsi car elles portaient un uniforme gris, elles étaient occupées dans les bureaux de la gestapo, elles parlaient parfaitement le français). Dans la campagne elles interrogeaient de jeunes maquisards qui éblouis par ces belles, sans méfiance, essayaient de les renseigner sur les éventuels chemins secondaires autour de Portet, elles prétendaient être employées des ponts et chaussées. Les allemands sont donc au courant, ils connaissent l’importance du maquis de Portet.

Prévenu d’une attaque imminente, d’une opération de grande envergure Milleret décide alors dans la soirée du 2 juillet 1944, d’envoyer un détachement avec F M et bazooka, sur la route de Pau-Lembeye-Aire pour tendre une embuscade afin de retarder les troupes allemandes et il double les gardes aux sorties du village.
Pour les maquisards, peu de solution de repli. Certains se cachent dans les bois, les granges, d’autres ripostent. L’attaque a été très violente et le bilan matériel et humain très lourd. (9 maisons incendiées, 5 habitants du village fusillés, 14 résistants tués).
Selon divers témoignages de personnes ayant vécu ces événements meurtriers, La colonne ennemie venant de Pau, environ 1000 hommes, se dirige le 3 juillet 1944 vers Portet par la nationale 134. Elle est dotée d’armes lourdes, mitrailleuses, mortiers, canons et quelques autos mitrailleuses.

A hauteur de Garlin, elle se scinde en deux parties, une va aborder le village par le nord, et l’autre partie divisée en 3, va encercler Portet par l’ouest au pont sur la Lee, au sud en venant de Diusse et le reste plus important va arriver par la route de Lembeye- Aire par l’est.
Le commandant Milleret est prévenu très tôt vers 5 heures, il met en place quelques éléments. Lavage de la compagnie Malvaux s’installe au sud du village.
Pierre Azéma, (capitaine Aubert) assure le commandement des éléments du P.C. Avec un groupe d’une dizaine d’hommes, il s’installe à l’est de Portet, sur la départementale 130, menant à la route de Lembeye. Très décidé à s’opposer à la progression ennemie, donnant ainsi la possibilité à un maximum de camarades de s’échapper du village.
Au nord un groupe de maquisards est parti prendre position et sur le versant ouest une patrouille de la section de protection, se porte en observation. Au centre du village le commandant Milleret, son frère et quelques hommes.
Les hostilités commencent à 6heures 30.

La résistance s’organise, mais les allemands en grand nombre viennent rapidement à vaincre.                
Devant la situation, Pierre Azéma et ses compagnons trouvent refuge dans les haies environnantes. Ils vont y rester jusqu'à 16 heures croyant avoir ainsi échappés à la tuerie. Mais les allemands ratissent à nouveau les lieux en se retirant et découvrent un blessé qu’ils achèvent sur place.
Pierre Azéma, muni d’une mitraillette, ouvre alors le feu et abat quelques ennemis, libère ainsi la mitrailleuse ennemie, mais hélas alors qu’il tentait de s’en emparer il est lui aussi abattu. Quelques hommes sont faits prisonniers et d’autres seront fusillés sur place. Le poste se trouvait devant une ferme elle sera incendiée.

Pierre Azéma selon certains témoignages des habitants du village laisse le souvenir d’un homme gentil, qui parle peu (témoignage d’une dame l’ayant connu, il était hébergé chez ses parents,) la discrétion étant recommandée. La dame dit encore : « La veille de la bataille il avait demandé à ma cousine de lui recoudre ses galons de lieutenant sur sa veste. Le soir, Il revient la chercher. »
 « C’est la dernière fois que nous le verrons dit la dame, qui avait 16 ans à ce moment-là ».
Il sera inhumé provisoirement sur place. En Octobre 1944, Monsieur Azéma Jean son frère, âgé alors de 20 ans à peine, devra venir le reconnaitre. Le corps est alors exhumé. Ce fut alors très difficile. Que c’était-il passé ? Il avait le visage très abimé, il lui manquait sa montre, son bracelet, sa chevalière et sa sacoche de saint-Cyrien. Une ambulance ramènera alors le corps à Montagnac où il sera veillé par ses parents et amis, avant d’être inhumé dans le caveau familial. Jean a aussi ramené un chien qui appartenait à son frère et que les habitants de Portet avaient gardé fidèlement. Jean Azéma et sa maman ont toujours maintenue vivante, la mémoire de Pierre. Monsieur Azéma père est décédé en 1946. Madame Azéma a souhaité être inhumée, enveloppée du vêtement militaire de son fils.
C’est en 1997 que Monsieur Jean Azéma, a été contacté par une dame de Portet.
Après quelques recherches et grâce à un monsieur qui se souvenait que Pierre Azéma était originaire de l’Hérault, elle a pu retrouver la famille. En 1999 la famille entière frère, belle-sœur, neveux, nièces, arrière-neveux et arrière nièce, s’est rendu à Portet, ayant été invitée à assister à l’inauguration de la « rue des Chantiers de la jeunesse » et de la plaque souvenir à la mémoire de Pierre Azéma.



C’est avec beaucoup d’émotion que Jean a pu rencontrer des personnes au souvenir encore vivace de cette terrible bataille et du souvenir de son frère. La stèle de Pierre était fleurie deux fois par an par une dame de Portet qui se souvenait bien de ce charmant jeune homme.
Ensuite la famille retournera à Portet, le 3 juillet 2004 pour assister à la cérémonie marquant les 60 ans de cette terrible bataille du 3 juillet 1944.

Jean Azéma devant la stèle de son frère Pierre


                                                          Pierre AZEMA
Lieutenant (capitaine AUBERT dans la résistance)
Au Corps Francs POMMIERS
         Mort pour la France à Portet (Landes) le 3 Juillet 1944
  Chevalier de la légion d’honneur-Croix de Guerre 1939-1945
                             Compagnie CRAPLET, Fine de la section TROUYET


« Jeune officier d’exceptionnelle valeur, joignant à un imperturbable sang-froid le plus parfait mépris du danger ; au combat de PORTET le 3 juillet 1944, a donné le plus bel exemple de bravoure ; avec sa section, à peu près uniquement armée de mitraillettes, mais galvanisée par son exemple, a tenu pendant plus de trois heures en échec un ennemi très supérieur en nombre et en armement. »






Texte de Simone Arnavielhe
Travail sur photos et illustration Nadine Deboos
Merci à la famille Azéma pour avoir mis à notre disposition photos et documents et un merci particulier à Clément qui nous a fait partager ses recherches.
Le récit de la bataille de Portet est extrait du tome 2 de la « Lutte ouverte » écrit par le Général    CERONI sur l’épopée du Corps Francs POMMIERS.
 
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2020  colloque annulé pour cause de COVID




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2019


12 octobre 2019


Programme de notre colloque en partenariat avec la mairie de Montagnac, le département et la région


«   Les conséquences de la Révocation de l'Edit de Nantes. »
                                   Non pour juger mais pour comprendre


Francis Médina notre Président de séance
et André Nos Président de l'association


Les Amis de Montagnac ont abordé cette année la difficile question de la Révocation de l'Edit de Nantes, un sujet qui paraît lointain mais qui, par certains côtés, ne manque pas d'actualité. Il s'agit d'un moment douloureux pour notre région et particulièrement pour Montagnac.
D'un seul trait de plume d'oie Louis XIV décide en 1685 que seule la religion catholique aura droit de cité dans son royaume, pour ceux qui croient différemment, il reste trois possibilités : s’exiler, se révolter ou courber l'échine.
La journée présidée d'une façon magistrale par M. Francis Médina, agrégé de l'université, avait pour but d'étudier les divers aspects de la question pour essayer de comprendre ce qui fut une grave erreur politique pour la France et une calamité pour notre région.


M. Jean Claude Richard, Directeur de recherches au CNRS ouvrait le débat en posant la question 

Jean-Claude Richard
« Par qui et pourquoi les protestants ont été éliminés. »
Venait à la suite l'exposé préparé par M. Alain Garcia, Vice-Président des Amis de Montagnac qui, empêché, avait trouvé le porte-parole adéquat en la personne de M. Claude Pradeilles, l'autre vice- Président, et traitait de tous ceux qui avaient choisi, le Refuge, l'exil, où les attendait pendant de longs mois un sort souvent misérable.
La matinée se terminait avec l'intervention de M. Albert Arnaud, historien et occitaniste qui traitait 
du problème le plus connu et le plus douloureux, l'épisode des camisards dans les Cévennes.
Albert Arnaud


Un temps de repos était prévu pour un apéritif agréable, malgré le temps maussade bien différent de celui des autres années, poursuivi par un excellent repas au restaurant du VVF de Bessilles.
L'après-midi ne comportait qu'un exposé présenté par le Président des Amis de Montagnac André Nos dont le thème « Les conséquences de la Révocation à Montagnac et dans la région : soumission ou résistance »  tentait de faire le lien entre l'histoire en général et celle de notre ville qui a conservé une forte minorité de protestants jusqu'au XX° s.

La conclusion revenait à M. Médina, Président de séance, qui a souligné avec justesse l'intérêt des réponses apportées avec brio par les divers intervenants à une série de questions aux échos très modernes, qui annonçaient aussi bien, la Révolution française, que la Résistance, ou l'actuel nettoyage ethnique.
Cette journée était aussi  l'occasion de la sortie du deuxième tome de la nouvelle histoire de Montagnac « La vie communale à Montagnac (1790-2018 ».


Encore une belle réussite à l'actif  des Amis de Montagnac.

                                                                         
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2018


13 octobre


« 1919-1939, Espoir et désillusions »


Mme Médina Présidente de séance

Un nombreux public intéressé a assisté au dernier colloque des Amis de Montagnac ayant pour thème « 1919-1939 : Espoir et désillusions » une brève période de notre histoire, commencée sur l’air de la victoire et terminée par la guerre de 1939-1945, avec des conférenciers de valeur pour découvrir ou redécouvrir cette période riche en événements dramatiques. Au départ,la Présidente de séance Madame Yvette Médina, Professeur agrégée,a donné un judicieux panorama de la période, en insistant sur les événements les plus marquants, la crise de 1930, la Guerre d’Espagne, la situation économique et sociale de notre région, qui permettait à l’assemblée de retrouver certains repères.     
Jean Michel Abbes
Le premier intervenant, M. Jean Michel Abbes, Professeur agrégé  a présenté un habile panorama de l’évolution de la population d’abord au travers des témoignages de sa famille appartenant à la classe  moyenne,  de génération en génération et ses réactions devant les grands événements. Ensuite il est passé au niveau  d’un petit village pour aboutir à une vision de l’histoire nationale au travers de la vie des gens.
Alain Garcia
Plus personnelle était l’intervention de notre ami Alain Garcia, fondée sur le cas particulier de Jean  Adelantado combattant catalan qui connut les mêmes difficultés que certains de ses compatriotes, soldats de la République espagnole, lors de la guerre civile et combattants du nazisme sous le drapeau français, avec les conséquences douloureuses de la Déportation. Alain Garcia nous a fait suivre l’itinéraire d’un homme toujours fidèle jusqu’à sa mort, à ses convictions généreuses de défense de la véritable liberté, à partir d’un modeste quartier de Barcelone généreux mais désargenté où il avait appris que la démocratie doit être défendue à tout prix, dut-on connaître les conséquences dramatiques comme il l’a vérifié sa vie durant.
Après ces deux exposés denses et documentés le diaporama « C’est mon passé » a réveillé beaucoup de souvenirs chez les plus anciens, aspects rustiques de la vie d’antan  mais aussi rappel imagé de principes qui paraissaient banals et qui ont disparu aujourd’hui.
Jean-Jacques Vidal
Après un apéritif et un bon repas au soleil, animés de souvenirs, à 15 heures les participants se retrouvaient pour la dernière conférence de la journée présentée par :
M. Jean-Jacques Vidal, Inspecteur d’Académie honoraire, «Pierre Cot, Témoin privilégié de cette période ». La matière, résultat d’un long travail de recherches, était abondante et aurait mérité, à  elle seule l’étude d’une journée, tant la personnalité de Pierre Cot parait complexe et contradictoire au premier abord. Il ne s’agissait pas d’une simple biographie mais de l’évolution d’un homme catholique et patriote passant progressivement  d’idées conservatrices à l’extrême gauche, mais là n’était pas l’essentiel, on a découvert un homme qui a tous moments a manifesté sa liberté  mettant ses grandes possibilités au service  des  idées généreuses, de quelque bord qu’elles viennent.


            
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2017
le 7 octobre 

« Arts profane et religieux au Moyen-Âge»   


Albert ARNAUD
Président de séance

En présence de M. le Maire et sous la présidence de M. Albert Arnaud, historien, le colloque annuel des Amis de Montagnac s’est déroulé à la satisfaction de tous, auditeurs et intervenants. Il avait pour thème «Arts profane et religieux au Moyen-Âge» à Montagnac et dans sa région, un sujet de choix qui devait être traité par des conférenciers compétents, ce fut le cas.   

Venait ensuite M. Henri Barthès, Président de la Société Archéologique, littéraire et scientifique de Béziers que l’on n’a pas besoin de présenter. Après de longues années de travaux de traductions et de mises au clair, il publie le texte du  Cartulaire de Valmagne, document important mais difficilement abordable, qu’il a présenté avec brio et clarté à un
Henri BARTHES
auditoire pourtant peu préparé à un tel travail d’érudition. Le conférencier a su tout d’abord sensibiliser son public au difficile décryptage d’un document qui demande un grand effort de la part du paléographe, mais aussi parce que l’original est souvent difficile à retrouver. Avec maîtrise  il a transporté son public aux 12-13°s, période de construction et moment de gloire de l’abbaye, rectifiant au passage quelques erreurs, transmises de génération en génération.
La matinée se terminait par un temps splendide, sur cette note agréable; un apéritif et un excellent déjeuner nous attendaient.
L’après-midi a été aussi passionnante, animée par Madame Monique Bourin,  professeur émérite de Paris Sorbonne et Présidente de l’Association des Plafonds peints du Midi de la France. En préambule a été projetée la dernière création des Amis de Montagnac, un DVD sur les Plafonds peints de l’Hôtel de Brignac à
Monique BOURIN
Montagnac. Il s’agissait d’un point de départ à partir duquel Madame Monique Bourin a présenté avec aisance, une étude des plafonds peints médiévaux du Midi de la France et même de pays étrangers. Ces témoignages à la fois significatifs et colorés longtemps négligés, sont aujourd’hui pleins d’enseignements pour les chercheurs. Là encore, malgré un sujet très spécial, la conférencière a passionné son auditoire par la façon claire et  attrayante de sa présentation.
Le Président de séance, M. Albert Arnaud a été à la hauteur de l’évènement, dirigeant les débats avec souplesse et intervenant avec à-propos, avançant une précision ou un commentaire adapté et intéressant pour le public, qu’il en soit remercié.
Ainsi se terminait une journée très agréable servie par des conférenciers passionnants que nous tenons à remercier ici.




En marge du Colloque, signalons la sortie du numéro 100 de la revue des Amis de Montagnac, à la fois inventaire des nombreuses publications de notre association pendant trente-six ans et matérialisation des efforts que nous avons faits pour la connaissance et la défense du riche patrimoine de notre cit

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2016
le 15 octobre                                                                      



« De la plume sergent-major au stylo à bille »                                                                                          





Encore une fois la journée des Amis de Montagnac a été une réussite. Elle avait lieu dans les locaux du VVF de Bessilles particulièrement accueillants, en présence de M. Yann Llopis, maire de notre ville et de Mme Marie-Claude Barattini adjointe à la culture. Le sujet « de la plume sergent-major au stylo à bille » abordait le thème de l'école dans une perspective historique introduite par un diaporama de M. André Puig qui retraçait, au travers de vues bien choisies, l'histoire des lieux, des objets et de la vie des enfants, ce que pouvait être l'école d'autrefois.



Charles Guiraudon, conférencier et J-Jacques Vidal président de séance
Après ce début bien illustré, ont suivi de belles interventions qui abordaient des sujets divers et complémentaires, sous la présidence de M. Jean-Jacques Vidal, inspecteur d'académie honoraire.


Charles Guiraudon ouvrait le cycle par l'évocation d'une année scolaire dans les années trente, à la fois technique et amusante puisqu'elle rappelait aux nostalgiques de la vie d'autrefois comment vivaient les enfants de cette époque, le tout émaillé d'anecdotes savoureuses qui donnaient à cet exposé une tonalité particulière. Le ton désormais était donné mais il fallait continuer et varier les sujets.


Mme Évelyne Tschirhart, ancienne enseignante et auteure d'ouvrages sur l'éducation, 
Evelyne Tschirhart, conférencière 
prenait la suite avec un sujet tout à fait différent, il s'agissait pour elle, à partir d'un livre de souvenirs retraçant la vie d'un instituteur lozérien, de donner une autre vision de l'enseignement dans un département très proche du nôtre et en même temps bien différent par les conséquences sociales et l'état d'esprit qui pouvait en découler pour la population.


Marc de Velder, conférencier 
A midi, lors d'un moment de détente favorisé par une très belle journée et un excellent repas, les discussions se sont poursuivies dans le cadre plus intime des tables du restaurant.L'après-midi le thème de la nouvelle conférence apportait un élément nouveau à la réflexion collective. M. Marc de Velder, professeur agrégé de lycée et de l'enseignement supérieur, exposait alors les résultats de ses réflexions sur ses expériences faites au cours de vingt deux ans d'enseignement, exposé dense, présenté avec clarté et aisance, qui a tenu en haleine un auditoire intéressé. Un échange avec le public a suivi chacune de ces interventions, particulièrement passionné pour la dernière. Il restait au président de séance M. Jean-Jacques Vidal, non seulement de tirer les enseignements de cette réflexion mais aussi d'apporter son propre point de vue d'enseignant et d’administrateur, ce qu'il fit avec netteté et originalité.

Ajoutons que la journée était complétée par une belle exposition sur les écoles de Montagnac magnifiquement préparée par le groupe généalogie des Amis de Montagnac, regardée avec passion par le public, elle sera présentée une nouvelle fois lors du marché de Noël.


Une bien belle journée qui a abordé un sujet d'actualité en se tournant vers le passé pour mieux comprendre le présent, merci à tous ceux qui ont contribué à cette réussite, intervenants, public fidèle et organisateurs.





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     2015                                                                                    
17 octobre                                                                    


"REGARD SUR LE PASSE MONTAGNACOIS"



Le 17 octobre dernier, les Amis de Montagnac ont tenu leur colloque annuel sous la présidence d’honneur de M. Yann Llopis, maire et de Mme Audrey Imbert, conseillère départementale. Le président effectif, animateur des débats était M. Jean-Claude Séguéla, historien.

Après les souhaits de bienvenue prononcés par le président de notre association André Nos, Jean-Claude Séguéla a présenté les trois conférenciers et les titres des trois exposés. Dans la première communication, M. Alain Garcia a brossé le tableau d’une famille qui a beaucoup compté à Montagnac, les Rey de la Croix. Cités dès le XVIe siècle, les Rey, gens d’épée et de robe, possédaient un beau patrimoine à Montagnac dont le domaine de la Clapière. Le plus célèbre de tous est le fameux François-Joseph, auteur de la première histoire de notre cité mais aussi père de six enfants dont l’aînée Marie-Catherine était sourde et muette. François-Joseph a consacré toute sa vie à l’éducation de sa fille en perfectionnant les méthodes de l’Abbé de l’Epée et de l’Abbé Sicard. Après avoir doté sa fille, confiée à son frère, Michel-François, M. Rey de la Croix termina son existence dont le bilan peut être considéré comme celui d’un humaniste.

Après une petite récréation, M. Charles Guiraudon a présenté un travail de groupe réalisé sous l’égide de Mme Marie-Claude Rouger et portant sur la communication orale et écrite à Montagnac. Des cloches rythmant la vie quotidienne ou annonçant les dangers, aux panneaux électroniques du XXIe siècle, complétés par les bulletins municipaux, en passant par le tambour ou la corne des précons sans oublier la sirène et les annonces au micro, c’est toute l’histoire locale des moyens d’information qui a été passée en revue et illustrée de quelques anecdotes croustillantes.

Après cette matinée bien remplie, un excellent repas servi dans la salle André Sambussy a permis aux participants de reprendre des forces tout en échangeant des nouvelles personnelles.

Il appartenait au président André Nos de clore la journée avec une communication sur la transformation de la viticulture à Montagnac et en Languedoc. Au départ voici le vigneron qui cultive sa vigne, fait son vin et le vend. Aujourd’hui le viticulteur cultive mais ne s’occupe plus de rien. André Nos nous brosse alors un tableau complet de ce qu’était la viticulture au XXe siècle : catégorie d’employés à la vigne, façons et traitements selon les saisons, habillement et outillage définis en occitan puisque c’était naguère la langue des gens de la vigne. Il terminera par les vendanges et la vente du vin en évoquant l’odeur de mout et le clic clac des pressoirs. De nombreuses diapositives présentées par Mme Nadine Deboos ont illustré magnifiquement la conférence du président.

De nombreuses questions posées par les auditeurs prouvent une fois de plus que le colloque d’octobre des Amis de Montagnac est une véritable réussite didactique et culturelle.

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2014
18 octobre 
     
           Centenaire de la guerre 1914/1918

"Quelque part en Europe en août 1914"

 

 Dernièrement notre association a commémoré à sa façon le centenaire du début de la Grande Guerre. Après avoir salué M. le Conseiller Général, M. le Maire, les cinq conférenciers et le nombreux public, le président André Nos a donné la parole à Mme Yvette Médina, présidente  du colloque. Celle-ci nous a présenté la journée et le premier intervenant, le Professeur Rémy Pech de l' Université de Toulouse.

"Pourquoi a t-on tué Jaurès ??"
 A cette question l' universitaire répond " parce que cet homme du Midi était le dernier obstacle à la déclaration de guerre" Jaurès savait depuis 1887 que " le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l'orage", il était l'adversaire résolu d'une solution militaire à la question de l'Alsace. Pour autant M. Pech ne le voit pas victime d'un complot : Ni la Russie ni les jésuites ne sont pour quoi que ce soit dans son assassinat qui est donc l'œuvre d'un isolé, un ingénieur agricole, Raoul Villain, nationaliste déséquilibré. L'assassin acquitté en mars 1919, en pleine période bleu horizon, périra misérablement en 1936, assassiné à son tour sur l'île d'Ibiza par des républicains espagnols, peut-être anarchistes en tous cas plus expéditifs que les jurés de la République Française. Après les remerciements de Mme Médina, le professeur Michel Fournier, agrégé d'histoire nous a peint le tableau de :

" L'année 1914 à Béziers et dans le Biterrois"



Cette année là, Béziers compte 50 000 habitants et vend le vin entre 30 et 40 f l'hecto. La ville possède un hôpital, une poste et un hôtel de ville neufs et deux familles radicales s'en partagent l'hégémonie. la garnison est tenue par le 96e d'infanterie et le 1er hussards. L'opinion est calme, aucun problème local n'a été soulevé par la loi des 3 ans mais l'affaire du Maroc a excité certains revanchards. L'éclair, journal royaliste du 27 juillet titre : "Aurons-nous la guerre??" Le 3 août tocsin et tambours annoncent sa déclaration. Elle va apporter la paix dans les familles divisées en politique. Mais se pose aussitôt la question des vendanges sans hommes ! Les institutions sont unies dans la cause sacrée : Conseil général, Evêché, Mairie, Parti radical, Parti socialiste et Elus nationaux. La gare de Béziers voit partir 5000 hommes. Une lettre inédite d'un soldat de Saint Geniès le bas montre son auteur résolu, confiant et exhortant son entourage au courage et à la patience. Avec un courrier irrégulier et censuré les nouvelles revêtent une importance capitale. La vie civile est bouleversée avec la fermeture des salles de spectacles, cafés, hôtels et maisons de noce. Le rationnement de certaines denrées a commencé : blé, sucre, charbon, chevaux, mulets et voitures sont réquisitionnés et les prix commencent à monter. Les mairies organisent la vie civile : création de crèches permettant aux femmes de vendanger, allocations de femmes en couches, mise en place d'une garde civile dissoute ensuite par l'armée. Mais les déclarations de décès commencent à arriver : 350 à Béziers pour les cinq premiers mois de guerre. 70 blessés arrivent le 6 septembre et certaines écoles sont transformées en hôpitaux comme à Montagnac l'école Louis Pasteur. Une lassitude s'installe dès la fin de 1914 et elle va durer 4 ans. Seul rayon de soleil biterrois: le vin se vendra bien pendant quatre ans. Après les réponses aux questions posées à M. Fournier, Mme Médina a eu l'honneur d'une innovation dans nos colloques en donnant la parole à une étrangère, Mme Friederique Cornelsen, professeur d'histoire à Hambourg. Sa conférence :
" Politique et société sous Guillaume II "

a apporté l'éclairage allemand de l'avant première guerre mondiale. Dans l'Empire allemand de 1871 qui n'est pas un état fédéral mais une fédération d'états  indépendants, Bismarck exerce l'autorité prussienne dans le nord de l'Allemagne, la Prusse doit lutter contre les sociaux démocrates et le parti catholique. Il entreprend aussi la prussianisation des états du Sud. La noblesse et la bourgeoisie copient le style impérial, la société agraire s'industrialise au grand galop et pour les capitalistes étrangers l'empire germanique devient un partenaire intéressant.
Guillaume II veut se tailler une part du gâteau colonial soit par le troc soit par le chantage, soit par la guerre. En 1890 Bismarck est congédié donc le souverain paralysé du bras gauche, instable et nerveux devient le véritable décideur et sera le seul responsable.
La noblesse protestante est constituée de junkers, hobereaux, propriétaires terriens et officiers formant 69% des cadres de l'armée si bien que l'on dit que la Prusse est une armée avec un état. De plus Bismarck a soumis la bourgeoisie en détruisant le libéralisme politique. Ce sont les étudiants et les églises qui tant bien que mal incarnent un idéal démocratique. Or c'est l'église protestante luthérienne qui constitue la poutre maîtresse de l'édifice impérial. Seul maître à bord Guillaume II fait construire ou compléter sa flotte de guerre en 1907-1908, prépare ses futures campagnes et la propagande parle d'une guerre préventive contre la Russie, défensive contre la France et de lutte contre l'Angleterre avec la constitution d'un empire colonial. Tout le pays est derrière le kaiser qui croit en une victoire inéluctable. Seules de rares voix s'alarment contre la boucherie qui s'annonce, comme celle de d'Heinrich Mann, frère de Thomas, grand connaisseur de Latude et créateur du sulfureux " Ange Bleu " ou celle de Robert Musil. La guerre voulue aussi par Guillaume II apporte en Allemagne aussi son cortège funèbre de morts et de blessés. Elle provoque l'explosion des prix des denrées alimentaires et le chômage dans les premiers jours du mois d'août. Le plan Schlieffen d'invasion adopté sans discussion échoua devant la Marne mais la population avait accepté la guerre parce que les opérations se déroulaient hors d'Allemagne. Le peuple Allemand abasourdi par la défaite, avala sans discuter, la légende du coup de poignard dans le dos et se réfugia dans un nationalisme qui le conduisit à se donner à un étranger moustachu, provocateur de la deuxième guerre mondiale. Après les questions des participants et les remerciements chaleureux de Mme Médina, un bon repas servi dans la salle André Sambussy permit aux auditeurs de refaire leurs forces tout en suppléant les langues des conférenciers, eux aussi bavards à la table d'honneur. Après ce long entracte, Mme Médina a donné la parole à M. Jean Sagnes, Professeur à l'université de Perpignan et bien connu des Montagnacois. Ce spécialiste de l'histoire ouvrière a traité :

" Socialisme et syndicalisme dans l'Hérault pendant la grande guerre "

En 1914 l'Hérault compte 480 000 habitants employés dans la culture de la vigne mais aussi dans l'industrie : mines, métallurgie, chimie et textile. Les ouvriers à forte tradition syndicale constituent 70% de la population. En politique on identifie trois couleurs : les blancs de droite, les bleus radicaux et les rouges socialistes qui ont obtenu deux députés sur six. Le département compte aussi plusieurs bourses du travail. Les socialistes sont contre la guerre mais après l'assassinat de Jaurès, tous les PS d'Europe sauf deux s'engagent dans l'Union Sacrée. L'Eclair, journal royaliste, réprouve l'attentat mais critique les idées de Jaurès. La censure salue les journaux, les syndicalistes sont mobilisés et seules trois bourses du travail se maintiennent qui se transformeront par solidarité ouvrière en coopératives d'alimentation.
La guerre sanctifie le travail mais l'entrée des femmes dans la vie active relance la revendication : " A travail égal, salaire égal !" La crise de 1917 et ses douze grèves provoque un frémissement de l'opinion en faveur de la paix. Au PS les effectifs s'effondrent et le congrès de 1915 ne compte que deux mandats contre la direction. Dans ses lettres à un parent de Saint Thibéry , Barthe redoute le développement de la vigne au Maroc, analyse les évènements de Russie en 1917 et se méfie de Clémenceau qui a fait arrêter Malvy et Caillaux. Le grand problème est maintenant posé par la deuxième révolution russe. La révolte de la flotte allemande en fin 1917 et les mutineries  en France annoncent les craquements qui vont bouleverser l'Europe. Pour la "vie sociale", Lénine a retardé la victoire mais fait avancé le socialisme. En 1919 la guerre est finie mais les grandes grèves poussent Clémenceau à accorder la journée de huit heures. Les élections législatives accordent deux députés aux socialistes héraultais. En 1920 la scission de Tours voit les communistes l'emporter au plan national mais le département de l'Hérault reste socialiste dans un pays où l'unité ouvrière réussie par Jaurès a volé en éclats.
Après les questions et les réponses données par M. Sagnes, Mme Médina a appelé M. Segondy docteur en histoire qui a exposé l'attitude de :

" L'église diocésaine dans la guerre de 14 "

A partir de 1880 éclate en France la guerre entre catholiques et laïques mais le début de la guerre mondiale va changer tout cela. Dès l'entame du conflit, le Cardinal de Cabrières fait allégeance à l'union sacrée et œuvrera pendant toute la durée en faveur de la victoire. En 1900 le diocèse compte 700 prêtres dont 650 sont en action pastorale. 250 sont mobilisés et la moitié d'entre eux seront des combattants ne bénéficiant d'aucun privilège. Dans les tranchées les non pratiquants se rendent compte que ces curés valent bien mieux qu'ils ne l'imaginaient et ces sentiments sont réciproques. En 1917 on célèbre en Allemagne le quatrième centenaire de la réforme, donc pour les français le guerre
serait le produit frelaté de la pensée de Luther, mais un autre courant de pensée rend à Luther sa valeur théologique. La peur de la mort et l'appréhension de l'au-delà suscitent un renouveau de l'esprit religieux. Au plan matériel le clergé lance les travaux de confection de colis et de vêtements. Le cardinal de Cabrières, ami du roi Albert 1er fait réserver un accueil excellent aux réfugiés belges dans son diocèse. On procède à la gravure de plaques en souvenir des morts et les blessés sont soignés dans les édifices religieux transformés en hôpitaux . Le père Cabanel aumônier de Montpellier prononce 74 discours en anglais aux Etats unis et l'abbé Marme donne du sang à un blessé considéré perdu. Malgré ce, les rumeurs les plus abjectes circulent sur le clergé qui aurait fourni des subsides au Kaiser. Tout ceci est faux et la polémique tourne à l'avantage des religieux. La desserte des paroisses est assurée par des prêtres âgés et par des permissionnaires. Les pèlerinages locaux , surtout dans le sud : Lourdes, Béziers, Sète attestent de la piété des pratiquants. Après les remerciements de Mme Médina aux conférenciers, aux participants et au public attentif, le mot de la fin sera pour André Nos : Après les affrontements et les secousses du début de la troisième république, l'union sacrée sera la reconnaissance officielle du régime né du désastre de 1870. C'est la conclusion d'une très belle journée à inscrire à l'actif des Amis de Montagnac.                       
                             
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2013
19 octobre 

"La Restauration et la terreur blanche"


André NOS le Président de l'association,
Charles GUIRAUDON vice-Président et Jean-Claude RICHARD Président de la journée


Le 19 octobre s'est tenu à Bessilles le colloque annuel des Amis de Montagnac sous la présidence d'honneur de Mr Roger Fages, maire de la cité.
Le premier intervenant, le Professeur Jean-Claude Richard, également président effectif de la journée, a brossé un rapide tableau de ce qu'a été la Restauration avant de présenter à l'auditoire la statistique du département de l'Hérault commandée par le Préfet de l'époque Creuzé de Lesser à son fils Hippolyte. Ce document d'un intérêt prodigieux nous offre un tableau complet, ville par ville, des richesses et des faiblesses de notre entité administrative. Cette statistique est un ouvrage de référence qui rend d'immenses services à celles et ceux qui s'intéressent au premier tiers du dix neuvième siècle.
          Claude PRADEILLES
Mais cette Restauration de la monarchie a suscité une réaction criminelle dirigée contre les tenants des régimes abolis après Waterloo, que nous a présentée Claude Pradeilles avec la Terreur blanche. Le Midi, région royaliste, fut le théâtre de nombreux massacres de républicains, de bonapartistes et de protestants. Les villes comme Marseille, Avignon, Toulon, Nîmes, Montpellier et Mende furent les témoins de désordres meurtriers contre lesquels les autorités légales ne purent ou ne voulurent pas intervenir. Montagnac aussi connut trois affaires criminelles : deux incendies volontaires et l'assassinat du percepteur Marc Brousse, bonapartiste notoire.



Alain GARCIA
Or cette période trépidante et glauque a vu la mise au rancart d' authentiques héros, tel le commandant Augustin Valat, demi-solde dont Alain Garcia nous a conté l'histoire. Issu d'une famille aisée comptant trois garçons, Valentin-Maurice s'engage en 1792, à vingt ans, comme simple soldat au deuxième bataillon de l'Hérault. Il sera blessé six fois sur cinq théâtres d'opérations différents : à
Toulon, à la main gauche en 1793, à Acre en Palestine à la tête en 1799, à Friedland en 1807, en Espagne à Almonacid en 1808, à côté de Pampelune d'un coup de feu à la main droite en 1813 et enfin à Orthez au bras gauche en 1814. Son dossier est clos en 1815 alors qu'il est chef de bataillon placé en demi-solde. Il se mariera à Clermont en 1818 et s'y éteindra en 1852 à quatre vingt ans. Chevalier de la légion d'honneur en 1807 il en fut nommé officié deux ans plus tard pour terminer titulaire de son ordre royal. 

Après une longue discussion sur les trois conférences, un bon repas pris sur place a permis au colloque de se parer de sa livrée d'amitié qui constitue l'un de ses attraits.
Mais si certains se couvrirent de sang et de gloire sur les champs de batailles, d'autres, à Montagnac, se couvrirent d'argent dans les champs agricoles. Ce fut le thème de l'après-midi présenté par le président André Nos.
Les registres des notaires nous apprennent que la Révolution à Montagnac a été douce et bourgeoise. On a construit sur le terrain des Augustins mais aussi à la sortie du village sur la route de Pézenas et sur celle de Villeveyrac. Le temple actuel a été édifié en deux ans, hors des remparts. La mairie a été logée dans l'hôtel de brignac, puis près de l'église, dans les lieux laissés par les Pénitents blancs déplacés chez les Augustins. Vingt cinq gros propriétaires ont participé à la curée réalisée sur les biens nationaux, les acquisitions de ces biens ont été réalisées en liquide, rarement en assignats. Enfin les grands bourgeois de Montagnac vont aménager les « folies » viticoles que sont les quarante grands domaines appelés ici : les campagnes. Le démenbrement en parcelles et appartements des grands hôtels particuliers débutera à ce moment là et au XXe ils seront les logements de gens très humbles. Dans la vie quotidienne la Restauration sera l'initiatrice des distilleries, des jeux de boules, des cafés avec leurs billards et de l'utilisation des rasoirs et des blaireaux. Les sobriquets fleurissent : lÒ grapau, lÒ racanet, lÒ baranel, lÒ berdinel. Une nouvelle époque commence.

A l'issue de cette brillante intervention qui a clôturé cette magnifique journée, nous laisserons au président Jean-Claude Richard le dernier mot de sa synthèse remarquable : « les révolutions passent, les intérêts privés demeurent ». Ce qui fut bien le cas à Montagnac.

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2012  
20 octobre                                                                          


"CROISADES ET CATHARISME "          


Alain GARCIA Président de séance
Dernièrement les « Amis de Montagnac » ont tenu leur colloque annuel au Mas de Cédat. Sous la présidence d'honneur de Mr Roger Fages, maire de la cité, quatre conférenciers présentés par Alain Garcia, président du colloque, ont apporté leur éclairage personnel sur un drame médiéval qui a ensanglanté notre Languedoc pendant près d'un siècle.


Albert ARNAUD
des Amis de Marseillan
Tout d'abord Mr Albert Arnaud des « Amis de Marseillan » a expliqué ce qu'étaient les cathares et le catharisme. En aucun cas une secte, le catharisme, enseigné par voie orale, est une révolte contre l'ignominie et l'incompétence des clercs qui achetaient leurs charges. Les cathares constatent la présence du mal mais ne l'expliquent pas dans un monde crée par Dieu. Ils ne croient ni en l'eucharistie, ni en la transsubstantiation mais récitent le Pater en occitan et gardent la bénédiction et le partage du pain. Leur seul sacrement, le consolamentum, à la fois baptême et extrême-onction, ne peut-être administré qu'à un mourant encore lucide. Leurs croyants habitaient du Biterrois à l'Agenais, étaient répartis en six évêchés et dans ce qui est l'Hérault, ils se trouvaient dans des villages autour de Béziers mais dépendaient de l'évêché de Carcassonne.


Après ce brillant exposé de la doctrine, Mr Jacques Chabert des « Amis de Puisserguier » a brossé un tableau vivant de Puisserguier avant et après la croisade contre les Albigeois. Vers 1146 la fille du seigneur du lieu épouse un vassal biterrois de Trencavel et en a 6 enfants mariés à Sauvian, Magalas, Conas, Bessan, Minerve et Roujan. Le cathare Arnaud de Puylaurens meurt à Puisserguier avant la croisade qui verra le château pris et repris plusieurs fois par Montfort et
Jacques CHABERT
des Amis de Puisserguier
le seigneur de Puisserguier acquis au catharisme. En 1226 les partisans des cathares font allégeance au roi mais en 1242 le comte de Toulouse se révolte et Béranger de Puisserguier fait partie de la coalition. Après la chute de Montségur en 1243 quatre évadés cathares se réfugient au château d'Usson. Enfin le fils aîné du vicomte de Narbonne enlève Tiburge de Son, promise au cadet et l'emmène à Puisserguier où il l'épouse. Le cadet recevra la seigneurie de ….. Montagnac.


Prenant la parole après cet exposé d'un aspect local de la croisade, le président Alain Garcia, décidément sur tous les fronts, nous en a offert un autre concernant Servian. Partant de faits généraux pour bien situer le cadre historique, Alain Garcia a cité des cas de seigneurs qui tolèrent les parfaits tout en se liant aux croisés ou qui se rangent tour à tour sous la bannière du catharisme puis sous celle de l'orthodoxie catholique. Le fils du seigneur Estève de Servian aura un tuteur: Bertrand de Saissac qui est un hérétique. Ce même fils d' Estève de Servian épousera plus tard Navarre de Laurac qui est une parfaite. Cette même Navarre se trouve à Toulouse en 1227 et mourra en 1235 à Montségur mais bien avant le bûcher final. 1205 avait vu la tenue à Servian d'un colloque organisé par les prédicateurs catholiques qui avaient pulvérisé les arguments des cathares protégés par Estève de Servian. Celui-ci qui luttera et perdra contre Amaury de Montfort écopera du faydiment qui équivaut au bannissement et à la confiscation de ses biens. C'est la sanction qui permettra au pouvoir central de grignoter entre 1220 et 1250 des territoires du Languedoc.


Après cette communication très documentée un excellent repas, apprécié par tous, à démontré une fois de plus, que la convivialité montagnacoise n'était pas lettre morte.
Claude ALBERGE
des Amis de Pézenas


Il appartenait à Claude Alberge, bien connu à Montagnac, de présenter ces croisades autrement, c'est à dire sous leur aspect politique et économique. Pour le conférencier les croisades relativement courtes ont été le prétexte d'une main mise systématique, des capétiens sur le comté de Toulouse qui était plus grand que le domaine des Rois de France. Les universités créées par le roi formeront les juristes du futur comté rattaché à la couronne. L'édification de cathédrales gothiques verra l'installation d'écoles. La création des foires développera le commerce et encouragera les industries. La coûteuse guerre de cent ans augmentera les besoins en devises des rois de France, ce qui les conduira à concéder des privilèges aux cités contre espèces sonnantes. La création des états provinciaux permettra la négociation du montant de l'impôt et de sa répartition. La croisade ne se résume donc pas à une extirpation de l'hérésie mais c'est une extension du domaine des rois de France jusqu'au futur Languedoc.


Après cette brillante communication, la discussion de clôture a permis à André Nos de rappeler qu'il y avait eu plusieurs croisades dirigées contre l'hérésie, que les croisés du nord n'étaient pas tous, hélas, des enfants du nord, qu'il existait des bibles cathares et qu'enfin malgré les tueries et les exactions commises par les croisés du nord pour imposer une politique de langue d’Oïl, la civilisation et la langue occitanes ont perduré jusqu'à nos jours.


Ce colloque a donc bien été une belle journée de culture, d'histoire et de convivialité qui a fait honneur aux « Amis de Montagnac ».


                                                    






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